ESCAPADE GOURMANDE inédite? et sensorielle! Dîner dans le noir absolu, retrouver le meilleur de Bangkok à Singapour et savourer sans complexe d'excellentes pizzas au levain.
NOX DINE IN THE DARK: dîner dans le noir absolu, servi par des aveugles et malvoyants, sans téléphone, sans sac a main? Enfin on PARLE! La vue en moins, les autres sens sont mis en éveil avec une singulière acuité. Touchante expérience humaine, sensorielle, introspective voire spirituelle.
Une shophouse sur Beach street. On entre dans un bar, accueilli par des voyants comme vous et moi. Ambiance feutrée, couleurs ambrées sombres de boite de nuit des années 1980, un bar au fond? Allures de café ?normal?. C'est là qu'a lieu le ?briefing?: petit cocktail de bienvenue, présentation du programme: il commence derrière cette porte, près des casiers individuels où nous laisserons TOUS nos écrans et nos sacs, et près des sanitaires: il vaut mieux y passer avant.
Nous serons guidés par notre serveur attitré, aveugle: Saan. Il nous attend derrière cette porte, sa main tendue pour serrer la nôtre. Prêts? Nous demande-t-on? Mettez vos mains sur les épaules de vôtre hôte serveur et tous les autres suivent en file indienne, en se tenant par les épaules.
La porte se referme: black out, comme on dit dans les films américains? Noir complet. On cligne des yeux, persuadés qu'après quelques secondes d'acclimatation, nos yeux vont pouvoir distinguer des ombres? Inutile. Pas d'ombre car pas de lumière du tout. Le NOIR.
Nous nous engageons tout doucement dans un escalier: démarrage ambitieux! Notre hôte nous parle avec une douceur inattendue, nous rassure, nous câline avec sa voix. Il nous transmet sa paix intérieure, sa sérénité, son calme et nous installe à notre table.
Il y a 65 places dans cette salle au premier étage. Et 4 serveurs. Ils ont apprivoisé l'aménagement, savent instinctivement se faufiler entre les tables. Pour éviter de se télescoper, chacun émet un son particulier un peu comme un claquement de doigts ou sifflement (tchak tchak, tss tss?) qui ajoute au mystère de la situation: on se croirait dans la forêt pendant la nuit.
A table: notre hôte nous prend gentiment la main pour nous indiquer où sont nos couverts (pas de couteau, évidemment), serviette, verre et ? bouteille d'eau. Il va falloir nous servir tout seul. Le reste, nourriture et vin, nous sera apporté par lui. Il connait nos noms et nous dit de l'appeler par son prénom, sans hurler, si besoin. Il viendra régulièrement vérifier si tout va bien? avec cette douceur quasi surnaturelle qui nous enveloppe. Un menu unique (option végétarienne possible) en 3 étapes: entrée, plat, dessert: $88, vin optionnel: $40 pour 3 verres, accord avec le menu, $30 pour 2 verres.
Chaque étape comporte 4 petits bols rassemblés dans une grande assiette; Saan nous conseille de porter chaque petit bol à sa bouche et de se servir de la cuiller, en commençant par celui juste devant nous et en évoluant dans le sens des aiguilles d'une montre. Tout est coupé en petits morceaux. Il a tellement raison!... Vraiment facile. On essaie de deviner et retenir ce que l'on mange? Il y aura un QCM à la sortie!
Etrange de comparer ce que l'on perçoit au goût sans voir, avec la réalité: persuadés de déguster du boeuf à la sauce aigre-douce thai, nous découvrons que c'était du canard aux champignons crus, vinaigrette japonaise? La crème brulée était en fait une panacotta aux fraises?
Le menu est occidental avec des touches d'inspiration asiatique. C'est très bon avec des ingrédients haut de gamme (foie fras mi-cuit: nous l'avons reconnu!), mais sans éclat gastronomique: l'intérêt majeur n'est pas dans l'assiette.L'expérience dure environ 1h30? Il ne faut pas être claustrophobe, ni paniquer dans le noir. Il faut se laisser porter à une sorte de méditation active, de lâcher-prise, d'introspection et de partage, de communion avec ceux qui nous accompagnent. Les gestes sont ralentis, mesurés; on tatonne.
On nous raconte que de nombreuses propositions de mariage sont faites là-bas?. Un seul bémol: le bruit! 65 couverts, c'est beaucoup et il y a de nombreux groupes qui ont tendance à être encore plus loquaces et bruyants dans le noir. Du coup, l'ambiance méditative dont on a envie est un peu gâchée?
Assurance de passer un moment en dehors du temps et de ses repères. On en ressort apaisé, humbles, émus, heureux d'avoir contribué à l'intégration positive du handicap dans notre société: Saan dépérissait, pensait dépendre misérablement de ses parents toute sa vie; il a maintenant un métier pour lequel il a été formé, un salaire, une identité sociale. Il va bientôt se marier? avec une voyante.
Nox dine in the dark n'est cependant pas une entreprise philantropique. C'est un business modèle extrèmement intéressant, minimisant les coûts de structure au maximum (menu unique, 4 serveurs, décoration de la salle sans importance: on ne voit rien!, tarif relativement élevé justifié par l'unicité de l'offre), mais offrant un avenir à des handicapés et une aventure originale aux clients. Cela vaut vraiment le déplacement, indubitablement.
