

Par Lydie Helmy
Que ceux qui savent qui est Robert Jacquinot de Besange lèvent le doigt ! Malgré un travail remarquable, ce Jésuite qui a ?uvré à Shanghai pour la protection des civils pendant les invasions japonaises a disparu de la mémoire collective? Pour rendre enfin hommage à l'homme et à son action, une conférence réunissant de nombreux intervenants internationaux s'est déroulée les 8 et 9 novembre derniers à l'Université normale. Cet évènement d'envergure était co-organisé notamment par l'association des historiens chinois et le Consulat général de France de Shanghai.
Le Père Jacquinot dans la zone de protection des civils
L'établissement d'une zone protégée pour les civils
Robert Jacquinot de Besange nait à Saintes (Charentes Maritimes) en 1878. Plusieurs années plus tard, en 1913, il prononce ses v?ux chez les Jésuites, qui l'envoient en mission en Chine la même année.
A Shanghai, il enseigne l'anglais, la littérature et les sciences à l'Université l'Aurore, d'origine ignacienne. Il est aussi vicaire à l'église du Sacré C?ur de Hongku pendant de nombreuses années. A cause de son indépendance d'esprit trop prononcée, il n'est pas apprécié par sa hiérarchie.
En novembre 1937, le Japon envahit Shanghai. Le pays du Soleil Levant est déjà lancé dans la conquête de la Chine depuis 1932, mais la bataille de Shanghai inaugure la seconde guerre sino-japonaise. Le Père Jacquinot, qui est alors vice-président du comité international de la Croix Rouge, utilise ses talents linguistiques en mandarin, japonais, anglais et français pour négocier avec le maire de la ville, l'armée japonaise et les représentants des Concessions internationales. Grâce à la persévérance du Jésuite, le quartier de Nanshi, dans le district de Nantao, devient rapidement une zone protégée des opérations de guerre en faveur des civils.
Portrait du Père Jacquinot
La "Zone Jacquinot" se situe entre la rue Fang Bang au sud et l'ancien mur d'enceinte de la ville au nord, jusqu'à la Concession Française à l'est et à l'ouest, et représente un tiers de la vieille ville.
Pendant que la sécurité du camp de réfugiés est assurée par la police chinoise, le Père Jacquinot construit avec passion et foi son "village", qui fonctionne grâce à des infrastructures telles que des hôpitaux, des cantines, des écoles et des lieux de culte. L'organisation est rigoureuse et segmentée. Le Père Jacquinot crée neuf districts, dirigés chacun par des représentants chinois élus par les réfugiés.
De novembre 1937 à juin 1940, la "Zone Jacquinot" a sauvé un nombre important de Chinois, estimé entre 250 000 et 500 000.
Le succès de cette zone de Shanghai répand l'idée de création de zones de protection dans d'autres villes chinoises. Ce sera le cas à Shenzhen, Zhangzhou et Hankou.
La zone de Nanjing, mise en place suite au massacre de décembre 1937, reste la plus célèbre. Certainement grâce au livre "Le massacre de Nanjing", qui a connu un vif succès et parce que la maison de l'homologue du Père Jacquinot est devenue un musée. La zone est administrée par l'Allemand John Rabe, qui collaborera plusieurs fois avec le Père Jacquinot. Ce dernier servira d'intermédiaire avec les troupes japonaises.
Jusqu'à la Convention de Genève?
Si la zone de protection du Père Jacquinot a été oubliée d'un point de vue historique, elle a influencé directement la rédaction de la quatrième nouvelle Convention de Genève en 1949, relative aux conflits armés internationaux. En effet, on retrouve une mention de la "Zone Jacquinot" dans les commentaires de la Convention.
Le Père Jacquinot dans la zone de protection des civils
Au sein des articles 14 et 15 sont définies pour la première fois les "zones sanitaires et de sécurité" et les "zones neutralisées". Elles se distinguent par les catégories de personnes pouvant intégrer la zone et le positionnement des zones par rapport aux opérations militaires. Selon ces règles juridiques, la "Zone Jacquinot" était alors une zone neutralisée.
Le Père Jacquinot a permis la reconnaissance juridique des zones de protection des civils pendant les conflits armés internationaux. On ne remerciera jamais assez son indépendance extrême et son audace.
Lydie Helmy lepetitjournal.com/shanghai Jeudi 20 novembre 2014
