Situé juste à l’extérieur de l’ancienne concession française, Xujiahui, appelé autrefois Zikawei, est un quartier du centre de Shanghai situé dans le district de Xuhui.
Xujiahui et les jésuites
Le nom de Xujiahui veut dire le domaine situé à la jonction de deux rivières et appartenant à la famille Xu.
C’est de cette famille qu’était issu le jésuite chinois le plus connu - Xu Quangqi (XVI-XVIIe siècle), Paul de son nom de baptême et confrère du célèbre jésuite Mattéo Ricci qui l’a baptisé. Aux XIXe siècle, la famille de Xu Guangqi donne de vastes terrains aux jésuites qui y ouvrent la mission jésuite en Chine en 1842. Sur ces terrains plutôt inhospitaliers et marécageux, les jésuites construisent au fur et à mesure une église, à la place d’une petite chapelle catholique existante, une école pour garçons, une imprimerie, une école primaire et enfin une bibliothèque, mais aussi un orphelinat, des ateliers et - couronnant le tour en 1905 - une cathédrale. On peut admirer la plupart de ces bâtiments encore de nos jours. Nous vous invitons donc à une petite balade.
Xujiahui ou Zikawei?
Dans la plupart des documents conservés à nos jours, et dans le langage commun au siècle dernier, le quartier était connu sous le nom de Zikawei. C’est en effet ainsi que se prononce Xujiahui en dialecte local shanghaien.
Et pour un quartier relativement petit on y trouve beaucoup de choses à visiter dont voici les éléments les plus importants.
La Cathédrale Saint-Ignace de Xujiahui
La cathédrale de Xujiahui, appelée aussi cathédrale Saint Ignace, est une bâtisse néo-gothique dont la construction date de 1906 à 1910. Elle a remplacé une église bien plus modeste qui datait de 1851. Son architecte, William Doyle, était anglais mais ce sont les jésuites français qui l’ont érigée. Aujourd’hui elle est noyée dans les gratte ciels environnants mais du temps de sa construction elle dominait largement le paysage plat de la campagne environnante. Elle était visible de très loin depuis la ville. Pendant de nombreuses années elles était considérée comme la plus grande église en extrême-orient.
En forme de croix et munie de 2 tours, elle est construite en brique rouge. Son parvis abrité par des rangées de platanes est un spot de photos assez prisé des shanghaiens.
Comme beaucoup d’autres monuments du passé, surtout colonial, elle a traversé pas mal de moments difficiles notamment pendant la révolution culturelle. En 1966 elle a été très abîmée, son toit et sa flèche à moitié effondrés et ses vitraux détruits. Nationalisée, jusqu’au la moitié des années 1970 elle a servi d’entrepôt de céréales.
Elle a été restaurée et réouverte à partir de 1978. C’est en 1989 que la première messe en chinois y a été célébrée par un évêque chinois. En 2002 a été lancé le projet de nouveaux vitraux que l’on peut admirer aujourd’hui.
Fermée pendant longtemps durant l’épidémie de covid elle est à nouveau ouverte à la visite quotidiennement et gratuitement. Des messes y sont célébrées le dimanche et les jours de fêtes catholiques.
Pour y accéder prenez le métro no 1, 9 ou 10 station Xujiahui.
Adresse: North Caoxi Road, près du croisement avec Hongqiao Road.
Anecdote: la cathédrale est présentée notamment dans le fameux film de Steven Spielberg “L’empire du soleil”.
La bibliothèque de Zikawei
C’est avec le même métro que vous pouvez accéder à la bibliothèque de Zikawei. Ouverte en 1847 et appelée alors bibliothèque de mission, elle est la première bibliothèque moderne de Shanghai. Elle réunissait des œuvres nécessaires pour les nouveaux arrivants jésuites pour apprendre le chinois et aussi pour les aider dans leurs recherches et leur travail. Petit à petit la bibliothèque de Zikawei est devenue l’une des deux plus importantes bibliothèques jésuites de Chine avec celle de Pékin.
