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Entretien avec Frédéric Ojardias, auteur de « Les Sud-Coréens »

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Écrit par La Rédaction Séoul
Publié le 31 octobre 2017, mis à jour le 14 mai 2018

Journaliste et correspondant en Corée du Sud depuis 8 ans, Frédéric Ojardias a aussi travaillé en Corée du Nord dans des organismes humanitaires. Titulaire d'un doctorat de l'INALCO (Paris), il a récemment écrit « Les Sud-Coréens » dans la collection « Lignes de vie d'un peuple ».

Afin d'en savoir plus sur son parcours et sur l'ouvrage, notre édition est allée à sa rencontre et en a profité pour lui poser quelques questions.

 

 

Lepetitjournal.com/seoul – Pouvez-vous nous parler un peu de votre parcours.

 

Frédéric Ojardias – J'ai un parcours professionnel et académique un peu inhabituel. Après avoir obtenu mon master en ingénieur mécanique à l'INSA de Lyon en 2002, j'ai travaillé dans plusieurs pays (France, Allemagne, Chine) avant d'arriver à Daejon (Corée du Sud) où je travaillais pour un institut de recherche coréen.

 

Le pays m'a beaucoup plu mais mon travail moins. Alors j'ai décidé d’entamer un master en relations internationales à l'Université Nationale de Séoul. Une fois que j'ai eu mon diplôme, je suis parti travailler en Corée du Nord pour une ONG française qui s'appelle « Première Urgence » basée à Pyeongyang. L’ONG offrait une assistance à des hôpitaux nord-coréens. J'y suis retourné pour une mission de 3 mois dans le cadre du PAM (Programme Alimentaire Mondial) de l'ONU. Ensuite j'ai travaillé pour une petite ONG caritative qui appartenait à l'époque à la Chambre de Commerce de l’Union Européenne à Séoul.

 

Je voulais être journaliste depuis toujours : je contribuais au journal de mon lycée, de mon université et en 2009 j'ai décidé de sauter le pas. J'ai commencé à piger pour La Croix qui a été le premier quotidien à me faire confiance. Par la suite, j'ai commencé à travailler pour RFI et aujourd'hui je suis leur correspondant en Corée du Sud. Je travaille aussi pour Radio France et Mediapart. En parallèle à ma carrière de journaliste, j'ai aussi obtenu un doctorat en relations internationales, en 2012.

 

 

 

D'où vous est venu l'idée d'écrire « Les Sud-Coréens » et quelle était votre intention en l'écrivant ?

 

Ecrire un livre c'est quelque chose que j'avais toujours envie de faire. Quand on est journaliste, on a pas beaucoup d'espace ; on rencontre des gens passionnants qui ont des histoires incroyables mais quand leur témoignage passe à la radio c’est toujours court, quelques dizaines de secondes, quelques minutes au mieux... Donc je voulais de l'espace pour raconter plus en profondeur les histoires de ces personnes.

 

J'ai été contacté par l'éditeur, mon livre fait partie d'une collection de différents ouvrages qui présentent les peuples de plusieurs pays. Ils cherchaient un auteur pour écrire le volume sur la Corée du Sud et j'ai sauté sur l'occasion car c'est quelque chose que je voulais faire depuis longtemps.

 

 

 

« Les Sud-Coréens » est composé d'interviews de personnes aux profils très différents. Comment avez-vous sélectionné les personnes à interviewer ?

 

Parmi les personnes, j'en avais déjà rencontré certaines avant la rédaction du livre, pour des articles. Mais je n'avais pas vraiment pu donner tout la place que je voulais à ces interviews.

Par exemple, j'avais réalisé une interview passionnante de 2 ou 3 heures avec Shin Joong-hyun, une légende du rock coréen, pendant laquelle il m'avait raconté des histoires sur la Corée des années 60. Au final j'en avais fait un reportage radio de 3 minutes, c'était un peu court et un peu frustrant.

 

Pour le livre, j'ai réalisé des interviews additionnelles pour équilibrer un peu le contenu.

Dans le choix des intervenants, il y avait une volonté de parler de nombreux aspects de la société coréenne, toutes les luttes sociales, culturelles, religieuses.

 

 

Parmi ces rencontres, lesquelles vous ont le plus marqué ?

 

Beaucoup !

Si je devais en choisir, je dirais ma rencontre avec Shin Joong-hyun car c'est un artiste que je trouve extraordinaire et dont j'aime la musique depuis toujours. Je pense que ça a été l'une de mes interviews les plus inoubliables. C'est un peu le Jimmy Hendrix coréen, je l'ai rencontré dans son atelier entouré de ses guitares.

