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FRANC-MACONNERIE- Jean-Pierre Servel, Grand Maitre de la GLNF

Écrit par Lepetitjournal Singapour
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 20 juin 2016

Pour notre 2ème article consacré à la Franc-maçonnerie, lepetitjournal.com/singapour a rencontré le grand maitre de la Grande Loge Nationale de France (GLNF), Jean Pierre Servel,  à l'occasion de la conférence publique qu'il donnait le 26 mai dans le bâtiment de Colesman Street offert à Sir Raffles en 1845 par les autorités malaisiennes, qui abrite aujourd'hui les loges maçonniques de Singapour. Cet échange a été l'occasion d'une présentation historique de la Franc-maçonnerie et des principes de la GLNF, régulière et de tradition, et d'une séance de Questions-Réponses significative sur les interrogations du public sur ce mouvement.

Quel était  votre objectif  de cette tournée dans le district international ?

Jean-Pierre Servel - Mon objectif était de rencontrer les « frères » lointains qui dépendent du siège de la GNLF à Paris. Pendant 2 mois, j'ai littéralement fait le tour de la planète en visitant des loges de Polynésie, en passant par la Nouvelle Calédonie et en finissant ma tournée par l'Asie. J'ai aussi rencontré des obédiences « amies » comme  celles de Brisbane, de Sydney en Australie. C'est un  bon moyen de se connaître et de resserrer les liens entre les différentes loges. Le réseau de la GNLF est vaste : cela représente 28 000 « frères ». Nous sommes également rattachés à la Franc-maçonnerie Universelle qui regroupe plus de 3 millions de frères à travers le monde.  Il y a un vrai rayonnement mondial, une fraternité au delà des frontières qui se crée entre ses membres. Et, à travers cette tournée, j'ai voulu témoigner de cette fraternité.

Lors de cette tournée internationale, vous avez donnez des conférences publiques. Quel était l'objectif de ces rencontres ?

- L'objectif était de nous faire connaître et de démythifier la Franc-maçonnerie dans des zones où les cultures locales peuvent parfois faire naître des fantasmes et des malentendus. Ces malentendus existent d'ailleurs de la même façon en métropole.

Il y a souvent confusion avec le Grand Orient de France. Lors de ces rencontres, je fais donc un rappel historique. La Franc-maçonnerie a été fondée en Angleterre au début du XVIIIème siècle avec une première obédience : la grande loge de Londres. A partir de cette première entité, il y a éclosion rapide de la Franc-maçonnerie dans le monde. En 1723, apparaissent les premières loges françaises dont est issu le Grand Orient de France. Mais au cours des années, des scissions sont apparues, concernant les principes fondateurs, notamment sur la foi en Dieu et la non implication de ses membres dans le débat politique, sociétal et religieux de leur pays.

A la fin du XIXème siècle, le Grand Orient adopte pour principe la « liberté absolue de conscience », n'imposant aucune croyance ou religion à ses membres. Puis, peu à peu, il s'implique plus dans la société en affichant certaines positions politiques. Parallèlement à cela, un mouvement se crée qui veut renouer avec les principes fondateurs et en 1913, la Grande Loge Nationale de France, Franc-maçonnerie de tradition et régulière est créée. Cette Franc-maçonnerie régulière représente aujourd'hui 95% de la Franc-maçonnerie mondiale.  

Nous conservons avec nos « frères » du Grand Orient des relations amicales mais nous différons sur nos principes qui restent ancrés dans la foi en Dieu. Par ailleurs, nous restons un mouvement exclusivement masculin contrairement au Grand Orient qui s'est ouvert aux femmes en créant des loges féminines.

Vitrail Maison des Franc-maçons Coleman Street, Singapour
Quelles sont les interrogations les plus courantes concernant la Franc-maçonnerie de la part du public que vous rencontrez ?

- Les interrogations tournent souvent autour du secret qui entoure la Franc-maçonnerie et la solidarité entre les frères. En fait je crois que le « secret maçonnique » nous porte préjudice. Il faut distinguer le secret lié à l'initiation d'un « frère » et le secret qui est lié à l'appartenance. On demande au futur « frère » de ne pas révéler les rites de son initiation, ce qui touche à la vie interne de l'Ordre. Il y a aussi une confidentialité de l'appartenance mais chacun est libre de révéler ou pas s'il est franc-maçon. Il n'y a aucune obligation à garder le secret. Au contraire, je pousse personnellement les membres à révéler leur appartenance.