Déménagée à deux reprises avec le nombre de volumes croissant, elle a été finalement logée dans le bâtiment actuel qui a été terminé en 1906. Il compte deux étages et 12 pièces. Au plus haut de sa renommée la bibliothèque abritait 100 000 ouvrages (environ 200 000 volumes dont 80 000 étaient des oeuvres occidentales et 12 000 des oeuvres chinoises). Certains des volumes de sa collection étaient de rares exemplaires publiés avant 1800.
De nos jours la bibliothèque Zikawei fait partie de la Shanghai Library. Pour pouvoir la visiter il faut avoir la carte de membre de cette dernière. Le bâtiment du siècle dernier a subit un rénovation en 2003.
Le collège Saint Ignace de Xujiahui
Non loin derrière la cathédrale, au no 68 de Hongqiao Road, se trouve aujourd’hui Shanghai Xuhui High School, située dans les locaux de l’ancien Collège Saint Ignace créé en 1843 par le père Claude Gotteland. Cette école, dédiée exclusivement aux garçons, a été la première à introduire un système d’enseignement occidental à Shanghai et de ce fait offrir une éducation aux enfants des familles qui n’avaient pas les moyens de payer des tuteurs privés.
De nos jours on peut toujours admirer l'imposant bâtiment en brique appelé Chongshi Hall qui peut d’ailleurs être visité les jours où il n’y a pas cours, malheureusement je n’ai pas réussi à mettre la main sur les informations plus précises.
Le musée de Tushanwan
Ou le musée Tusèwè en shanghaien est une autre étape intéressante dans la visite du quartier. Il a été ouvert en 2010 dans les locaux de l’ancien orphelinat dirigé par les jésuites et qui abritait également une école professionnelle qui a formé plusieurs personnes de renom.
Les orphelins chinois, uniquement des garçons, étaient formés aux métiers de menuisier, charpentier, sculpteur de bois ou peintre dans des ateliers dédiés. Les élèves les plus douée en dessin étaient ensuite orientés vers la fabrication de vitraux - un art alors totalement inconnu en Chine et dont il ne reste, hélas, que peu de traces à Shanghai. A l’origine de l’atelier d’art de Tushanwan il y a un jésuite espagnol, Juan Ferrer.
L’orphelinat se prévaut également d’une imprimerie très connue qui éditait des ouvrages en géographie, histoire et même astronomie et sciences naturelles. L’orphelinat et ses ateliers ont continué à fonctionner même après que les jésuites soient chassés de Chine en 1949, jusqu’en 1960. Les ouvrages, comme de magnifiques portiques ou pagodes miniature, dont certains sont exposés dans le musée actuel, avaient représenté la Chine à des expositions diverses et variées dans le monde en obtenant de nombreux prix.
On peut également y apprendre l’histoire de l’orphelinat, de ses responsables et de ses ateliers.
Adresse du musée: North Tianlin Road, non loin de Caoxi Road. Ouvert tous les jours sauf le lundi, 9h à 11h et 13h - 16h.
Anecdote: Chang Chongren, collaborateur d’Hergé pour “Tintin et le lotus bleu” avait été formé dans les ateliers de Tushanwan.
Le parc de Guangqi à Xujiahui
Ce parc de Xujiahui abrite la tombe de Xu Guangqi, le premier jésuite chinois du XVIIe siècle et de sa femme. 10 autres tombes se trouvent dans le même parc, toutes appartenant à des descendants de Xu Guangqi. Juste à côté se trouve un petit mémorial, accessible gratuitement, qui retrace la vie et l’oeuvre du jésuite et savant chinois. Ceci dit, le parc ne diffère en rien des autres parcs shanghaiens et la plupart du temps on peut voir les enfants courir et les adultes danser autour de la tombe.
Le site fait partie des endroits historiques protégés par la municipalité de Shanghai.
