George Hoyningen-Huene, maestro de la photographie, célébré au Palazzo Braschi
Le Palazzo Braschi offre une immersion dans l’univers raffiné de George Hoyningen-Huene, entre mode, danse, voyages et cinéma, au cœur d’une vision artistique unique du XXe siècle.


“George Hoyningen-Huene. Art.Fashion.Cinema” arrive au Palazzo Braschi de Rome, célébrant l’un des pionniers de la photographie de mode du XXe siècle.
L’exposition présente plus de 100 photographies réparties en 10 sections, des tirages au platine, emblématiques du style épuré et raffiné de l’artiste, qui combinent un sens aigu de la composition à des techniques d’impression novatrices, influencées par l’art classique et le surréalisme. Cette présentation illustre l'importance de George Hoyningen-Huene (1900-1968) dans le développement de la photographie de mode. Influencé par l'art classique et le surréalisme, son style a contribué à façonner l'esthétique de la haute couture des années 1920 et 1930 telles que Chanel, Balenciaga, Schiaparelli ou encore le joaillier Cartier. Il a collaboré avec Vogue à Paris et Harper's Bazaar à New York, avant de se consacrer à l'âge d'or hollywoodien.
Né à Saint-Pétersbourg en 1900 dans une famille aristocratique russo-américaine, polyglotte et très cultivé, il est élevé à la cour du tsar Nicolas II, immergé dans la culture classique - une influence qui façonnera à jamais sa vision artistique. Il n'avait que dix-sept ans lorsqu'il a fui la révolution bolchevique vers Paris. Là, il s’intègre au bouillonnement artistique de l’époque, les photographies de Huene sont souvent plus connues que son nom. Dans la Ville Lumière, Huene évolue avec grâce parmi les figures de proue de l'époque : Man Ray, Pablo Picasso, Francis Picabia, Jean Cocteau, Salvador Dali et bien d'autres.
Visions d’une époque
Derrière son charme ravageur et son humour discret, Hoyningen-Huene était un perfectionniste rigoureux, toujours en studio, entouré de projecteurs brûlants et de collaborateurs de confiance. “Créer une photo de mode à cette époque exigeait une grande assurance”, a rappelé Susanna Brown, commissaire de l’exposition.
Le parcours débute par une salle chronologique retraçant la vie de l’artiste dès 1919. "George Hoyningen-Huene : visioni di un’’epoca", introduit le visiteur au cœur de son processus artistique. On y découvre des photographies annotées à la main, témoignages précieux de son souci du détail et de la rigueur de ses archives. On y découvre l’importance de la documentation : au verso de chaque tirage, Hoyningen-Huene inscrivait des détails minutieux vêtements, textures - afin d’assurer une reproduction fidèle dans les magazines.
Dans la seconde salle, on admire ses photographies au platine, aux tonalités grises et profondes, illustrant ses débuts parisiens. "Tra Jazz e Ballets Russes : sogni di bellezza nella Ville Lumière", s’ouvre sur une vidéo immersive qui replonge le visiteur dans le Paris bouillonnant des années 20-30. On y admire des clichés emblématiques des Ballets Russes de Diaghilev, avec Serge Lifar et Olga Spessivtzeva en costumes signés Giorgio de Chirico, ou encore Josephine Baker dansant au rythme du jazz.
Viennent ensuite une pièce consacrée au beachwear - un thème phare de sa période américaine. Avec "La moda mare e il fascino del corpo ideale”, la photographie devient un vecteur de tendances et d’esthétisme. Parmi les œuvres exposées, le célèbre Divers immortalise de dos Horst P. Horst et Lee Miller, dans un cliché devenu légendaire, classé parmi les cinq préférés d’Anna Wintour dans l’histoire de Vogue.
Dans une petite salle juste à côté, c’est la section "Riflessi di antichità” (par ailleurs section favorite de S. Brown) qui s’impose. Huene célèbre l’harmonie des formes classiques et la beauté idéale. Les corps, modelés par des drapés et sculptés par la lumière, évoquent des statues antiques sublimées par des jeux de clair-obscur.

Globe-trotter passionné, Hoyningen-Huene a parcouru l’Afrique, la Tunisie, l’Algérie, l’Égypte, le Mexique et l’Europe. Une salle entière rend hommage à ses photographies de voyage, d’une esthétique quasi picturale. "Miraggi di lucce : l’odissea visiva di Huene" rassemblés dans cinq ouvrages majeurs, de African Mirage à Baalbek/Palmyra. Ces images témoignent de son regard d’explorateur et de poète visuel.
