Le jeudi 4 février, était organisée une cérémonie en hommage aux soldats napoléoniens, Chiliens, Argentins et aux bataillons d'Afro-descendants, qui ont participé à la bataille d’Achupallas au moment de la guerre d’indépendance au Chili.
Entre les montagnes de la cordillère des Andes flottaient, les uns à côté des autres, les drapeaux chilien, français et argentin. Le 4 février dernier, la commune de Putaendo inaugurait des plaques commémoratives en l’honneur des soldats qui ont combattu lors de la bataille d’Achupallas, en 1817, dans le contexte de la guerre d’indépendance au Chili. Située à une centaine de kilomètres au nord de Santiago, la commune de Putaendo fut ainsi le premier village libre du Chili.
C'est tout un chapitre de l'histoire du Chili qui a été oublié - Marc Turrel, délégué de la Fondation Napoléon au Chili
Lors de la cérémonie, l’accent a été mis sur la présence d’officiers napoléoniens qui dirigeaient les troupes indépendantistes de l’armée des Andes. Mauricio Quiroz, membre du secrétariat de planification de la commune de Putaendo, a ainsi déclaré : "Beaucoup de choses ont été dites et beaucoup de récits ont été écrits à propos de la libération du Chili. Cependant, ces 10 dernières années, et dans le contexte du bicentenaire de la traversée de l’armée des Andes, de nouvelles investigations ont révélé des histoires encore méconnues. Des historiens affirment que l’armée des Andes était une armée plurinationale et multi-ethnique. Elle était composée de Chiliens, d’Argentins, d’Anglais, d’Italiens, d’Espagnols, de Français, de Mapuches, d’Afro-descendants... Dans ce contexte, il est important de mettre en avant le rôle des soldats et des officiers napoléoniens qui sont arrivés en Amérique Latine et se sont engagés dans les diverses armées de libération."
La présence des officiers napoléoniens dans l’armée des Andes est "l’un des grands chapitres de l’histoire du Chili qui a été oublié", a également commenté Marc Turrel, délégué de la Fondation Napoléon au Chili. Et de raconter : "Les soldats de Napoléon étaient unis par la douloureuse expérience vécue sur les champs de bataille en Europe. Lorsqu’ils sont revenus à la vie civile, après la bataille de Waterloo, leur insertion a été difficile. Ils ont été rejetés par le pouvoir monarchique qui a succédé à Napoléon. Pour beaucoup d’entre eux, le retour à une vie normale a été impossible. Ils sont peu à avoir connu une ascension sociale. Environ 2 000 d'entre eux sont venus en Amérique Latine, pour participer aux luttes d’indépendance et vivre une autre vie, une autre aventure, loin de leur patrie."
Une petite histoire dans la grande
Cette commémoration des soldats napoléoniens n’aurait pas été possible sans le travail réalisé par le français Patrick Puigmal, installé au Chili depuis plus de 20 ans. L’historien, vice-recteur et professeur à l’université de Los Lagos, est celui qui a mis en lumière l’implication des soldats napoléoniens dans les guerres d’indépendance sur le continent latino-américain. Ne pouvant être présent lors de la cérémonie du 4 février dernier, Patrick Puigmal a alors rédigé une lettre qui a été lue à l’assemblée par l’intermédiaire du directeur de communication de l’université de Los Lagos, Marcel Theza.
"Le rêve d’un historien c’est de trouver un sujet original sur lequel travailler, afin de se convertir en un réel enquêteur. Cette chance, je l’ai eue quand je vivais à Valdivia, vers la fin des années 1990, en découvrant la rue Jorge Beauchef. Dans ses mémoires, cet homme mentionnait une trentaine de militaires napoléoniens, qui avaient participé aux guerres d'indépendance en Argentine, au Chili et au Pérou. Je n’avais aucune idée de ces informations. J’ai alors commencé à vérifier la bibliographie et je me suis rendu compte que personne n’avait étudié cette thématique. Vingt ans après, je peux alors affirmer qu’ils ont été environ 2 000 soldats napoléoniens en Amérique Latine. Deux-cents trente se sont retrouvés au Chili. À l’époque, ces officiers n’ont pas seulement joué un rôle militaire, ils ont également rempli un rôle politique dans la construction de ces nouvelles sociétés. Un rôle social par leur mariage avec les hauts représentants de la société créole. Et aussi un rôle éducatif en construisant des écoles et en fondant des journaux."
L’Ambassadeur français, Roland Dubertrand, a quant à lui rappelé la longue histoire qui unit la France et le Chili : "La relation entre ces deux pays est une relation ancienne et de confiance. Célébrer ces événements aujourd’hui en 2021, c’est aussi célébrer l’amitié franco-chilienne. Le Chili se trouve actuellement dans un moment particulier de son histoire, à la croisée des chemins, avec un processus électoral et constitutionnel intense. Aujourd’hui, comme ce fut le cas par le passé, la France réitère sa solidarité avec le Chili et sa solidarité avec le peuple chilien."
La cérémonie s’est clôturée par l’œuvre théâtrale Les oubliés des Andes, de la compagnie En Rodaje, suivi d’un poème slamé par l’écrivain haïtien, afro-descendant, Makanaky Audain.