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CULTURE - A la découverte de l'opéra chinois

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Écrit par Elise Pouget
Publié le 6 décembre 2020, mis à jour le 15 mai 2024

L'opéra traditionnel chinois, ou plutôt devrait-on dire "les opéras chinois" pour leur diversité, 戲曲 "xìqǔ" en chinois, est un art majeur en Chine. A la fois apprécié par le peuple et par les élites, cette forme théâtrale si particulière pour nos yeux occidentaux nous narre des épisodes littéraires et légendes populaires connus de tous les Chinois. Mêlant chants, musique, acrobaties, danses et gestuelles codifiées, cet art complet est un incontournable pour qui veut découvrir la culture chinoise. 

 

Des origines en mille-feuilles

Seul forme de théâtre chinois jusqu'au XXème siècle, sous l'influence du théâtre occidental, les historiens datent les premières traces historiques de l'opéra chinois au XIIème siècle. On attribue généralement son origine à des cérémonies religieuses antiques mettant en oeuvre à la fois des chants et des danses chamaniques. 

Sous la dynastie Han, des spectacles populaires proposaient des numéros de jonglerie, d'acrobatie, de maniement d'armes, de numéros équestres, etc. Ces techniques issues du cirque se sont intégrées peu à peu dans le corpus scénique de l'opéra chinois.

Cet art de plus en plus complexe absorba ensuite les danses Tang et Song, qui ne sont pas véritablement narratives mais codifient l'expression des sentiments d'un personnage et utilise la symbolique des objets pour signifier un contexte (manipulation de drapeaux pour exprimer le vent, jonglerie avec bâton ou lance pour mettre en scène un combat). C'est également à cette période que les scènes comiques, et le personnage du "bouffon/clown", apparaissent.

L'opéra connu ensuite un âge d’or sous la dynastie des Yuan (1271-1368), il nous est d’ailleurs parvenu plus de 150 pièces de cette période. Ces pièces sont encore relativement courtes, construites en quatre actes. Le répertoire se structure et contient des événements historiques, extraits littéraires, romances, épopées, légendes et contes locaux, mythologies bouddhiques et taoïstes… Les accompagnements orchestraux sont de plus en plus sophistiqués et rythmés, le chant alternant avec des passages parlés. A travers le bouddhisme, l'influence du théâtre indien imprègne également l'opéra chinois, en particulier dans la gestuelle précise et codifiée des mains, l'utilisation expressive du maquillage et les percussions.

 

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Sous la dynastie Ming (1368-1644), les pièces d'opéra commenceront à s'allonger, pouvant s’étendre sur plusieurs jours. L'école du Jiangsu domine alors la création scénique avec le Kunqu, opéra de Kunshan, au style musical raffinée et une certaine douceur (l'instrument qui domine l'orchestre est la flûte).

Pourtant, à partir du milieu du XVIIIème siècle, le public se détourne de ce style jugée trop ennuyeux pour des genres plus populaires, utilisant une prosodie plus simple et des mélodies plus rythmées, comme l'opéra de Pékin, qui adopta sa forme actuelle au milieu du XIXème siècle et connut sa plus grande popularité vers la fin des Qing (1644–1911).

Quand Mao arrive au pouvoir, les communistes vont d’abord utiliser ce théâtre chanté à des fins de propagande, mais la Révolution culturelle va sonner le glas de l’ouverture, l'opéra traditionnel est considéré comme "féodal" et "bourgeois" : les troupes sont dissoutes, les artistes poursuivis, et tous les opéras bannis exception faite pour les huit opéras modèles approuvés par Jiang Qing, la femme de Mao.

 

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A partir des années 70, l'opéra reprend sa place dans le coeur des Chinois, et l'on voit refleurir les spectacles dans les théâtres et à la télévision. Mais ce répit est de courte durée, et l'attrait pour cet art si particulier décline dramatiquement. L'opéra traditionnel n'a pas beaucoup évolué avec le temps, et ne s'adapte pas aux temps modernes. Son archaïsme est difficile d'accès, et sa compréhension demande une grande culture littéraire et musicale. La nouvelle génération chinoise, bien que curieuse, lui préfère des divertissements plus spontanés. Les théâtres ferment, les troupes disparaissent et les dernières existantes peinent à former de nouveaux artistes...