L’influence de l’art classique transparaît également dans sa représentation du nu masculin, sobre et géométrique. Dans "Sculture di luce : il nudo maschile tra classico e moderno”, Huene réinvente le nu masculin avec une mise en scène épurée, une lumière diffuse et une esthétique inspirée des grands maîtres. Cette section marque aussi son passage à New York en 1936, à la tête de la photographie chez Harper’s Bazaar, et annonce la transition vers Hollywood dix ans plus tard, en 1946 avec George Cukor, lauréat d'un Oscar, où il rejoint ses amis Man Ray et Max Ernst et s'impose comme portraitiste de stars et consultant en couleurs pour Cukor et d'autres grands réalisateurs.
Puis, une section explore ses liens étroits avec les surréalistes comme Jean Cocteau et Salvador Dalí, mais aussi avec Chanel et ses proches, dans une effervescence créative unique. En 1930, Huene réalise un portrait marquant de Jean Cocteau, dont le film “Le Sang d’un poète” est projeté en extrait. La muse du film, Lee Miller, est une figure centrale de l’exposition : modèle, photographe, et amie intime de Huene, elle fut l’un de ses sujets favoris. Ensemble, ils ont façonné une esthétique avant-gardiste, mêlant surréalisme et élégance.
La huitième salle, dédiée à ses années chez Harper’s Bazaar et Vogue, met en lumière sa collaboration avec la légendaire Lee Miller, modèle, muse et photographe, qui apparaît également plus loin dans l’exposition. "L’essenza del sogno : Huene, Chanel et l’influenza del surrealismo" explore l’impact du mouvement sur son travail, à travers des portraits où la réalité se plie à l’imaginaire. Huene collabore avec des maisons iconiques : l’audacieuse Schiaparelli et la moderne Coco Chanel, capturant l’âme de leurs créations dans des compositions artistiques.
La section "Modelle senza tempo : nuove icone della modernità" rend hommage encore une fois aux muses de Huene, telles que Agneta Fischer et Lee Miller, immortalisées dans des photographies devenues cultes. On y retrouve notamment une image saisissante de Miller tenant une boule de cristal où apparaît Fischer - un symbole de complicité et de vision artistique partagée.
Dans "La moda di Harper’s Bazaar", les clichés d’archives révèlent comment Huene a redéfini la photographie de mode. Des œuvres majeures, Swimwear by Izod, mettent en lumière son influence durable sur les pages des plus grands magazines. Des vitrines exposent ensuite des magazines d’époque, présentés aux côtés des clichés originaux, permettant de saisir leur mise en page et leur contexte éditorial.
Enfin, la dernière salle évoque sa carrière hollywoodienne. "Hollywood e l’incanto del cinema" clôt l’exposition avec les portraits de légendes telles qu’Ingrid Bergman, Greta Garbo, Charlie Chaplin ou Sophia Loren. Installé à Los Angeles, Huene devient conseiller couleur auprès de réalisateurs comme George Cukor, avec qui il partage une profonde amitié. Ensemble, ils créent un jardin iconique, lieu de rencontres pour la communauté queer d’Hollywood. Hoyningen-Huene photographie les stars de l’âge d’or du cinéma, d’Ava Gardner à Katharine Hepburn.
Une influence durable
Huene puise dans l’histoire de l’art pour créer des harmonies visuelles uniques, comme en témoigne la scène du film “Il Diavolo in calzoncini rosa, où Sophia Loren apparaît dans une composition inspirée du tableau Nanà de Édouard Manet. Leur lien, fort et sincère, se reflète dans une correspondance chaleureuse, dont une lettre émouvante de 1961 est exposée.
De 1946 à 1950, Huene réalise aussi des documentaires comme The Garden of Hieronymus Bosch. Il planifie en 1968 une grande rétrospective photographique, mais un AVC interrompt brutalement ses projets. Il s’éteint à Los Angeles le 12 septembre 1968. Son ami Cukor sera le premier informé de sa disparition.
Amie et muse de Huene, Lee Miller occupe une place importante dans l’exposition. Elle fut non seulement son modèle, mais aussi sa collaboratrice et élève, avant de devenir elle-même une photographe de guerre respectée. Leur complicité artistique est au cœur de plusieurs œuvres exposées.
Informations pratiques25juin19sept.
Du 25 juin à 10:00
Jusqu'au 19 sept. à 19:30
Adresse
Piazza di S. Pantaleo, 10
RM
roma






