Arrivée à Singapour il y a 27 ans, Ariane Nabarro est la seule guide française accréditée par l’organisme national du tourisme. Originaire de France, elle connait désormais la Cité du lion mieux que beaucoup de locaux. Lepetitjournal.com a rencontré cette passionnée pour en savoir plus sur son parcours.
Ariane, qu’est-ce qui vous a amené à Singapour ?
Mon mari, comme beaucoup de femmes expatriées ! Je suis une Parisienne pur jus : je suis née, j’ai grandi et fait mes études de droit dans la capitale. Franchir le périphérique, c’était comme se rendre à l’étranger. J'ai débuté ma carrière à la BFCE, Banque Française du Commerce Extérieur, mais j'ai rapidement réalisé que le secteur bancaire ne correspondait pas à mes aspirations. En 1991, j'ai rejoint Chanel en tant qu’attachée de presse internationale ; un rôle qui m’a amenée à être très polyvalente : J'étais responsable d’informer les journalistes à l’international mais je devais aussi veiller aux mises en scènes des présentations en travaillant avec des équipes locales un peu partout dans le monde.
Puis, j’ai épousé un hollandais travaillant dans la finance. J’aurais dû me méfier, les hollandais ont toujours été de grands voyageurs, pionniers en Asie du Sud-Est dès le début du 17ème siècle. En 1997, mon mari est revenu un soir, en me proposant une expatriation de 2 ou 3 ans à Singapour. Je pensais alors que cette période serait courte et que je pourrais reprendre ma carrière à notre retour. Cependant il n’y a jamais eu de retour ! Et après 27 ans, je suis toujours à Singapour. Jamais je n'aurais imaginé m’installer à l’étranger. J’avais beaucoup voyagé, tant à titre personnel que professionnel, j’aimais découvrir de nouveaux pays, mais à condition de revenir chez moi à Paris.
Quelles ont été vos occupations quand vous êtes arrivée à Singapour ?
Grâce à une amie, j'ai découvert « Friends of Museum », une association à but non lucratif regroupant des guides volontaires au sein des musées et institutions culturelles de Singapour. J'ai suivi une, deux, trois (et bien plus) formations et de simple adhérente, je suis devenue guide bénévole.
Parallèlement, je me suis engagée auprès de à l’Association des Français de Singapour (AFS, devenue depuis Accueil Singapour), où je suis devenue vice-présidente en 2004 pour une période de 2 ans et j’ai siégé au comité élu jusqu’en 2012. En parallèle, j’ai représenté localement un des élus Représentants des Français de l’Étranger jusqu’en 2013, à l’avènement des conseillers consulaires, devenus conseillers des Français de l'étranger en 2019.
Au sein de l’AFS, j’avais pour ambition de dépasser le milieu franco-français et de m'investir dans des actions locales, au-delà des traditionnels diners de charité. Grâce à une amie, j’ai découvert Gracehaven, un centre d’accueil pour enfants issus de familles en difficulté, géré par l’Armée du Salut et situé à deux pas de l’IFS. J’y ai consacré beaucoup de temps pendant 8 années. Avec seulement 3 bénévoles au départ nous sommes rapidement passées à une quarantaine, offrant confiance et espoir à ces « naufragés de la vie », notamment à travers de multiples activités.
Mon premier contact a été un révélateur : j’avais apporté des perles pour fabriquer des colliers, activité que j’imaginais des plus simples, mais j’ai réalisé que c’était un véritable défi pour ces enfants. Les voir progresser et trouver leur voie était une grande satisfaction. Après un atelier de cuisine, l’un des enfants s’était découvert une vocation pour le métier de cuisinier et nous avons réussi à l'intégrer plus tard au restaurant le Bar-A-Thym. Une année, notre action avait même été sélectionnée par le comité de sélection du » President Award » des œuvres charitables.
Grâce à mon engagement envers de la communauté française et du lien créé entre les Français et ce groupe de jeunes défavorisés, j’ai eu l'honneur d'être nommée chevalier de l’ordre national du mérite en 2012.
En 2016, j’ai ouvert l’antenne singapourienne de l’UFE (Union des Français de l’Étranger), après avoir mené une lutte de 15 mois avec l’administration singapourienne pour faire reconnaître cette délégation en tant qu'association de droit singapourien. En effet, le terme « union » qui signifie en anglais syndicat, n'était pas particulièrement bien perçu par les autorités locales. Je l’ai présidée pendant 7 ans, et j’en suis actuellement la vice-présidente. De plus, j'ai été élue vice-présidente au conseil d’administration de l’UFE Monde, où je suis en charge des délégations de la région Asie-Océanie.
Membre de l’Alliance Française depuis mon arrivée dans la Cité du Lion, j’occupe le poste de secrétaire générale depuis 2ans.
Qu’est-ce qui vous a amené à vous tourner vers le tourisme ?
Après quelques années en tant que guide bénévole, ou « docent » comme nous sommes appelés ici, dans les musées, j’ai ressenti le besoin de profiter des richesses extérieures. J’ai décidé d’organiser des visites en ville pour faire découvrir Singapour aux Français de passage. Cependant, dans le Singapour bien régulé que nous connaissons, il m'a fallu obtenir une accréditation de l’Office du Tourisme (Singapore Tourism Board), et pour cela j'ai dû retourner à l’école, passer, avec succès, six examens. Cela me permet aujourd’hui d’organiser des visites non seulement en français, en anglais (important pour les couples mixtes) mais aussi en italien.
En 2012, j’ai créé ma société, « Singapour sur Seine », un nom qui reflète ma volonté de présenter Singapour en lien avec la France. Durant mes visites, je parle de figures françaises emblématiques comme Napoléon ou Charles de Gaulle. Dans ce « one woman show », je suis simultanément guide, gestionnaire, comptable et commerciale de ma compagnie. J’ai créé plus de 60 balades à pied et à thème. Mes visites durent en moyenne 3 heures et m’occupent 5 jours sur 7. A l’origine, ma clientèle se composait de Français de passage, mais durant la pandémie de Covid, j’ai également servi des Français résidant et bloqués à Singapour. Aujourd’hui, ma clientèle va des élèves de l’IFS, aux investisseurs potentiels et aux architectes, sans oublier les beaux-parents. Ce sont des articles parus dans des magazines français ainsi que mes relations avec les agences de voyage en France qui m’ont permis de me faire connaitre.
J’ai aussi suivi une formation de formateurs de guide dans le cadre de la Fédération Mondiale des Associations de Guides touristiques (WFTGA), une nouvelle carte dans mon jeu que je dois développer.
Comment introduiriez-vous Singapour auprès de quelqu’un qui n’en a jamais entendu parler ?
Singapour se distingue par son excellence s’appuyant sur un marketing exceptionnel et une constante innovation pour réussir, tout en n’hésitant pas à se remettre en question lorsque quelque chose ne fonctionne pas. Singapour est également le pays de tous les possibles où on peut réaliser ses rêves. C’est un pays qui prône la diversité religieuse, culturelle et linguistique. J’ai une grande admiration pour la réussite de Singapour.
Comptez-vous quitter Singapour un jour ?
On dit souvent que l’on souhaite finir ses jours là où l’on est né. Cependant, je n’ai aucun projet de départ à court terme. J’adore ce pays, où je suis bien intégrée. J’y suis résidente permanente, deux de mes trois enfants y sont nés et y ont effectué leur service militaire.