En flânant dans les rues de Hong Kong, de Paris ou de Tokyo, il est difficile de ne pas croiser ces drôles de créatures en peluche accrochées aux sacs des passants. Mi-lapin, mi-gobelin, les Labubu envahissent les vitrines, les réseaux sociaux, et surtout les cœurs. Ces petits monstres au regard farceur, produits par la marque chinoise Pop Mart, sont devenus en quelques mois un véritable phénomène culturel et économique. Explications.


La naissance du Labubu
Fondée en 2010 à Pékin par Wang Ning, Pop Mart démarre comme une boutique lifestyle avant de se réinventer, dès 2016, via le format boîte mystère avec des personnages comme Molly créé par Kenny Wong. Entre 2016 et 2021, la société ouvre plus de 300 boutiques et automatise la vente grâce à des distributeurs appelés roboshops. En 2020, elle entre en Bourse à Hong Kong, atteignant une valorisation de 40 milliards de dollars, dépassant temporairement les géants Hasbro et Mattel. En 2024, ses revenus doublent pour dépasser 1,8 milliard US$, avec un chiffre d’affaires tiré notamment par Labubu.
Le Labubu n’est pas un produit marketing né pour être accroché à un sac. Il est d’abord le fruit de l’imagination du dessinateur hongkongais Kasing Lung, révélé dans les années 2010 pour ses livres de jeunesse. En 2015, il crée la série The Monsters, où apparaît pour la première fois Labubu, un personnage espiègle à la chevelure hérissée et au sourire carnassier.
C’est en 2019 que Labubu devient une peluche, lorsque Kasing Lung collabore avec Pop Mart, une jeune entreprise chinoise de jouets qui parie sur les figurines de créateurs en édition limitée. Labubu devient alors l’un des piliers de la marque, aux côtés d’autres licences comme Pucky, Dimoo ou Crybaby.
Labubu et les réseaux sociaux
Le succès de Labubu ne repose pas seulement sur le hasard. Il est alimenté par une stratégie marketing redoutable : design attachant, ruptures de stock calculées, collaborations avec des artistes stars, et surtout, un engouement viral sur les réseaux sociaux. Sur TikTok, plus d’1,4 million de vidéos taguées #Labubu exposent des collections, des "unboxings", des tutos pour distinguer les vrais des contrefaçons, ou des "Labubu checks" dans la rue. Certains leur font des manucures, beaucoup leurs achètent des vêtements aux logos de luxe, d’autres préfèrent les tatouer ou encore les personnaliser à leur image. De nombreux “memes” sont nés et les réseaux sociaux français s’amusent à en faire des déclinaisons, quand ce n'est pas des gâteaux.

Ces peluches, bien souvent assorties à des sacs de luxe, répondent à un désir d’exclusivité et de mimétisme. Les célébrités les plus connues, telle que Lalisa du groupe Blackpink, s’affichent sur les réseaux sociaux avec toutes les déclinaisons, couleurs et tailles différentes de cette peluche, sur leurs sacs Hermès, Dior ou encore Céline. En effet, la mode des bijoux pour sacs s'inscrit dans un "faux mauvais goût", où pièces de luxes semblent accessibles et banalisés grâce aux peluches à 25€ qui leur sont accrochées.

Comment reconnaître un faux Labubu ?
La popularité fulgurante des Labubu a logiquement attiré les faussaires. Pour distinguer un vrai d’une contrefaçon :
Le prix : un Labubu authentique se vend entre 16 et 25 € en magasin. Au-delà, méfiance.
La rareté : les ruptures de stock sont fréquentes, et les boutiques Pop Mart restent le canal le plus fiable.
Les détails : les copies (souvent appelées “Lafufu”) présentent des erreurs de design, des étiquettes floues ou des finitions approximatives
Labubu phénomène social
Dans une société chinoise et mondiale marquée par la précarité professionnelle, le stress urbain, la solitude post-pandémique et l’angoisse générationnelle, ces figurines remplissent un rôle de totem affectif. Petits, mignons mais imparfaits, ces "kimo-kawaii" (mignons-effrayants) traduisent un rejet des normes esthétiques traditionnelles et une volonté de créer des identités alternatives. Le Labubu devient ainsi plus qu’un jouet : c’est un refuge émotionnel, que beaucoup souhaitent transformer à leur image, un compagnon de sac ou de bureau, une projection symbolique de soi.
Par ailleurs, certains commentateur sur internet présentent le Labubu comme indicateur de la récession économique actuelle. En période d’instabilité, les consommateurs se tournent vers de petites dépenses compensatoires – une sorte de “théorie du rouge à lèvres” version peluche. Acheter un Labubu devient un acte de plaisir accessible, une échappatoire face à la morosité. Cette micro-économie du jouet repose cependant sur une logique de rareté et de collection qui flirte avec l’addiction.
Les autorités chinoises ont récemment réglementé la vente aux mineurs de boîtes mystères, craignant une dérive vers des pratiques similaires aux jeux d’argent. Une alerte qui révèle les limites du modèle.
Rappelons toutefois que même au sein de la Génération Z, ses acteurs principaux, nombreuses sont les voix rappelant que ce petit monstre moche est également inutile. Alors que certains Labubu comme le vert sont maintenant les plus rares et leurs reventes atteignent jusqu’à quelques centaines d’euros, pour lequel penchez-vous ? Plutôt rouge ou gris ?
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