Avec plus de 100 milliards de yuans générés en 2019, le KTV reste un pilier du secteur musical en Chine, offrant un espace à la fois ludique et propice aux échanges sociaux. Malgré des défis récents liés à la réglementation et à la concurrence digitale, le secteur se redéfinit à travers une intégration croissante aux applications en ligne.


Le karaoke, outil relationnel haut-de-gamme
Les salles de karaoké privées, connues sous le nom de KTV, sont devenues des lieux incontournables de la vie chinoise. Présentes dans la majorité des grandes villes, elles constituent un espace de sociabilité essentiel, autant dans la sphère privée que professionnelle. Poursuivant la logique du guanxi (关系), un concept central dans la culture chinoise qui désigne l’entretien des réseaux relationnels par le biais d’interactions réciproques et de faveurs mutuelles, le KTV constitue à la fois un loisir et une manière de construire ou renforcer des liens.
Les grandes enseignes comme Chun K, Haoledi ou Pure K proposent des salles à la décoration soignée, souvent équipées de grands canapés, d’écrans plats haute définition, de systèmes audio performants et de tablettes tactiles multilingues pour choisir parmi plusieurs milliers de chansons. Ces salles sont le plus souvent louées à l’heure, avec la possibilité de commander nourriture, boissons alcoolisées ou non, et parfois même des prestations supplémentaires comme des hôtesses, des animations ou du matériel de fête.
Un poids économique significatif
Le marché du karaoké en Chine représente une composante majeure de l’industrie musicale nationale. En 2019, les revenus issus du karaoké, incluant les salles physiques (KTV) et les services en ligne, s’élevaient à environ 103 milliards de yuans. À titre de comparaison, l’ensemble de l’industrie musicale chinoise, qui englobe la production musicale, les concerts, le streaming, les droits d’auteur et les produits dérivés, atteignait 470 milliards de yuans en 2023. Le karaoké représente donc, à lui seul, près d’un quart de cette économie.
Parallèlement, le karaoké en ligne s’est imposé comme un nouveau pilier de l’écosystème musical chinois. L’application Quanmin K Ge (全民K歌), développée par Tencent sous le nom international WeSing, a été téléchargée plus de 300 millions de fois, et a généré environ 7,3 milliards de yuans en 2021. Elle permet aux utilisateurs de chanter, de s’enregistrer, de partager leurs performances, mais aussi de participer à des concours et d’interagir via des commentaires ou des cadeaux virtuels.
Le karaoke s'adapte au vieillissement
Autrefois majoritairement fréquenté par les jeunes actifs et les employés urbains, le KTV attire davantage une clientèle plus âgée. La fréquentation des personnes âgées de 60 à 70 ans dans les établissements KTV a augmenté de 30 % entre 2019 et 2021, tandis que celle des 70 à 80 ans a même doublé sur la même période. Cette évolution démographique suit le vieillissement global de la population chinoise, qui comptait plus de 300 millions de personnes âgées de plus de 60 ans fin 2024. Avec une meilleure santé, un pouvoir d’achat souvent stable et un fort besoin de sociabilité, ces seniors trouvent dans le KTV une activité accessible et valorisante.
Parallèlement, le secteur doit faire face à la concurrence croissante de nouveaux loisirs urbains, notamment auprès des jeunes générations. Les jeux de rôle immersifs, appelés jubensha, les escape games ou encore les cafés à thème se sont multipliés dans les villes comme Shanghai, Shenzhen ou Chengdu, attirant un public à la recherche d’expériences narratives, individualisées ou plus visuelles. La Chine comptait plus de 30 000 établissements de jubensha à travers le pays en 2023. Pour rester compétitifs, certains KTV s’adaptent en intégrant ces formats hybrides : organisation de soirées à thème, collaboration avec des franchises de jeux, ou installation de cabines de karaoké autonomes en libre-service dans les centres commerciaux. Ce modèle, appelé « mini-KTV », permet de chanter seul ou à deux, pour quelques yuans la session, via un QR code.
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