Nox dine in the dark ? 269, Beach Road ? S 199546- T: 6298 0708- Mrt Bugis
YHINGTHAI PALACE: l'un des rares très bons restaurants thaï de Singapour, qui fait l'unanimité depuis 23 ans. Caution irréfutable ; une valeur sûre.
L'intérieur, très quelconque, ne reflète point la qualité et l'authenticité de cette délicieuse et honnête cuisine thaï, dirigée par une thaïlandaise mariée à un singapourien. Les mets regorgent de parfums et d'épices ? raisonnablement dosés pour nos palais sensibles : plongeon gustatif instantané au c?ur de Bangkok? sans le feu diabolique dans la gorge !Pas de « set menu », mais une carte riche et structurée. Deux portions sont souvent proposées (entrée ou plat), et invitent la tablée à partager de nombreux petits plats. En Thaïlande, on porte tout sur la table et chacun se sert selon ses humeurs et envies ! Le chaud, le froid, le solide, le liquide?
Tradition oblige, on goûte la fraicheur de la salade de papaye ou de mangue vertes ($18-36) : croquante, acidulée et un peu sucrée, généreusement agrémentée de cacahuètes et autres petits légumes. On ne peut faire l'impasse sur la soupe Tom Yam, copieusement garnie de poisson (filet de red snapper, ou vivaneau rouge), crevettes ou poulet, claire pour en faire ressortir les goûts et les textures, ou parfumée au lait de coco ($8 le bol). Pas de tomates du tout.
Le traditionnel Phad kai au b?uf, Phat Kra Pao Nur ($20-40) ou au poulet et porc, Phad Kra Pao Kai/Mhoo ($15-30) est exceptionnellement léger et aromatique, car le riz est à peine frit et le bouquet des épices richement équilibré, plus ou moins fort selon ses desideratas. Mention spéciale pour le Peek Kai Sord Sai, ailes de poulet dorées, désossées et farcies avec un mélange délicat d'asperges, champignons shiitake et chair de poulet marinée dans la citronnelle ($15-30) : optimisation fameuse d'une partie souvent négligée de la volaille.La salle abonde de thaïlandais et de singapouriens réguliers qui connaissent bien la Thaïlande : leur « cantine » thaï est franchement bonne. C'est d'abord cela que l'on recherche en ce lieu.
Yhingthai Palace - 36, Purvis Street,#01-04 - T : 6337 1161 / 6337 9429 ? Mrt City Hall ou Bugis
PLANK : PIZZAS PÂTE FINE ET CROUSTILLANTE AU LEVAIN. Tellement fine et tellement goûteuse que même les dames ne laissent point la croûte dans l'assiette!
Plank est la pizzeria-café du célèbre boulanger-pâtissier australien: Dean Brettschneider, fondateur de la chaîne Baker and Cook à Singapour. Son succès, il le doit à sa maîtrise parfaite de la fermentation lente et délicate du levain pour sa fameuse boule au levain. Le chef utilise la même pâte pour les pizzas. Et cela leur donne un caractère vraiment unique.La carte est limitée, mais suffisante pour satisfaire la majorité. Outre le grand classique « Kids pizza » : tomate, mozzarella, pepperoni (S$19), on trouve des garnitures plus sophistiquées, voire originales : tomate, mozzarella, aubergine, olives, piment et chorizo ou bien : tomate, poulet grillé barbecue, compote de canneberges, (cranberry), camembert, roquette et huile d'olive (S$23). Mais notre préférence est allée directement à la pizza aux tomates, oignons frais légèrement sautés, champignon portobello au mirin (condiment japonais, s'apparente au vinaigre), parmesan en lamelles relevé d'huile de truffe (S$24). Parfaitement végétarien. Innocemment délectable. On peut s'accorder un dessert pizza : la Cheese Plank quand on aime le sucré/salé : fine couche de crème fraîche à l'ail caramélisé, roquefort, confiture de figue, cerneaux de noix caramélisés, sirop d'érable, zeste de ciron au thym, présentée en longueur, en morceaux, pour partager (S$14) ; l'Affogato si l'on se sent en manque d'énergie et de douceur : double expresso café liquide sur une boule de glace à la vanille, nappée de sauce chaude au caramel, de quelques amandes grillées et saupoudrée de sucre glace à la cannelle (S$9.50).
On trouve quelques salades composées pour équilibrer le tout, et l'ensemble des pâtisseries et pains de Baker and Cook.
La salle est toute simple, claire, colorée et propre.
Parfait pour une pause café entre amis ou un déjeuner sur le pouce, simple, savoureux et (presque) pas culpabilisant tellement la pâte est délicieusement fine et légère !
PLANK ? 64, Namly Place, Namly Estate, Bukit Timah ? T : 6466 2280
Michèle Thorel, (www.lepetitjournal.com/singapour) , le Vendredi 24 février 2017.
ABONNEZ-VOUS ! à notre Newsletter Gratuite