

Avec Jeune fille, la romancière Anne Wiazemsky revient sur ses débuts de comédienne et raconte une expérience essentielle: le tournage de Au hasard Balthazar de Robert Bresson. Elle livre avec délicatesse le récit d'un passage, d'une initiation, auprès d'un homme fascinant et tyrannique
Malgré la véracité des faits relatés, le livre de Anne Wiazemsky est qualifié de roman (Photo AFP)
Anne Wiazemsky a eu au moins deux vies. Avant d'être l'écrivaine reconnue d'aujourd'hui et d'avoir signé huit romans, elle a été une des actrices les plus emblématiques du cinéma d'auteur de la fin des années 60 et 70. Sa filmographie aligne les noms prestigieux comme ceux de Godard, Garrel, Pasolini? Mais tout a commencé avec Robert Bresson.
Anne, 18 ans, est alors une jeune fille sans histoire et ? ce qui n'est pas tout à fait rien ? la petite fille de François Mauriac. Par l'intermédiaire de son amie Florence, l'interprète du Procès de Jeanne d'Arc, elle est présentée au grand réalisateur. Il tombe sous son charme juvénile et l'engage à jouer le rôle principal de son prochain film: Au hasard Balthazar.
Malgré la véracité des faits relatés, le livre est qualifié de roman. Suivant les conseils de son grand-père, Anne s'est astreinte à tenir un journal durant toute cette période. L'écrivain a néanmoins choisi de ne pas s'y référer et de se fier à sa mémoire.
L'ambiguïté du génie
C'est sans doute une des clés de la belle fluidité de l'écriture d'Anne Wiazemsky qui ne se paie jamais de nombrilisme mais suit pas à pas la jeune fille qu'elle était avec une attention touchante. Face à elle, Robert Bresson apparaît comme un homme multiple, à la fois attirant, fascinant, presque enfantin quand il joue avec ses chats, et incroyablement sûr de lui au travail.
C'est en même temps, avec son actrice, un despote et un manipulateur presque trouble. Alors déjà âgé, il exerce sur l'adolescente son emprise dans un but qui ne semble pas toujours artistique. Mais une telle attitude fait-elle partie des complexes mécaniques de la création ?
Le portrait ainsi dressé se tient savamment sur un fil, à distance du sordide comme de l'angélique. L'intense admiration que porte Anne Wiazemsky au cinéaste de génie transparaît derrière les pages les plus difficiles. Il faut dire que cette expérience est aussi pour elle celle du premier amant, des premières émancipations. Elle rencontre sur le plateau des techniciens plutôt protecteurs et croise un visiteur qui jouera un rôle important: Jean-Luc Godard. Mais ?ceci est une autre histoire?, l'objet peut- être d'un autre livre. En attendant, Jeune fille est une lecture à ne pas réserver aux seuls cinéphiles.
Jean Marc JACOB. (www.lepetitjournal.com) vendredi 16 mars 2007
Jeune fille, Anne Wiazemsky (Gallimard), 218 pages, 16,90 ?
http://www.gallimard.fr/catalog/bon-feuilles/01052551.HTM
http://www.gallimard.fr/catalog/entretiens/01052551.HTM
/>http://www.youtube.com/watch?v=132tWE6RzEo
/>http://www.gallimard.fr/catalog/Html/clip/A77409/index.htm


