Quant aux rites et au déroulement d'une séance, cela appartient aux « frères ». Il a 3 degrés : l'apprenti, le compagnon et le maître. Les séances sont extrêmement codifiées et sont  tenues secrètes. Cependant,  nos règlements sont accessibles à tous, les objectifs ne sont pas cachés.

Ce qui fait naître également de nombreux fantasmes, c'est la solidarité des « frères ». Mais je dirais que c'est une solidarité dans l'honneur et non pour masquer tel ou tel agissement. Nous avons  d'ailleurs un système disciplinaire interne qui permet d'exclure un membre qui aurait mal agi. Par exemple, lorsqu'un membre est mis en examen, il est suspendu jusqu'au jugement rendu par la justice de son pays. Certains hommes sont mauvais et le Franc-maçonnerie peut en recevoir dans ses rangs? mais il n'y a dans aucun cas une solidarité ou de protection envers un membre qui aurait été condamné ou aurait commis un acte moralement et judiciairement répréhensible.

Beaucoup de questions du public, lors de la conférence à Singapour, portaient sur l'essence même de la franc-maçonnerie ? Secte, club d'influence, association caritative,  religion?Comment définiriez vous la Franc-Maçonnerie régulière et de tradition ?

- Déjà contrairement à une secte, dans la Franc-maçonnerie il est difficile d'y entrer, avec un apprentissage long. Et il est très facile d'en sortir : un franc-maçon peut à tout moment donner sa démission sans même se justifier. C'est à l'opposé d'un fonctionnement sectaire.

Ce n'est pas une école de pensée, c'est une école de spiritualité. La Franc-maçonnerie est une démarche initiatique et contrairement à une religion, nous ne promettons pas le salut à ceux qui nous rejoignent. Nous comptons  d'ailleurs dans nos rangs quelques prêtres. Dans certaines régions, cette double appartenance à une religion et à la Franc-maçonnerie peut être source de pression pour les prêtres mais pas toujours.

Chaque « frère » essaie de s'améliorer : chacun à sa vitesse, chacun à sa façon. Parfois, il est vrai que certains membres recherchent plus la fraternité que l'élévation spirituelle. Mais nous défendons tous des valeurs communes.

Pouvez vous préciser aujourd'hui les forces vives de la Franc ?Maçonnerie ? Comment voyez vous son évolution à long terme ?

- Il y a 4 ans, en France, en raison d'une crise qui a touché la Grande Loge Nationale de France, nous avons perdu 1/3 de nos membres et nous sommes trouvés en difficulté dans le district international. Cette période est maintenant derrière nous.  

Aujourd'hui, nous ne souhaitons pas forcément recruter en quantité mais en qualité. Nous ne tendons pas vers un élitisme social.  Ce que nous cherchons avant tout ce sont des hommes avec des qualités de c?ur, qui partagent nos valeurs. La moyenne d'âge est aujourd'hui de 49 ans, mais il y a de plus en plus de jeunes qui nous rejoignent et c'est une très bonne nouvelle. Cependant, il n'y a pas d'âge pour y rentrer.

Quant à l'évolution à long terme, j'y pense souvent. Le rêve des francs-maçons est d'améliorer l'humanité.  Cela procède de l'utopie, je le conçois. Nous espérons que par notre rayonnement nous pouvons influer sur la société. Mais c'est un rayonnement de valeurs portées par chaque membre.

Propos recueillis par Clémentine de Beaupuy (www.lepetitjournal.com/singapour) mardi 5 juillet 2016

Pour ceux qui voyagent à Paris cet été : la Bibliothèque nationale de France (BNF) propose jusqu'au 24 juillet 2016 sur son site parisien une très belle exposition sur la Franc-Maçonnerie française. En partenariat avec le Musée de la franc-maçonnerie, elle présente plus de 450 pièces, certaines encore jamais montrées, issues des collections de la Bibliothèque mais aussi des principales obédiences françaises ou de prêts étrangers exceptionnels. Les origines de la franc-maçonnerie, l'histoire de son implantation en France, ses symboles et rituels, ses contributions dans de multiples domaines - politique, religieux, artistique et philosophique - enfin l'évocation des légendes qui lui sont attachées constituent le parcours de cette exposition dont l'ambition est de faire comprendre, dans un esprit didactique, ce qu'est la franc-maçonnerie et de la démythifier. En savoir plus : http://expositions.bnf.fr/franc-maconnerie/infos/01.htm

logofbsingapour
Publié le 4 juillet 2016, mis à jour le 20 juin 2016

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