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La DMZ, souvenir d'une zone de guerre

Le pont de la liberté_Corée du SudLe pont de la liberté_Corée du Sud
Écrit par Pierre
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 21 février 2018

Une pâle blancheur envahit la Zone démilitarisée. À l’horizon, ce paysage immaculé finit par se confondre avec le ciel. Quelques formes grisâtres se dessinent sur la buée qui colle aux vitres du bus. Certains passagers frottent les fenêtres avec leurs manches. Apparaissent alors quelques arbres morts dans la neige, tandis que d’autres semblent survivre aux températures qui avoisinent les -20°C. Plus loin, les collines toisent les touristes venus troubler cette apparente quiétude qui masque le 38e parallèle. Une simple illusion puisque, de part et d’autre de la frontière, plus d’un million de soldats surveillent ce vestige de la guerre froide. Pourtant, chaque année au moins 100 000 touristes se pressent sur cette bande de terre chargée d’histoire.

L’autoroute de la liberté. Tel est le nom de la voie qui mène à la frontière la plus militarisée de la planète. Cette Zone tampon qui sépare les deux Corées à l’image d’une plaie qui peine à cicatriser. Cinquante-sept kilomètres séparent cette balafre de Séoul. Le van file vers le nord. Et petit à petit, l’autoroute s’amincit. À l’approche du premier arrêt, le guide — jusque-là, il n’avait pas sourcillé — ôte ses lunettes de soleil. Il fronce les sourcils pour se donner un air grave et dans un anglais imparfait explique la marche à suivre. « Quinze minutes ! » répète-t-il, en boucle. Pas une de plus. La visite du pont de la liberté devra se faire au pas de course. Et surtout, toujours arborer le badge « visitor ». Quant aux photographies, les règles sont strictes. Aucun cliché de militaires. Encore moins de leurs installations.

Les portes s’ouvrent brutalement. Aussitôt, le froid s’engouffre dans le van. « Quinze minutes ! » rappelle le guide, une énième fois. À l’extérieur, les bus s’agglutinent. Le brouhaha de ce ballet motorisé s’estompe peu à peu. Un silence glacial s’installe. Et ce, malgré le flot de touristes qui se rue vers le pont de la liberté. Lors de la signature de l’armistice en 1953, 13 000 prisonniers de guerre l’ont emprunté pour revenir dans le sud de la péninsule. Aujourd’hui, certains viennent y accrocher des banderoles colorées pour symboliser la paix entre le Nord et le Sud. D’autres affiches semblent espérer la réunification. Mais comme un retour à la réalité, un train criblé de balles est exposé face au pont de la liberté. 

Le quart d’heure touche à sa fin. Les touristes se rassemblent. Non pas sur le parking mais la file se forme devant le distributeur de billets. Certains guides viennent calmer la tension qui s’installe : ils rappellent aux visiteurs que les magasins de souvenirs acceptent les cartes de crédit. Le soulagement se lit sur les visages, qui s’apaisent. Tandis que plus loin, un parc d’attractions semble attendre les beaux jours pour ouvrir ses portes.

 

Un million de mines enfouies dans le sol

« Passeport ! » Un homme en treillis monte à bord. Le visage impassible, il jette un œil sur les papiers d’identité. Un à un. Un contrôle qui semble, lui aussi , chronométré. Pas de temps à perdre puisqu’une partie des visiteurs ne paie que pour la demie-journée. Durant le trajet, les guides brisent rarement le silence. Si ce n’est pour préciser qu’il est possible de ramener des souvenirs de la DMZ. Un discours qui contraste avec l’extérieur : un décor post-apocalyptique rappelle la brochure du tour-opérateur qui précisait que « le gouvernement sud-coréen décline toute responsabilité en cas d’attaque ennemie ».

Observatoire de Dora
Observatoire de Dora

 

Tourisme et histoire. Bien souvent, les deux vont de paire. Pourtant, dans la Zone démilitarisée, le premier semble prendre le pas sur le second. Les installations touristiques se fondent parmi les équipements militaires. À défaut d’explications sur la guerre de Corée (1950-1953), casquettes, tasses et autres babioles trônent à chaque étape de la visite. Et tout autour, au moins un million de mines infestent encore cette cicatrice coréenne. « Le déminage a débuté, mais il faudra au moins 200 ans pour nettoyer le sol » précise le guide. Avant d’ajouter qu’en 2015, deux soldats sud-coréens ont été blessés après l’explosion de trois mines antipersonnel. De petits panneaux triangulaires rouges signalent leur présence le long de la route. Tandis qu’au poste d’observation de Dora, une ligne jaune indique qu’il est impossible de la franchir pour photographier la Corée du Nord. Des longue-vues sont prévues — celles-ci ne font pas exception, il faut y insérer une pièce de 500 wons pour disposer d’une minute — pour scruter le voisin du Nord. Plusieurs points d'intérêt sont visibles, notamment une statue de Kim Il-Sung, fondateur de la République populaire démocratique de Corée.

Malgré cette frénésie touristique, la journée est préférable à la demie-journée pour apprécier toutes les installations incontournables de la DMZ. Parmi celles-ci, le troisième tunnel d’infiltration, découvert le 17 octobre 1978 sur les indications d’un ancien militaire nord-coréen. À 73 mètres de profondeur, il fait partie d’un réseau de tunnels — pour le moment, quatre ont été découverts — construit par Pyongyang, afin d’envahir Séoul. À la surface, cette tension entre le Nord et le Sud est palpable à la Joint Security Area. Cette zone de sécurité commune sous contrôle de l’Organisations des nations unies est le théâtre d’un face-à-face où de chaque côté, les soldats se regardent en chiens de faïence. Les touristes dans le rôle des spectateurs, à la recherche du frisson, au plus proche de la dictature de Kim Jong-Un.

 

Pratique

De nombreux tours-opérateurs basés à Séoul proposent de visiter la DMZ.

- Réserver au moins 24 heures à l'avance.

- Bien se renseigner sur les étapes incluses dans le tour, que ce soit pour la journée ou la demie-journée.

- Être muni d'un passeport.

 

Sans titre 1
Publié le 18 février 2018, mis à jour le 21 février 2018

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