 

Sinon c'est beaucoup plus anecdotique mais le « mangeur du net », le spécialiste des « mukbang ». C'était une interview tellement perchée et hallucinante du début à la fin. C'était très amusant à faire.

 

Puis ma rencontre avec le père d'une victime du Sewol, c'était une interview pleine d'émotions qui m'a beaucoup touché.

 

 

 

Dans votre livre, on ressent une certaine complexité de l'identité coréenne, comment expliqueriez-vous cette complexité ?

 

Chaque pays et chaque peuple ont une identité complexe, ce n'est pas propre à la Corée. Ce qui est propre à la Corée c'est qu'ils ont du mal à le reconnaître, il y a cet espèce de mythe d'une nation homogène.

Le peuple coréen a une histoire relativement stable, si on regarde au cours des siècles... Oui ils ont été envahis par le Japon, ils ont eu un XXe siècle très chaotique, mais ils ont aussi connu des siècles entiers de paix.

 

Etre coréen ça veut dire tellement de choses aujourd'hui. On peut être coréen du Sud ou du Nord, il y a aussi toute la diaspora, il y a les Coréens de Chine, la communauté des Coréens adoptés à l’étranger, les Coréens naturalisés... il y a tellement de façon d'être coréen.

 

La grande question pour la Corée du Sud aujourd'hui c'est comment embrasser toutes ces différentes identités et les accepter. Mais j'ai confiance, la Corée est un pays qui a une résilience, un pragmatisme et une faculté d'adaptation qui sont exceptionnels.

 

 

 

De nos jours la Corée attire de plus en plus d'étrangers et notamment des français. Selon vous pourquoi cet engouement et pourquoi ce n'est pas arrivé plus tôt ?

 

Je suis tombé sous le charme de la Corée avant que ça devienne un phénomène « à la mode ».

La Corée est un pays fascinant parce qu'il y a un dynamisme, une volonté d'aller de l’avant, une espèce d'énergie qui emporte tout... c'est fascinant de vivre ici.

 

Une des raisons pour lesquelles j'adore ce pays c'est que quand je suis arrivé ici, c'était un pays peu connu donc c'était fascinant de le découvrir, d'apprendre la langue, de s'habituer à une culture si différente de la nôtre.

 

En ce qui concerne l'engouement pour la kpop et les drama, je pense que c'est plutôt un phénomène générationnel.

 

 

Vous avez écrit cet ouvrage pendant une période charnière de la Corée. Notamment avec la destitution de Park Geun-hye, il y a eu une sorte de révolte des coréens avec les manifestations à la bougie. Selon vous, pourquoi il y a eu un engagement si fort des coréens ?

 

Ce n'est que mon interprétation personnelle, mais j'ai l'impression que quand il y a eu ces manifestations, au-delà de la personne de Park Geun-hye, c'était vraiment un rejet de tout ce qu'elle représentait ; un rejet de la vieille Corée dont les gens ne voulaient plus, la Corée de son père en fait.

 

Sous Park Geun-hye, on a assisté à ce qu'on pouvait considérer comme un retour en arrière : un parti d'extrême gauche a été interdit et des artistes ont été mis sur liste noire, les ONG se plaignaient que la liberté de manifestation était limitée, il y avait de la censure dans les médias, le gouvernement affichait sa volonté de réécrire les livres d'histoire... Il y a eu tout un faisceau d'indices qui montraient que Park Geun-hye avait des difficultés à comprendre sa propre population. L’affaire Choi Sun-sil ça a été le déclencheur, la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.

 

Quand j'ai interrogé les gens qui manifestaient, je me suis rendu compte que chacun avait des raisons différentes de descendre dans la rue. Quand on parlait aux jeunes, ils mentionnaient souvent le Sewol, ils étaient très touchés par la tragédie et la façon dont le gouvernement avait très mal géré la crise.

 

Dans l'ensemble, mon interprétation est qu'il y avait un certain rejet de la Corée, une aspiration à plus de démocratie.

 

 

Quels sont vos objectifs et vos projets pour le futur ?

 

J'espère continuer, en tant que journaliste, à continuer à traiter de la péninsule coréenne.

 

L'écriture de ce livre était vraiment une expérience enthousiasmante, avoir de l'espace pour approfondir les sujets, c'est très agréable. Si d’autres occasions se présentent, j’essaierai de continuer à écrire des livres.

 

 

 

Le livre « Les Sud-Coréens » sera disponible en vente en ligne et dans les librairies en France à partir du 2 novembre.

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Publié le 31 octobre 2017, mis à jour le 14 mai 2018

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