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ECONOMIE – Internet haut-débit par satellite dans toute l’Asie-Pacifique grâce à la start-up KACIFIC

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Écrit par Cécile Brosolo
Publié le 30 mai 2017, mis à jour le 30 mai 2017

Depuis le succès de SpaceX, le domaine spatial bénéficie d'un regain d'intérêt des investisseurs et de nombreuses start-ups font parler d'elles. A Singapour, Kacific broadband satellite, cofondée en 2013 par les français Christian Patouraux et Cyril Annarella, est en passe de connecter toute l'Asie-Pacifique à l'internet haut-débit à un prix abordable, grâce à son satellite nouvelle génération, Kacific-1. Portrait de cet opérateur internet par satellite inédit avec son COO, Cyril Annarella.

 

www.lepetitjournal.com/singapour - Comment est née l'idée de votre start-up, Kacific ?

Cyril Annarella ? Christian Patouraux, qui a 20 ans d'expérience dans le domaine spatial et des satellites m'a présenté en 2013 son idée de lancer un satellite de télécommunication de nouvelle génération. J'ai moi même une formation dans le domaine aérospatiale, et une expérience professionnelle dans le domaine digital, marketing et conseil aux start-ups.

Kacific est née de la concomitance d'un besoin et de l'arrivée de nouvelles technologies.

Environ 10% du marché de la zone APAC n'est pas connectée à internet. Ce sont des îles isolées du Pacifique ou des villages reculés et difficilement accessibles en Asie du Sud-Est. Ils sont trop coûteux à connecter pour les opérateurs au sol, et l'offre internet par satellite est trop onéreuse.

Aujourd'hui, les satellites de nouvelle génération (High Throughput Satellites, HTS) permettent de proposer internet à très haut débit (100Mbps), à des prix abordables et avec des installations de réception classiques côté consommateur.

Qui sont vos clients ?

- Nous couvrons la zone Asie-Pacifique, de Tahiti à Sumatra. Nos clients sont les petits états insulaires du Pacifique comme les Fidji, Vanuatu, les îles Kiribati ou d'autres archipels éloignés, mais aussi l'Indonésie, les Philippines, la Nouvelle-Zélande,...

Nous sommes un opérateur internet par satellite un peu particulier. Nos clients sont principalement des gouvernements, des opérateurs télécoms ou des fournisseurs d'accès internet locaux qui s'occuperont ensuite du consommateur final pour la vente au détail de la bande passante, équiper les clients avec les antennes, les modems, faire l'installation, la maintenance, ....

Quelle priorité pour ces pays d'être connecté à internet ?

- Dans le monde d'aujourd'hui, avec une mondialisation de l'économie et une globalisation des échanges, l'absence d'accès à l'internet constitue un frein à la croissance. Internet facilite l'accès à l'éducation, aux soins (par des cours ou des consultations d'urgence en ligne), favorise l'inclusion, le partage de l'information et du savoir, et améliore le bien être des gens.

Pour faciliter le déploiement, nous travaillons dans certains pays avec les acteurs locaux pour faire des systèmes communautaires. A Vanuatu par exemple, nous allons installer une dizaine d'antennes dans des dispensaires et dans des écoles. De cette façon, l'utilisation d'internet est ouverte aux habitants des villages en dehors des heures ouvrables.

Dans un projet comme celui-ci, quels sont les montants investis et qui sont les investisseurs ?

- Cela s'est vraiment fait au départ grâce à l'impulsion d'un réseau de connaissances et de professionnels du domaine spatial et des satellites. Les premiers investisseurs à nous avoir fait confiance sont des particuliers, des managers seniors de l'industrie télécom ou spatiale, qui ont compris notre projet et ont eu confiance dans notre expérience et notre expertise.

Grâce à eux, nous avons pu rencontrer en particulier une figure importante de l'industrie spatiale  satellite, l'américaine Candace Johnson qui a fondé dans les années 70 la plus grosse société de satellites au monde, SES, et qui très impliquée dans les start-ups spatiales. Elle a adhéré à notre projet et nous a beaucoup aidé, notamment en animant son réseau d'entrepreneurs dans les télécoms qui ont investi dans notre start-up.

Ensuite, nous sommes allé voir les gouvernements et les opérateurs télécom en Asie-Pacifique, pays par pays, et nous avons signé des contrats fermes avec les opérateurs locaux, pour un montant total de 434 millions de dollars (USD).

A partir des premiers fonds investis et des contrats clients recueillis, nous avons pu montrer la solidité et la viabilité du projet et attirer des fonds d'investissements. Nous avons ainsi levé un total de 147 millions de dollars à fin 2016.

Le montant de l'investissement total du projet est d'environ 150 millions de dollars. Ce sont en effet des montants importants, mais sur sa durée de vie, un satellite va générer plus d'un milliard de dollars de revenus (ndlr : un satellite HTS a une durée de vie nominale de 15 ans, voire 20 ans). 

On parle souvent de l'écosystème singapourien favorable à l'entreprenariat. Le fait d'être à Singapour a-t-il facilité la recherche d'investisseurs ?

- Nous avons décidé de créer notre entreprise à Singapour d'une part parce que nous y étions tous les deux déjà installés, mais également pour cette facilité d'accès à tout un réseau d'investisseurs, de décideurs, de clients, de conseillers, ... ou encore de compétences à recruter. Il y a Singapour un environnement de connexion permanente qui permet de développer un réseau international et d'avoir accès à différents partenaires.

Kacific broadband satellite

Quel satellite avez-vous retenu et quand entrera-t-il en opération ?

- Pour ce premier satellite, nous sommes en partenariat avec l'opérateur historique de satellites du Japon, Sky Perfect Jsat, dans un satellite condominium. C'est-à-dire que nous possédons chacun la moitié du satellite, et que nous allons le lancer et l'opérer ensemble.

Nous avons terminé le processus d'achat du satellite en début 2017, et la construction de Kacific-1 a commencé à Los Angeles, sur la base d'un satellite Boeing 702. Nous avons retenu Boeing pour des raisons de prix, de technicité et de facilités financières.

Nous sommes maintenant tournés vers le choix du lanceur et l'achat de la fusée. Ce sera soit une fusée Ariane avec un lancement à Kourou en Guyane, soit une fusée SpaceX et un lancement depuis les Etats-Unis. SpaceX est le nouvel entrant sur le marché et est très compétitif. Elon Musk est en train de prouver que le marché spatial n'est pas obligatoirement étatique mais aussi industriel privé, et il apporte des innovations sur le marché du lancement très intéressantes pour nous. Il a notamment considérablement augmenté les cadences de lancement, ce qui change complètement l'équation en offrant plus d'opportunités et en faisant baisser les coûts.

Le lancement prévu mi 2019 et Kacific-1 rentrera en opération quelques semaines après. 

Quelle est votre vision pour le futur de Kacific ?

- Le besoin en connexion à internet n'est pas spécifique aux îles isolées de la zone APAC. Il y a de nombreuses régions du monde qui ont les mêmes difficultés, comme par exemple en Asie centrale (Mongolie, Népal, ...), en Afrique ou les îles de l'Atlantique.

Nous étudions la viabilité économique et la pertinence de lancer un deuxième satellite, cette fois au-dessus de l'océan indien, pour faire la connectivité de la côte Est de l'Afrique à une partie de l'Asie centrale.

Ce sera un nouveau challenge !

 

 

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