Un produit millénaire aux innombrables vertus. Le ginseng, véritable fierté nationale en Corée du Sud, pullule à travers le monde. Le nom de cette racine à forme humaine n'est pas inconnu. Notamment pour ceux qui pratiquent la phytothérapie. Mais la qualité du produit et ses bienfaits diffèrent d'un pays à l'autre. Le sud de la péninsule se targue de cultiver le meilleur ginseng de la planète. Et le Korean Ginseng Center entend bien le prouver. Non pas à travers l'histoire de cette plante, mais au sein même de sa boutique.
Le Korean Ginseng Center serait-il en réalité un laboratoire de recherche extraterrestre ? Les portes automatiques s’ouvrent. À l’intérieur, des jarres en verre trônent fièrement dans les vitrines du bâtiment qui se présente comme un musée. Pourtant, elles semblent renfermer des embryons venus d’une autre planète. Tous conservés dans divers liquides de couleurs. À tel point qu’il ne serait pas étonnant de voir bouger ces formes humanoïdes. Mais la guide, dans un anglais parfait, l’assure : « elles ne mordent pas ». Rassurant. Avant d’ajouter, « mais moi oui ». Le piège touristique se referme. La visite sera davantage un prétexte pour mener le curieux à la boutique de ginseng qu’un désir de raconter l’histoire du « trésor national coréen ».
L’exposition qui raconte le passé du ginseng se résume dans une grande pièce où sont exposées une multitude de racines. Du insam devrait-on dire puisqu’il s’agit de son nom coréen qui signifie « la racine en forme d’homme ». Mais l’appellation commune est un anglicisme du rénshēn, ou « l’homme racine » en chinois. Une précision de Yuri, la guide — elle a volontairement changé son nom puisque « les étrangers ne parviennent pas à prononcer le sien ». Inutile aussi de tenter de lire les quelques panneaux explicatifs situés dans les vitrines. Car Yuri déballe son discours sur la « fierté nationale » à une vitesse fulgurante. Il faut s’accrocher pour l’écouter. Pour la suivre aussi. Dommage. Difficile de s’attarder sur le mur consacré à l’évolution du insam. Pourtant, il est possible d’y apprécier les différentes apparences de ce petit extraterrestre au cours de sa vie. Une courte existence durant laquelle des baies viennent parsemer ses branches. Puis, au bout de six années, le ginseng arrive à maturité. Au-delà, la racine développe une surface rugueuse et cesse de croître.
Les vertus thérapeutiques du insam
Peu à peu, ce laboratoire digne de la Zone 51 se mue en boutique de luxe. La visite, aussi courte que l’espérance de vie d’un ginseng, se termine avec une apologie de la racine sud-coréenne. Un grand panneau parsemé d’infographies décrit la supériorité de la plante du pays du Matin calme par rapport à celles de la Chine ou des États-Unis. Une classe supérieure qui apporte d’innombrables bienfaits au consommateur. Alors la vendeuse, derrière son comptoir, les détaille un à un. Et il existe une déclinaison de l’insam pour chaque trouble. En poudre, sous forme de thé ou même la racine entière, celle qui semble avoir travaillé à Téléshopping énumère les bénéfices du ginseng.
Le diabète figure parmi les maux qu’il apaise puisqu’il favorise la libération d’insuline dans le pancréas et abaisse le taux de sucre dans le sang. Aussi, il dispose d’effets antioxydant, il lutte contre l’impuissance, l’asthme et la faiblesse digestive pour ne citer qu’eux. Cette plante remplie d’acides aminés, de vitamines et de minéraux est d’ailleurs considérée comme un adaptogène. Et la longévité des Sud-Coréens est « en grande partie due au Ginseng » d’après la vendeuse qui semble animer une vente aux enchères. À mesure que les produits défilent, les sacs des touristes se remplissent. Les questions fusent. Chacun raconte son histoire. Et les boîtes de racines font office de réponse.
Le ginseng sud-coréen, un monopole du gouvernement
Mais ces coffrets d’insam n’apportent aucune explication sur l’histoire de ce produit de la terre qu’ils contiennent. Au dos du carton couleur rouge et or, nul mention de sa découverte, il y a près de cinq millénaires dans les montagnes de Mandchourie, en Chine. Mais en Corée du Sud, la culture du ginseng a débuté à l'époque du roi Gojong (1192-1259), durant la dynastie Goryeo.
Ni le moindre écrit à propos du régime alimentaire du roi Yeongjo, durant la dynastie Joseon (1392-1910), qui a vécu plus de 80 ans. Une longévité qui s’expliquerait par le ginseng, qui constituait l’un des éléments principaux de son alimentation.
Quid, des contre-indications à respecter dans l’absorption de cette plante vertébrée ? À aucun moment, la vendeuse ne mentionne qu’elle est déconseillée aux femmes enceintes. Ni même qu’à dose trop élevée, cela peut entraîner, diarrhées, palpitations, une mauvaise qualité du sommeil ou encore une augmentation de la tension artérielle. Certes, la consommation doit-être excessive mais il semble important de le mentionner. Pourtant, nul ne s’attend à ce que la commerçante aborde ce sujet. Et pour cause, dans ce lieu de culte du issam, il est précisé que « le gouvernement sud-coréen contrôle de manière stricte la qualité des sols, des graines et tout ce qui entoure la culture des plantes ». Un argument indéniable puisque sur le marché, il existe de nombreux produits d’origines inconnus qui peuvent s’avérer dangereux pour la santé, notamment en raison de la présence de pesticides. Donc, pour s’approvisionner en ginseng, il est plus prudent de se procurer le « vrai » ginseng coréen. Notamment celui du Korean Ginseng Center. Et si le côté historique n’y est pas, il fera honneur à son nom. Car l’arrogance de cette plante réside dans son appellation scientifique : le panax ginseng. Ou la panacée, un remède universel capable de résoudre tous les maux.