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Frédéric Moraillon - Un homme de marketing, curieux et créatif, aux talents multiples

Frédéric MoraillonFrédéric Moraillon
Écrit par Jean-Michel Bardin
Publié le 3 juin 2021, mis à jour le 4 juin 2021

Frédéric Moraillon est installé depuis près de 30 ans à Singapour, où il a fondé une famille. Derrière un professionnel du marketing et un entrepreneur inventif, se cache un homme aux multiples activités intellectuelles et physiques, allant de la poésie aux arts martiaux.

 

Frédéric, vous continuez à avoir en parallèle ou en alternance des missions dans de grands groupes et des expériences entrepreneuriales. Quelles ont été vos principales activités professionnelles ces dernières années ?

Jusqu’en 2016, j’ai travaillé en tant que Responsable marketing pour la région Asie-Pacifique et Japon pour le groupe américain Akamai Technologies, qui développe des réseaux de diffusion de contenu, permettant aux sociétés d’accélérer et de protéger l’accès de leurs clients à leurs sites internet. Après être parti, j’ai tout de suite rejoint The Wise Traveller, société que j’avais cofondée quelques années avant, dont la mission était de faciliter la vie des voyageurs en offrant notamment des assurances-voyage annuelles simples, bien pourvues de bénéfices et à un prix très compétitif. Je m’occupais du marketing et de nos partenaires de ventes et nous avions réussi à avoir plus de 5.000 clients. J’ai revendu mes parts dans cette société en 2018. J’ai enchainé dans le consulting dans le cadre de Sound Principles, ma société de conseil que j’avais fondée il y a bien longtemps, pour aider les Responsables des ventes et du marketing à intégrer leurs fonctions pour développer une croissance plus forte.  Je travaillais notamment sous forme de mentoring, en combinant l’optimisme d’un entrepreneur, l’attention au revenu d’un chef d’entreprise, l’approche rigoureuse d’un scientifique, la passion d’un ingénieur et le cœur d’un artiste.

En 2019, j’ai cofondé Kaminoo, une plateforme destinée à connecter les Responsables des ventes avec des commerciaux indépendants pour atteindre les bons contacts et accélérer leur cycle de vente. Nous planifions notre lancement pour 2021. Enfin, début 2020, j’ai travaillé pendant 18 mois avec le groupe américain Dropbox, qui opère dans l’hébergement de fichiers, en tant que Responsable mondial du marketing régional avec une équipe de 20 personnes. Je viens de finir ce projet et suis maintenant avec Collibra, une société de Data Intelligence.

 

Quel a été l’impact de la COVID sur vos vies professionnelle et personnelle ?

Contrairement à d’autres secteurs, le domaine IT, dans lequel je travaille, s’est largement développé pendant la pandémie. La restriction des déplacements et des contacts physiques a conduit à une accélération de l’usage de l’IT dans les organisations tout autour du monde. En ce qui me concerne, cela signifie moins de déplacements, mais beaucoup de sessions zoom, parfois s’enchainant sans coupure sur des heures, et à des moments exotiques pour être en phase avec mes clients et mes collègues qui habitent un large spectre de fuseaux horaires. Certaines journées sont épuisantes. J’ai des échanges quotidiens avec les membres de mon équipe, qui résident aux Etats-Unis, en Europe, au Japon et en Australie, pour maintenir le contact personnel malgré le manque de rencontres physiques. Il est en effet important de garder la cohérence de l’équipe et d’être attentif aux problèmes, autant professionnels que personnels, que ses membres peuvent rencontrer dans cette période difficile.

 

Frederic Moraillon
Instruction d’art martial @ Frédéric Moraillon

 

“Nul ne peut servir Dieu et l'argent. Entre Dieu et Mammon, il faut choisir” écrivent Matthieu et Luc dans leurs évangiles. Pourtant vous vous présentez comme un avocat d’un business à la fois rentable et éthique. Comment conciliez-vous ces deux objectifs ?

