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FRENCH TOUCH - Le chocolat, une sulfureuse histoire française

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Écrit par Guillaume Rué de Bernadac
Publié le 3 juin 2018, mis à jour le 5 juin 2018

Combien les petits Français aiment le chocolat, et combien est-il pratique pour les parents de les contenter avec de telles friandises. Mais savez-vous que nous n’aurions pas agi ainsi il y a quelques siècles de cela ? Le chocolat a très longtemps été perçu la boisson sulfureuse de la haute société, un philtre d’amour hautement aphrodisiaque, avant de devenir plus respectable. Guillaume Rué de Bernadac propose de revisiter cette saga.  

Marie-Antoinette avoua qu’il était son "pêché mignon", les Reines d’Espagne en ont été éprises, Casanova en parlait comme d’un "amant alimentaire", et aujourd’hui ce met éveille toujours notre gourmandise. Qu’il soit en breuvage ou en barres, chaud ou froid, le chocolat nous passionne depuis les Aztèques.

 

La boisson des "crottes de chèvre"

Toltèques, Mayas et donc aussi Aztèques cultivaient le cacaoyer en l’honneur de leur dieu Quetzalcoatl, le "Serpent à plumes", dont ils en tiraient une boisson baptisée en son honneur Xocolatl. Les fèves de cacao étaient mises à cuire dans de l'eau avec du poivre et de la vanille, ce qui donnait un breuvage au goût amer. Suivant son humeur, on y ajoutait alors diverses épices pour le déguster, voire du sang pour certains rites religieux !

 

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Les Aztèques offrant du chocolat à Hernan Cortès

 

Les premières réactions des Espagnols ne furent pas des meilleures, c’est peu de le dire ! Les hommes de Christophe Colomb prenant les fèves pour des crottes de chèvre les jetèrent, et Hernan Cortès trouva la boisson fortement dégoutante. Mais pensant peut-être qu’il en serait autrement à la cour de Madrid il envoya une cargaison de fèves à l’empereur Charles Quint en 1524. Les Espagnols supprimèrent les épices trop fortes et modifièrent la boisson par l’ajout de miel, de vanille et de cannelle. Le goût en devenait bien plus rond et doux, mieux apprécié des palais européens, et en particulier des femmes, mais pas encore des enfants. Cette nouvelle mode devint une composante essentielle de la culture espagnole.

 

La drogue de la Reine

Le chocolat arrive en France en 1615 quand Anne d’Autriche, fille du roi d’Espagne, 15 ans, se marie avec Louis XIII, roi de France. Grande amatrice de chocolat, elle demande à ce qu’il en soit servi à son mariage, et en est par la suite une consommatrice régulière à la Cour de France, imitée par plusieurs de ses dames de compagnies. Plus tard, les courtisans, toujours prompts à suivre l’humeur royale, s’en détournent ostensiblement quand Louis XIV affiche sa désapprobation pour cette boisson nocive. Mais, situation combien ironique !, son épouse la reine Marie-Thérèse, elle aussi espagnole, en est complètement accro, ce qui a le don d’agacer prodigieusement son royal époux. Il se dit qu’elle en prenait plus de 10 tasses par jour, devant « se cacher du Roi et ne voulant pas qu’il le sache », selon Mademoiselle de Montpensier.

 

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Anne d’Autriche, Reine de France, mère de Louis XIV

 

10 tasses de chocolat chaud auraient de quoi effrayer aujourd’hui celles et ceux désireux de surveiller leur ligne. Mais à l’époque on prête au chocolat mille bienfaits et surtout mille vices.

 

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Une boisson licencieuse

 

On en prend pour se « fortifier la constitution », pour apporter davantage de nutrition au corps, ou encore, comme le Cardinal de Richelieu, pour soigner les « vapeurs de la rate ». Inversement, beaucoup de monde s’inquiète des effets potentiellement nocifs sur la santé de cette boisson suspicieusement sombre, ce dont se moque Mme de Sévigné dans une lettre à sa fille, Mme de Grignan : elle rapporte que la marquise de Coëtlogon en aurait « tant pris qu’elle accoucha d’un petit garçon noir comme le diable, qui mourut », raison sans doute invoquée par ladite marquise aux yeux du monde dont l’étroitesse des liens avec son valet antillais était de notoriété publique.

