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"La Résidence", le film sur l’Ambassade et les réfugiés chiliens

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Thomas Lalire
Écrit par Naïla Derroisné
Publié le 28 novembre 2020, mis à jour le 30 novembre 2020

Demain, dimanche 29 novembre, se tiendra un atelier en ligne pour échanger autour du documentaire La Résidence qui relate le lien indélébile créé entre l'Ambassade de France et le Chili après le coup d’état mené par le général Augusto Pinochet en 1973. Rencontre avec Thomas Lalire, le réalisateur du film.

L’accueil des réfugiés chiliens par l’Amabassade de France au Chili est avant tout une histoire humaine, qui dépasse les lois de la diplomatie. Entre 1973 et 1974, lors de la première année qui a suivi la prise du pouvoir par le général Augusto Pinochet, l’Ambassade de France a accueilli plus de 800 personnes, Chiliens, étrangers et aussi Français. Ces réfugiés étaient répartis entre la chancellerie et la résidence privée de l’ambassadeur et de sa famille. "À l’époque, lors du coup d’état, la France n’était pas favorable à l’asile diplomatique, explique Thomas Lalire, le réalisateur du documentaire La Résidence. Mais l’ambassadeur du moment Pierre de Menthon, sa femme Françoise de Menthon ainsi que toute l’équipe de l’ambassade, ont retourné cette doctrine. Ils ont décidé d’accueillir les personnes menacées ou en danger." 

Petit à petit la résidence de l’ambassadeur se transforme en un véritable "centre d’hébergement d’urgence, raconte Thomas Lalire. Cette grosse maison bourgeoise située au coeur de la commune de Providencia se transforme. Les salons et les bureaux sont reconvertis en dortoire. La famille de l’ambassadeur vit dans une seule et même chambre. Il fallait aussi trouver de la nourriture, des matelas... C’est tout une chaîne de solidarité qui se met en place avec d’autres familles et le lycée français notamment." 

Se réfugier à l'ambassade from Papyrus on Vimeo.

Thomas Lalire est arrivé pour la première fois au Chili en 2010 dans le cadre de ses études à Sciences Po. Il y est resté une année. À son retour en France, il s’est penché sur la thématique de la mémoire et plus particulièrement en ce qui concerne la période de la dictature au Chili. Ses recherches l'ont conduit à analyser la trajectoire de religieux français venus sur le territoire andin dans les années 1960. C’est sa rencontre avec un prêtre français qui sera le déclic et le mènera vers la réalisation de La Résidence. "Ce prêtre, qui vivait au Chili, était recherché par les services secrets en raison de son engagement politique et syndical. Pour sa protection, il a été hébergé à l’Amabassade de France et a été témoin de l’immense travail réalisé par l’équipe diplomatique pour aider les réfugiés", raconte Thomas Lalire. Le sujet le passionne et, par la suite, il rencontre la veuve de Pierre de Menthon, lui mort en 1980, Françoise de Menthon. La femme de l’ex-ambassadeur a, durant toute cette période, tenu un carnet de bord où elle relatait la vie quotienne à l’Ambassade.

Les carnets de Françoise from Papyrus on Vimeo.

Pourquoi le documentaire est tourné en France, dans le Jura ?

Après sa rencontre avec Françoise de Menthon et de longues heures de conversation, Thomas Lalire a établi un fort lien avec la femme de l’ex-ambassadeur et son entourage. La maison familiale du couple de Menthon se situe dans le Jura et "par de nombreux aspects, elle ressemble fortement à la demeure-refuge de Santiago, décrit-il. J’ai alors trouvé cela pertinent de tourner le documentaire dans cette maison, plutôt qu’au Chili", explique le réalisateur. Et de poursuivre : "J’avais envie de mettre l’accent sur un aspect important, selon moi, qui est celui de l’entrée dans l’intimité de ce couple d’ambassadeur et de sa famille. Grâce à ce procédé narratif, a émergé le contraste entre cette famille française, bourgeoise, et les réfugiés chiliens qui n’appartenaient pas du tout à ce milieu social. La Résidence c'est donc aussi cet espace de rencontre entre des mondes sociaux opposés en apparence, mais qui apprennent à se connaître."

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Tournage dans la demeure de la famille de Menthon, dans le Jura.

 

 

La singularité d’un tournage expérimental

Le temps fort du documentaire aura lieu en septembre 2021, soit plus de 40 ans après les événements qui ont boulversé l’histoire du Chili. Thomas Lalire a décidé d’organiser, dans la demeure juracienne, une rencontre entre les anciens réfugiés chiliens et les petits-enfants du couple de Menthon. "Le pari du documentaire c’est donc que cette rencontre permette le jaillissement de la mémoire et la transmission d’une histoire d’identité douloureuse", explique-t-il. C’est 80 % du documentaire qui se jouera cette journée-là. Et l’incertitude est grande confie le réalisateur : "Je me demande ce qui se passera à l’instant où je vais filmer. Mais le plus beau c’est justement de pouvoir capter ce moment intense à travers les gestes, les émotions et surtout les regards."

Et si l'Europe était une résidence ?

L’ambition du jeune réalisateur de 30 ans c’est également de transmettre, à travers son travail, l’histoire de ces réfugiés et le rôle singulier de l’Ambassade de France pour leur venir en aide. "En collaboration avec l’association Papyrus, nous organisons des ateliers avec des classes de première dans des lycées de l'agglomération lyonnaise, pour parler du coup d’état au Chili", souligne Thomas Lalire. L’atelier de ce dimanche va dans le même sens et vise également à ouvrir plus largement le débat. "Cette histoire trouve une raisonnance avec ce qu’il se passe aujourd’hui à propos de la question des migrations. À l’époque, l’Ambassade de France avait osé acceuillir des réfugiés alors même que la règle l’en empêchait. Finalement, la question en toile de fond est la suivante : "Et si l’Europe était une résidence ?" Laisserions-nous gagner les peurs diverses liées à la migration qui nous conduisent à fermer la porte ? Ou serait-ce possible de nous accorder pour accueillir des réfugiés et pratiquer une politique d’hospitalité comme l'a fait l'Ambassade de France au Chili, il y a maintenant 47 ans ?"

>>> Atelier en ligne : dimanche 29 novembre, 14h (heure France), 10h (heure Chili). Retrouvez plus d’informations sur la page Facebook de l’événement.

>>> Retrouvez en exclusivité d'autres d'interviews de La Résidence sur le site dédié au documentaire.

>>> Découvrez également l’article de Thomas Lalire sur l’histoire du journaliste chilien Eugenio Lira Missa qui s’est retrouvé au coeur de cet imbroglio diplomatique entre la France et le Chili au moment du coup d’état militaire. C’est à lire sur l’Humanité.

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