L’observatoire de Xujiahui
Juste à gauche de la cathédrale Saint Ignace se trouve le bâtiment de l’observatoire, également construit par des jésuites en 1872 et agrandi en 1880. Le père de l’observatoire, pour ainsi dire, est le père Claude Gotteland. Par la suite a été créée une station d’observations météorologiques dont les bulletins météo étaient notamment transmis vers le sémaphore des jésuites que l'on peut toujours admirer à la jonction du Bund et de la Yan’an Road. Enfin, le bâtiment de l’observatoire abritait également un musée d’histoire naturelle. L’observatoire de Xujiahui était le premier de ce genre en extrême orient. Actuellement il est le siège du Bureau Météorologique de Shanghai. L’accès est gratuit mais il faut réserver auparavant.
Xujiahui Park et la Villa Pathé
De par sa localisation et son arrangement sur deux niveaux avec des passerelles surélevées qui vous font marcher la tête dans les arbres, le parc Xujiahui fait partie de mes parcs préférés. De taille plutôt moyenne, il est très boisé et se compose de plusieurs parties distinctes: un étang (bien évidemment), avec des lotus (bien sûr) - pour les balades au bord de l’eau, une aire de jeux pour enfants, un terrain de basket pour les jeunes et un espace occupé le matin et en fin de journée plutôt par les personnes âgées pour leur pratique de tai-chi ou de danse. Ca et là vous croiserez un habitué jouant du saxophone ou d’un autre instrument de musique, bien plus discrètement toutefois qu’à Fuxing Park par exemple. Il y a aussi un ou deux cafés. On a du mal à le croire mais le parc a été construit à l’emplacement d’une ancienne usine de caoutchouc, dont la seule trace restante de nos jours est une grande cheminée en brique vers l’entrée sud du parc.
A l’extrémité nord-est du parc, sur la Hengshan Road, vous tomberez sur un bâtiment en brique rouge de style bien européen. C’est la villa Pathé, construite en 1921, qui abritait autrefois les studios Pathé, premiers de ce genre en Chine et en extrême orient. De nos jours elle est surtout connue pour avoir été le lieu du premier enregistrement de l’hymne national chinois - La Marche des Volontaires. D’ailleurs certains jours on peut y croiser des groupes d’écoliers shanghaiens en sortie scolaire chantant solennellement l’hymne national.
La villa abrite un petit musée retraçant l’histoire des studios Pathé de Shanghai ainsi que de La Marche des volontaires. Elle vaut le détour également pour son intérieur assez fidèlement préservé. Elle est ouverte tous les jours sauf le lundi, de 9h à 17h. L’accès est libre.
Les parties modernes de Xujiahui
Mais Xujiahui ce n’est pas que de l’histoire. Le quartier est très animé et on y trouve plusieurs grands centres commerciaux comme le Grand Gateway sur la Huashan Road, surplombé par les très caractéristiques “Lipstick Towers” qui doivent leur sobriquet à leur forme, ou le One ITC Mall lové entre Huashan Road et Tianping Road, ou encore le Metro City électronicien mall situé dans sa boule géante au croisement de Zhaojiabang et de Huangshan Roads..
La Zhaojiabang Road qui longe le Xujiahui Park marque une séparation assez franche entre la partie plus “européenne” de l’ouest de l’ancienne concession française et la partie plus “chinoise” qui s’étend jusqu’au la cathédrale, avec ses rues pleines de petits restaurants chinois, de marchés chinois où on peut acheter tout depuis les légumes, en passant par les thés, toutes sortes de baies et fruits secs et autres spécialités locales. Ceci dit ces rues subissent également une “modernisation” assez galopante, on ne peut donc savoir combien de temps ils garderont leur caractère.
D’autres sites intéressants jouxtent le quartier de Xujiahui, comme Jiao Tong University établie en 1896 en tant que Nanyang Public School au nord, ou encore le Shanghai Stadium au sud - lieu qui accueille des match de foot tout comme des concerts et d’autres grands évènements. Il faut également mentionner l’université Aurora (1903-1952), qui - bien que situé plus tard dans la concession française, avenue Dubail - a vu le jour dans les locaux de l’observatoire astronomique de Xujiahui, grace notamment aux missionnaires jésuites travaillant dans le collège Saint Ignace.