Les autorités chinoises soutiennent cet art et ont mis en place des aides : promotion de l'opéra à la télé et dans les médias modernes, représentations à l'étranger, baisse du prix des tickets, fonds d'aide financière aux opéras locaux, inclusion de l'opéra traditionnel dans certains programmes scolaires. Par ailleurs, trois forme d'opéra chinois (l'opéra de Pékin, l'opéra Yue, et l'opéra Kunqu) sont inscrit au patrimoine culturel immatériel de l'Unesco.

Dans cet état esprit, les troupes adaptent les pièces au goût moderne, plus impatient : les pièces de plus de trois heures sont recomposées en set d'une heure ou une heure et demi. L'accent y est mis sur les passages les plus impressionnants, ceux susceptibles de plaire à un plus grand nombre et d'attirer le plus de touristes (chinois et étrangers) : acrobaties, combats, chants virtuoses... 

 

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Une performance très codifiée

Avec leurs costumes élaborés et colorés, les artistes sont les seuls points d'attention sur la scène clairsemée. La scène ne possède souvent qu'une table et une chaise. Les accessoires sont souvent utilisés pour signifier la présence d'un objet important : un fouet est utilisé pour représenter un cheval, une rame symbolise un bateau...

Les mouvements des comédiens sont symboliques et suggestifs, plus que réalistes, et font partie d'un vocable de conventions stylistiques qui aident l'audience à suivre l'intrigue. Chaque mouvement possède ses propres significations et doit être exécuté en rythme avec la musique : marcher en suivant un long cercle symbolise un long voyage, un personnage redressant son costume ou sa coiffure signifie qu'un important personnage va parler.

L'opéra chinois n'a pas pour but de représenter précisément la réalité. Les aspects littéraux des scènes sont stylisés pour mieux représenter les émotions des personnages et le caractère universel des situations. L'un des principes de stylisation le plus important est la circularité : tout mouvement doit être soigneusement exécuté pour éviter les angles et les lignes droites. Un personnage regardant un objet va balayer des yeux dans un mouvement circulaire de bas en haut avant de s'arrêter sur l'objet. De façon similaire, un personnage va faire un arc de cercle avec sa main de gauche à droite pour pointer un objet sur la droite. Les changements d'orientation prennent souvent la forme d'une douce courbe. Ainsi, les artistes doivent connaître des centaines de gestes différents pour exprimer les émotions et autant de manières différentes de sortir de scène !

 

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Tous les rôles sont classés en quatre grandes catégories, se divisant elles-mêmes en un grand nombre de subdivisions :

  • Les sheng sont des rôles d’homme où l’on distingue les vieillards, les jeunes premiers et les guerriers.
  • Les dan sont des rôles féminins, autrefois joués par des hommes. On différencie les femmes vertueuses, les coquettes, les guerrières et les vieilles femmes.
  • Les jing, dont le nom signifie "visage peint", sont très impressionnants : ce sont des personnages qui peuvent être des bandits, des généraux ou encore des juges, dont le caractère est peint sur le visage
  • Les chou sont les clowns : ils peuvent aussi bien être bons et intelligents que méchants ou sots.

A chaque rôle incombe un répertoire gestuel et vocal particulier ainsi que des costumes spécifiques. Ceux-ci n'ont pas beaucoup évolué avec les époques. Ils indiquent le statut social du personnage. Ainsi, les hauts fonctionnaires portent des robes ornées de broderies, un dragon sur le corps et des vagues sur le bas et les femmes vertueuses ont une longue veste noire brodée d’un galon bleu. 

 

 

De nombreuses variantes régionales

Il y a plus de 300 opéras en Chine. Ces formes régionales diffèrent par le dialecte employé, des éléments folkloriques locaux, et une teinte esthétique particulière mais elles partagent beaucoup de similarités entre elles, comme une grande partie du répertoire, les costumes, le vocabulaire de gestes ... En voici quelques exemples et des conseils pour assister à un spectacle. Malgré son aspect complexe, l'expérience vaut le détour car le public chinois est très exigeant : il attend les moments périlleux du travail de l’acteur et de qualité de son chant pour critiquer ou apprécier en commentant bruyamment. Ambiance garantie !