 

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Madame de Sévigné

 

L’une des propriétés du chocolat les plus fréquemment admises à l’époque sont ses vertus aphrodisiaques. Le Viennois Joan Fr. Rauch s’en inquiétait tellement qu’il publia en 1624 un traité dissertant sur les méfaits du chocolat, qui « échaufferait les passions ». Il accusait le breuvage d’être responsable des mœurs dissolues des nombreux couvents autrichiens où les religieuses tombaient trop souvent enceintes. Moines et nonnes devraient donc absolument s’en abstenir pour éviter les scandales. L’affaire fait grand bruit, le traité est traduit en plusieurs langues et le pape sollicité pour excommunier la boisson infernale.

 

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Mais coup de théâtre ! En 1664 le cardinal Brancaccio, bien loin d’interdire le chocolat, le déclara conforme aux canons de l’Eglise ajoutant « qu’il serait bien dommage d’en laisser le privilège au Diable ». Ce qui a pour conséquence immédiate d’accroître la notoriété du chocolat auprès de ceux qui souhaitent fortifier leur libido. Les libertins tiennent leur boisson !

 

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Dans une célèbre gravure en vogue au XVIIIème siècle, on peut voir une femme servir une tasse de chocolat à un homme et lui dire : « Voici un breuvage venu des mondes lointains, excellemment choisi pour l’amour intime. Il excite le courage et renouvelle la vigueur. Bois-en mon amour, et j’en profiterai aussi. ». C’est donc pour suivre cet objectif que dans les années 1740 la Marquise de Pompadour, devant satisfaire son royal amant Louis XV aux ardeurs dépassant les siennes, en consommait fort souvent « à triple vanille et ambré pour son déjeuner ».

 

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La famille du duc de Penthièvre prenant le chocolat à la cour de Versailles, 1768

 

Louis XV normalise le chocolat

C’est précisément Louis XV qui va donner ses lettres de noblesses au chocolat en devenant le premier Roi à en consommer. Une fois levé, il lui était courant de se rendre dans une antichambre où un valet lui avait préparé une tasse de chocolat. Et c’était un honneur pour les courtisans d’être admis à rejoindre le Roi à l’heure de son chocolat. Un peu plus tard, Marie-Antoinette, épouse de Louis XVI, développa une véritable addiction pour le chocolat chaud.

 

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Service à chocolat de Marie-Antoinette, en porcelaine de Sèvres

 

Elle alla même jusqu’à créer la charge de "Chocolatier de la Reine" pour lui préparer sa divine boisson. Une fois levée, elle en buvait quelques tasses, parfumées de vanille et d’ambre, avec de l’eau à la place du lait, très souvent accompagné de macarons, dont elle raffolait. Son attachement au chocolat la suivit jusque dans la tragédie de sa mort : le jour de son exécution par la guillotine le 16 octobre 1793, elle émit comme dernière volonté de pouvoir prendre le matin un petit déjeuner avec un pain et une tasse de chocolat, qui fut apportée depuis un café voisin. Le chocolat fut donc le dernier réconfort de la Reine avant sa mort.

Jusqu’ici le chocolat reste encore une boisson de la haute société bourgeoise et aristocratique. Ce n’est qu’au XIXème siècle avec la révolution industrielle que sa consommation de démocratise, une histoire non plus de rois et de reines, mais que j’aurai plaisir à partager avec vous une prochaine fois.

 

Guillaume Rué de Bernadac : Depuis 2014 en Chine, Guillaume Rué de Bernadac propose aux entreprises et personnels des formations d’étiquette et de services au sein d’Académie de Bernadac. Hôtellerie de luxe, table, business, éloquence : www.acdebernadac.fr

 

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Publié le 3 juin 2018, mis à jour le 5 juin 2018

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