Édition internationale

James à Shanghai : "La bande dessinée comme pont entre les cultures "

À l’occasion de la Fête des Bulles à Shanghai ce Jeudi 12 juin, qui met à l’honneur la bande dessinée francophone en Chine, nous avons rencontré le dessinateur James. Il partage ses impressions sur la découverte du public chinois, son rapport à l’humour et sa vision du métier d’auteur de bande dessinée.

james james
Dans mon open space, James © Thinkingdom-Feel
Écrit par Thibault Gil
Publié le 11 juin 2025, mis à jour le 12 juin 2025

Je viens à Shanghai avec une envie de rencontres

Est ce votre première participation à la Fête des Bulles à Shanghai ? Qu’est-ce que cela représente pour vous et qu’attendez-vous de votre participation ?

C'est effectivement ma toute première participation à ce festival et également mon tout premier voyage en Chine. C'est une très agréable surprise, d'autant plus agréable que je ne m'y attendais pas. Je suis venu avec l'envie de faire des découvertes et des rencontres, qui ne reproduiront peut-être pas à l'avenir. Comme je suis avant tout un auteur d'humour, je suis intrigué de voir l'accueil par le public chinois et de voir comment la vision forcément française que j'ai et que je transmets dans mon travail peut trouver une résonance dans une grande culture différente, de voir comment l'humour peut traverser les frontières et quelle part d'universalité il peut avoir.

Fluide Glacial a façonné ma culture de la BD

Vous collaborez régulièrement avec Fluide Glacial et La Revue Dessinée. Qu’est-ce que ces deux univers vous apportent ?

Réussir à intégrer l'équipe de Fluide Glacial a été un cadeau immense pour l'adolescent que j'ai été et qui était fan de ce magazine et de Gotlib, son fondateur. C'est un des luxes de ce métier, de faire plaisir à l'enfant qu'on a été, comme quand j'ai pu travailler pendant 5 ans pour le journal de Spirou également. Fluide Glacial, c'est le magazine qui a façonné ma culture en bande dessinée d'humour. Si je n'avais pas lu ce magazine adolescent et jeune adulte, je ne serais sans doute pas auteur, aujourd'hui. Quant à la Revue Dessinée, c'est une revue qui a été créée par des amis. J'ai eu la chance de pouvoir y être présent dès le numéro 1. Cette revue, qui décrypte journalistiquement le monde en utilisant le média BD est vraiment ancrée dans l'époque. C'est ça qui m'intéresse.

dessin James

J'ai une passion pour les comics américains

Qu’est-ce qui vous a motivé à créer la collection Pataquès chez Delcourt ? Y a-t-il un fil conducteur entre les bandes dessinées que vous choisissez d’y publier ?

La collection Pataquès a été lancée officiellement à la rentrée 2018. C'était une envie de Guy Delcourt de monter un label spécifiquement humour adulte au sein de sa maison d'édition. De mon côté, j'avais lancé en 2012 une revue numérique, avec deux mais, qui s'appelait Mauvais Esprit. L'idée était de faire une revue hebdomadaire, avec uniquement du format court, du gag en une page, des strips, pour deux raisons : ce format court collait parfaitement à la lecture sur écran (le succès des BD courtes sur instagram le prouve maintenant) et, d'autre part, ça a toujours été mon format d'écriture de prédilection. J'ai une grande passion pour les comic strips américains comme Peanuts, Calvin & Hobbes, etc. Or les strips n'ont jamais réellement pris sur le marché français. J'avais donc envie de mettre en avant ce format singulier.

L'humour reste mon fil conducteur

Le problème du numérique est qu'il n'y avait pas de modèle économique pérenne et la revue n'a durée qu'un an et demi (ou, on pourrait dire qu'elle a tout de même duré un an et demi, si on a une vision plus optimiste). Cette expérience m'avait permis de travailler avec une cinquantaine d'auteurs, car on produisait entre 20 et 30 pages par semaine. Des auteurs, pour beaucoup devenus des amis (Fabcaro, Fabrice Erre, Boris Mirroir, Marc Dubuisson, etc), que j'avais rencontrés chez mes éditeurs comme 6 pieds sous terre et Fluide Glacial. Quand j'ai appris que Guy Delcourt cherchait à monter une collection humour, j'avais donc déjà des idées à proposer et l'expérience d'avoir animé une équipe d'auteurs. Il y a donc bien un fil rouge, voire plusieurs, dans les BD qui sont publiées chez Pataquès : de l'humour résolument contemporain, qui décrypte notre époque, un humour souvent absurde, parfois noir, pour un public adulte et qui repose sur du format court.

La traduction en chinois m'ouvre une culture 

Dans mon Open Space vient d’être traduit en chinois. Que représente pour vous cette ouverture vers un autre public et une autre culture ?

C'est vraiment une chance unique pour moi. Les anglo saxons ont un dicton qui dit "l'humour ne se traduit pas". Je pense que c'est surtout une excuse de leur part pour ne pas s'intéresser aux autres cultures. Ils sont vraiment très autocentrés sur leurs propres cultures. On arrive bien, nous, à rire de l'humour anglais ou de l'humour américain. Je pense qu'il peut y avoir une part universelle dans l'humour, même s'il y a forcément des clivages culturels entre les pays ou des références qui sont liées à chaque pays. Je suis en tout cas très enthousiaste de voir comment ma façon de voir les choses et de les raconter pourra trouver un écho parmi le public chinois. Et je suis aussi très curieux de découvrir l'humour chinois en espérant y voir ce qui peut nous rassembler.

Je me sens des atomes crochus avec la Chine

Avez-vous une œuvre (de vous ou d’un autre) que vous aimeriez particulièrement faire découvrir au public chinois ?

J'ai fait un livre qui s'appelle Anatole(s), édité chez Fluide Glacial. Le livre allie le fond et la forme : il fait 80 pages, ce qui est environ l'espérance de vie d'un homme aujourd'hui. Le livre raconte donc la vie d'un homme de sa naissance à sa mort, avec un gag par année d'existence. On voit ainsi l'enfant grandir, devenir un adulte, etc. Même si la fin est fatalement peu gaie, ça reste un livre d'humour, en maniant de l'humour absurde, de l'humour métaphysique. J'ai mis beaucoup de moi et de ma philosophie de vie dans ce livre et je serais curieux de voir si le public chinois peut également s'y retrouver.

Est-ce que cette expérience en Chine pourrait influencer vos projets ou récits à venir ?

Je crois que je ne suis pas encore au bout de mes surprises avec ce séjour en Chine. Il me permet en tout cas de m'ouvrir sur une autre culture, avec laquelle je me sens des atomes crochus, et j'ai envie d'en découvrir davantage. Tout ceci va bien entendu me nourrir pour mes futurs projets. Tout ce que j'écris est lié à ce que je vis.

 

Fête des Bulles en Chine: 

  • 06.06-08 北京 Pékin
  • 06.10 杭州 Hangzhou
  • 06.12 上海 Shanghai
  • 06.14 南昌 Nanchang
  • 06.15 武汉 Wuhan

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