 

Opéra Kunqu 昆曲

Le Kunju est l'un des opéras les plus anciens de Chine et la plus vieille forme d'opéra chinois qui soit encore jouée. Son répertoire est riche, ses livrets sont raffinés avec une forte influence littéraire et de l'esprit des lettrés.

 

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Une attention toute particulière est portée aux quatre tons et à la prosodie. Les chants sont mélodieux et doux, le jeu élégant et fascinant. Les pièces de kunqu sont longues, comprenant le plus souvent de quarante à cinquante actes ! Le répertoire puise dans l'histoire ou la mythologie, mais les pièces relatent surtout des histoires d'amour, généralement contrarié. Le kunqu est essentiellement un théâtre d'auteurs, et donc intimement lié à la littérature.

 

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Où voir du Kunqu :

- Suzhou Kunqu Theater, 9 Jiaochangqiao Road, Pingmen, Suzhou.

- Kun Opera Museum, 14, Zhangjiaxiang, Suzhou.

- Lanyuan Theater, 4 Chaotiangong, Nanjing.

 

Opéra de Pékin

Né à la fin du 18° siècle, l'opéra de Pékin trouve son essor au milieu du 19° siècle. Son répertoire inclut plus de 1 400 œuvres, basées sur l'histoire chinoise, le folklore chinois et de plus en plus sur la vie contemporaine.

 

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Où voir des spectacles à Pékin :

- Li Yuan Theater, Qianmen Hotel, 175 Yong'an Lu, Xuanwu District, Beijing.

- Zheng Yici Opera Theatre, 220 xiheyuan Dajie, Xuanwu District, Beijing.

- Théâtre de la guilde du Huguang, 3 Hufang Rd, Xicheng District, Beijing.

 

Pour en savoir plus :

Mei Lanfang's Former Residence, 9 Huguosi Jie. Lieu de pèlerinage pour les aficionados de l'opéra de Pékin, ce jolie résidence appartenait à Mei Lanfang (1894–1961), acclamé comme la "reine de l'opéra de Pékin" pour ses dàn (rôles féminins), qui auraient influencé Charlie Chaplin. Les quartiers d'habitation de Mei ont été préservés, tandis que des expositions présentent sa carrière de pionnier à travers des photographies anciennes, des artefacts et des performances vidéo. Un biopic lui a été consacré réalisé par Chen Kaige.

 

- Adieu ma concubine de Chen Kaige, Palme d'or au Festival de Cannes 1993. Cette œuvre utilise l'opéra de Pékin comme symbole des traditions chinoises menacées au temps de la Révolution culturelle en Chine. On y perçoit clairement la vie faite de sacrifices des acteurs d'opéra, principalement les hommes voués à interpréter des rôles féminins.

 

Opéra Yueju 越剧

Interprété uniquement par des femmes, l'opéra Yueju est un des opéras locaux les plus populaires de Chine. Issu de la province du Zhejiang, ancien royaume des Yue, cet opéra du même nom existe depuis un siècle. Dans ce style d'opéra, influencé par la région du sud du fleuve Yangtsé, le chant et le jeu d'acteur sont mis en avant : Liang Shanbo et Zhu Yingtai (ou L'histoire des papillons), le Rêve du pavillon rouge, le Pavillon de l'Ouest et Xiang Linsao en sont les pièces les plus célèbres.

 

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Opéra du Sichuan

L'opéra du Sichuan (chuanju 川剧) date de la dynastie Ming (XIVème-XVII siècle). Ses trois spécificités sont la comédie (gundeng 滚灯), le changement de masque (bianlian 变脸), et le cracheur de feu (penhuo 喷火).

 

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Lors du 变脸, l'acteur change de masque en une fraction de seconde, d'un mouvement de la main ou de l'éventail. Cette technique impressionnante connaît une grande popularité. Elle était tenue secrète et n'était confiée que de génération en génération.

Le gundeng consiste quant à lui en des intermèdes comiques mettant en scène des situations quotidiennes burlesques provoquant de nombreux jeux de mimes et acrobaties. 

Où voir un spectacle : Maison de thé Shufeng Yayun, Chengdu.

 

Sources : Wikipedia, Philarmonie de Paris, Chine.in
Roger Darrobers, "Le Théâtre chinois", Presses universitaires de France, coll. Que sais-je ?, 1995
 
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Publié le 6 décembre 2020, mis à jour le 15 mai 2024

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