Fleurs à la main, des dizaines de milliers d'Espagnols et d'étrangers sont attendus à Barcelone samedi pour une grande manifestation en réaction aux attentats jihadistes meurtriers des 17 et 18 août.
Plus de 16.000 personnes, selon la police, ont déjà participé à une marche contre la terreur vendredi soir à Cambrils, ville balnéaire catalane qui avait le théâtre d'une nouvelle attaque quelques heures après celle perpétrée sur les Ramblas de Barcelone.
Le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, a appelé vendredi "tout le monde à participer" à cette manifestation organisée par le gouvernement catalan et la mairie de Barcelone, après le double attentat de Barcelone et de Cambrils qui a fait 15 morts et au moins 126 blessés d'une trentaine de nationalités. Six des blessés restent hospitalisés dans "un état critique".
"Avec toute la société catalane et toute l'Espagne, nous redonnerons un message d'unité et de rejet du terrorisme et d'affection pour la ville de Barcelone", a assuré le dirigeant conservateur, plutôt accusé jusqu'alors de jeter de l'huile sur le feu des dissensions avec le gouvernement séparatiste de Catalogne qui souhaite que la région fasse sécession.
Aucun dirigeant de gouvernement étranger n'est cependant attendu à ce défilé, dont le slogan - "No tinc por" ("Je n'ai pas peur", en catalan) - sera décliné dans de nombreuses langues.
D'autres attentats ont eu lieu en Europe depuis ceux de Catalogne. Vendredi à Bruxelles, un homme a agressé des soldats au couteau en criant "Allah Akbar" avant d'être abattu. A Londres, un homme a été arrêté après avoir attaqué des policiers avec un couteau devant le palais de Buckingham. Aux Pays-Bas, la police enquête sur un possible projet d'attentat contre un concert le 23 août à Rotterdam.
- Fleuristes des Ramblas en tête -
Fait rare, Felipe VI sera le premier souverain espagnol à se joindre à des manifestants depuis le rétablissement de la monarchie en 1975.
Mais le roi ne défilera pas en tête, pas plus que les élus.
Car la maire de Barcelone, Ada Colau, a expliqué qu'au premier rang figureraient les "représentants des collectifs qui, dès la première minute, se sont occupés des victimes": forces de sécurité, services d'urgences, taxis, habitants et commerçants des Ramblas...
C'est là que le 17 août vers 17h00, une camionnette a foncé dans la foule des promeneurs. Treize sont morts dont deux enfants. Le conducteur, jeune Marocain de 22 ans, a ensuite poignardé à mort un automobiliste. Après quatre jours de cavale, il a été tué lundi par la police.
Parmi les fleuristes des Ramblas qui marcheront en tête, Saray Gomez, 18 ans, travaillait dans le kiosque voisin de l'endroit où la camionnette a fini sa course et elle avait juste eu le temps de s'y réfugier.
"Je suis revenue travailler (...) mais des collègues d'autres kiosques n'ont pas pu le faire parce qu'ils restent effrayés", dit-elle. "Il faut lancer un message d'unité et de paix, nous n'avons pas peur parce que toute la ville est unie. Et il faut savoir distinguer entre islam et jihadistes parce que les musulmans sont les premiers affectés", ajoute Saray.
Cette semaine, devant les caméras, le père d'un enfant de trois ans mort dans l'attentat sur les Ramblas avait ainsi tenu à prendre dans ses bras l'imam - très ému - de sa ville de Rubi en Catalogne.
- 'Chant des oiseaux' au violoncelle -
Des milliers de fleurs rouges, jaunes et blanches - couleurs de Barcelone - seront distribués aux participants.
"Le message de cette manifestation, c'est une clameur en faveur du vivre ensemble", assure Montse Rovira, 53 ans, qui défilera en tête, dans son uniforme de chef du service des urgences sociales de Barcelone.
Ses équipes ont notamment accompagné les familles de victimes, du prélèvement d'ADN à l'annonce des pires nouvelles. Elles ont aussi traité le stress post-traumatique de témoins, de simples citoyens mais aussi de médecins et de pompiers...
"Nous étions très préparés au niveau logistique, mais au niveau psychologique, on n'est jamais prêts à vivre quelque chose comme ça", dit-elle.
Revendiqués par l'organisation Etat islamique (EI), les attentats de Catalogne ont été perpétrés par six jeunes Marocains âgés de 17 à 24 ans ayant grandi en Catalogne. Tous ont été tués par la police.
Selon la mairie, la manifestation doit s'achever par "une brève et austère" cérémonie en mémoire des victimes.
Deux violoncellistes interpréteront le "Cant dels ocells" ("Chant des oiseaux"), chanson traditionnelle catalane que le défunt violoncelliste et compositeur Pau Casals avait jouée à la Maison Blanche en 1961, en signe de refus de la dictature de Francisco Franco.