Dans la culture française, fortement influencée par le catholicisme, « faire de l’argent » passe en effet pour une activité douteuse : les revenus sont tabous. Dans le monde anglo-saxon, où j’ai terminé mes études, comme à Singapour, où j’ai commencé ma carrière, c’est tout le contraire : les gens sont fiers de leurs richesses et n’hésitent pas à en parler et à les utiliser pour le bien. En fait, il faut considérer l’argent comme un moyen d’accomplir certains objectifs, et non comme une fin en soi. Par exemple, étant intéressé par la peinture, l’argent que j’ai gagné m’a permis de faire du mécénat auprès de quelques jeunes peintres locaux. Le business éthique, c’est aussi refuser les pratiques douteuses ou dangereuses, comme la corruption, le travail des enfants, ou la fourniture de produits risqués. Heureusement, le domaine de l’IT, qui est le mien, est moins sujet que d’autres à ce genre de choses. De plus, je m’astreins à avoir toujours des relations de travail justes et claires, même quand les circonstances pourraient autoriser certains écarts.

 

Parmi vos nombreuses activités de volontariat, l’une est assez originale : Vous avez été instructeur en art martial. De quel art martial s’agissait-il et comment en êtes-vous arrivé là ?

D’où je viens, la mode était de pratiquer des sports de combat. Pour moi cela a été le judo, de 7 à 13 ans, puis le karaté. En arrivant à Singapour je me suis mis à l’Aïkido. Dans tous ces sports, je me suis arrêté à la ceinture marron, sans aller jusqu’à la noire. En 2008, j’ai rencontré à Singapour Fred Evrard, spécialiste d’auto-défense et plus tard de contre-terrorisme, qui avait développé le Kali Majapahit, une fusion d’arts martiaux Philippins et Indonésiens et qui a maintenant des centres dans plusieurs pays, coordonnés depuis Singapour, pour l’enseigner. J’ai été séduit par cette technique, qui se pratique à mains nues ou avec divers instruments (bâton, couteau,…) en prolongation du bras, et j’ai progressé jusqu’à obtenir le premier degré de ceinture noire et devenir instructeur pour les débutants. Bien qu’ayant quitté le centre en 2018, je continue à m’entrainer et viens de commencer avec des amis le Bajiquan, qui a des principes et mouvements très proches du Kali, sous un maitre d’origine Chinoise.

 

Frederic Moraillon
Pratique du parkour @Frédéric Moraillon

 

Pratiquez-vous d’autres disciplines sportives ?

Depuis 2011, je pratique le « Parkour », c’est-à-dire le déplacement efficace en milieu urbain, en passant tous les obstacles qui se présentent : la version civile du parcours du combattant. C’est assez « physique », mais cela développe aussi la force mentale. Je me suis d’ailleurs ainsi cassé la jambe deux fois en faisant des erreurs. Cette discipline a été créée par des adolescents dans la banlieue parisienne, plus connue sous le nom de Yamakasi,  il y une trentaine d’années. J’ai eu la chance de m’entrainer plusieurs fois avec trois de ces fondateurs : Châu Belle, Laurent Piemontesi et Sébastien Foucan. La discipline est maintenant pratiquée partout dans le monde. A part cela je fais du MovNat, et plus classiquement de la natation. Tout cela représente 4 à 8 heures d’exercice par semaine.

 

Vous trouvez encore du temps pour d’autres activités : Philatélie, numismatique, et surtout poésie. Comment arrivez-vous à mener tout cela de front ?

La philatélie et la numismatique sont des héritages familiaux. Mon père et mon grand-père étaient collectionneurs et pouvaient passer des heures dans des marchés aux puces pour découvrir des spécimens rares. C’était pour eux une passion à tel point que lorsque la collection de timbres de mon grand-père a disparu lors d’un déménagement, mon père et mon grand-père se sont disputés pendant des années, s’accusant mutuellement de cette perte. Je suis toujours intéressé par les pièces anciennes, mais elles ne sont pas toujours abordables.

