En travaillant intrigue, personnages et contexte sociopolitique Douglas Kennedy mélange soigneusement les ingrédients qui aboutissent àroman parfait (Photo Philippe Matsas-Opale)
L'histoire démarre dans la Nouvelle-Angleterre des années 70 aux USA. En réaction àl'excentricitéde ses parents, Hannah ne rêve que d'une vie simple et ordinaire. Grâce àDan qui poursuit des études de médecine, elle organise tranquillement son dispositif conjugal qui va la mener dans le bled le plus perdu au monde, en bordure du Canada. Arrive alors en la personne d'un gauchiste hirsute et en fuite, un élément qui perturbe cette quiétude vaguement tristos.
Voilàpour la première partie des Charmes discrets de la vie conjugale, oùon baigne entre ravages maternels et aspirations individuelles basiques.
La seconde partie nous propulse 30 ans plus tard, oùévidemment les protagonistes ont vieilli. Làencore intervient un élément perturbateur en la disparition de la fille d'Hannah. En 2003 toutefois, il n'est plus question du seul univers familial d'Hannah : son parcours permet àDouglas Kennedy d'opérer une magnifique analyse de l'évolution de la sociétéaméricaine.
Sarcastique efficacité
Les charmes discrets de la vie conjugale relève de ce qu'on pourrait appeler un roman parfait. D'abord via la psychologie des personnages dont aucun n'est laisséau hasard : après la mère libérale et allumée, c'est le fils qui devient ultraconservateur et pas marrant. Entre les deux extrêmes, le père et la meilleure copine new-yorkaise tissent un lien affectif rassurant dans lequel surnage le mari discret mais efficace.
Ensuite, l'intrigue est suffisamment cohérente et travaillée pour que les rebondissements surgissent, àen crier ! D'autant que, pour l'essentiel, le ton est àl'humour.
Enfin, tout ce joli monde est plongédans le contexte infernal de l'Amérique politiquement correcte. À son habitude, Douglas Kennedy en profite pour régler ses comptes avec la tyrannie des non-fumeurs, celle des hygiénistes et des croyants de tout poil et au passage pour balancer quelques piques àGeorge Bush.
De fait, Les charmes discrets de la vie conjugale n'est pas qu'une délicieuse chronique familiale, c'est aussi un plongeon magistral dans les contradictions de l'ère contemporaine.
À lire sur le champ pour bien commencer 2006 !
Anne LAPIERRE. (LPJ) 6 janvier 2006
Les charmes discrets de la vie conjugale, Douglas Kennedy, traduit de l'américain par Bernard Cohen, Belfond, 526 p, 21€