Mon entrée dans la poésie est surprenante, car je ne suis pas un écrivain. Cela a commencé par des quatrains pour enquiquiner gentiment mes amis et collègues.. Comme cela m’avait plu, j’ai continué en mettant plusieurs quatrains l’un derrière l’autre pour faire un poème. De fil en aiguille, j’ai écrit plus de 2000 poèmes entre 2005 et 2008, mais maintenant je suis beaucoup moins prolifique. Ma technique était d’écrire un premier quatrain très vite, puis de le compléter en en écrivant d’autres sur le même thème. Voici un échantillon de ma production

Au fond, ce qui m’intéresse est d’écrire mes pensées. On dit que nous avons de l’ordre de 60.000 pensées par jour, et la plupart du temps elle passent sans laisser de traces. Pourtant, certaines d’entre elles méritent d’être retenues et méditées. Aujourd’hui je suis plus intéressé par les citations, c’est-à-dire la condensation en très peu de mots d’une pensée profonde. Pour allier cet art avec les affaires, je me suis lancé dans la conception et la diffusion de T-shirts ou de posters portant ce genre de citations. Mais, comme le dit ma femme, « Ce n’est pas avec ça qu’on va payer notre retraite… ! »

En fait toutes les activités ne sont pas indépendantes les unes des autres ; elles s’enrichissent mutuellement. D’une manière générale, je pense que pour être créatif, il faut abandonner les cloisonnements, qui ont été longtemps la règle dans la connaissance et dans l’action. C’est dans la rencontre, souvent par hasard, d’idées ou de personnes, jusqu’alors séparées, que jaillit l’innovation. Plus généralement, j’ai une conception holistique de la vie, avec l’homme faisant partie intégrante de la nature.

Frederic Moraillon
Exemple de poster avec citation @ Frédéric Moraillon

 

Apres 30 ans d’Asie, vous avez probablement une bonne vue sur les diverses cultures de ce continent. Quelles sont pour vous les principales différences entre ces cultures et avec les cultures occidentales ?

J’ai découvert la variété des cultures à Salamanque, en Espagne, pendant une période d’étude, où je n’ai en fait pas beaucoup étudié. J’ai tellement apprécié ce cosmopolitisme, que quand il s’est agi de vraiment étudier pour obtenir un diplôme, passeport pour un travail, je suis parti à Londres, plutôt que de retourner en France.

Il y a un large fond commun dans toute l’humanité, peut-être 80%. Les 20% restant varient de culture à culture, même au sein de l’Asie : les manières de travailler, de s’amuser au Japon, en Inde ou en Corée diffèrent et se regroupent en même temps... Singapour est passionnant, car c’est un microcosme des cultures, des races, et des religions du monde où elles se côtoient. Il y a donc beaucoup à apprendre et à entreprendre, à partir du moment où on garde l’esprit ouvert et où on ne bronche pas devant un verre de Cognac avec des glaçons.

Pour ma part, j’aurais du mal à revenir vivre à temps plein dans la campagne de ma famille où j’ai passé une grande partie de ma jeunesse et où les histoires, quoique amusantes et intéressantes, changent très peu. Je garde un respect énorme de cette ancienne vie et suis toujours en contact avec mes amis d’enfance.

 

Comment voyez-vous votre avenir ? A Singapour ou ailleurs ?

Je ne compte pas prendre ma retraite. Même si j’arrête de travailler pour des groupes, je souhaite continuer comme entrepreneur le plus longtemps possible. Être son propre patron permet de choisir et doser ses activités, en fonction de ses goûts et de ses capacités. Pourquoi pas aussi devenir un artiste à plein temps, comme certains me le suggèrent. Apres 30 ans de climat tropical, l’une des motivations qui m’a conduit à Singapour, je ne me vois pas résider dans un pays très froid ou trop gris. J’imagine une vie duale entre la France et un pays chaud, probablement asiatique.

 

Frederic Moraillon
Exemple de « teelosopher » @ Frédéric Moraillon

 

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Dans le cadre de l’anniversaire des 20 ans de lepetitjournal.com, l’édition de Singapour a souhaité donner la parole et mettre en lumière des Français et francophones résidant à Singapour depuis une vingtaine d’années.

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