Après avoir remporté le prix Goncourt 2007 pour son roman Alabama Song, l'auteur Gilles Leroy était venu le présenter en 2008 à Cologne. Il est revenu tout aussi talentueux avec son roman Zola Jackson publié en 2010. Mardi 17 mai, après nous avoir accordé une interview, l'écrivain a offert une lecture de son dernier livre à l'Institut français de Cologne
L'écrivain Gilles Leroy était à Cologne mardi pour une lecture de son dernier roman (Photo : Agathe Bataille)
Né à Bagneux en 1958, Gilles Leroy a grandi en région parisienne. Très bon élève, il a obtenu son baccalauréat D ? correspondant à la filière scientifique - à l'âge de 17 ans puis s'est inscrit en médecine à Orsay avec l'idée de devenir psychiatre. Mais il a rapidement abandonné pour entamer des études supérieures en lettres modernes. Admis en prépa littéraire au lycée Lakanal à Sceaux, il a obtenu une licence puis une maîtrise en lettres modernes. Son mémoire a porté sur le poète Henry Michaux pour qui il a une certaine admiration. A 20 ans, il a décidé d'arrêter les études pour découvrir davantage le monde.
Ecrivain et journaliste
Pendant son enfance, Gilles Leroy a beaucoup voyagé à travers l'Europe. « Mes parents avaient des amis en Ecosse et j'allais régulièrement à Glasgow », lance-t-il en nous précisant qu'il adore la culture anglo-saxonne. « J'aime aussi la culture américaine. J'ai séjourné aux Etats-Unis lorsque j'avais 18 ans. Je suis allé à New-York, à Philadelphie, Washington et aussi sur la côte Est des Etats-Unis ». Après ces voyages, il a écrit sa première nouvelle à l'âge de 21 ans. « Je ne connaissais rien au monde de l'édition mais j'ai envoyé ma première nouvelle à trois éditeurs. Faisant 60 pages, cette nouvelle n'a pas été publiée. Elle était à la fois trop longue pour être publiée comme telle et trop courte pour être un roman. Mais j'ai reçu les encouragements de la maison d'édition du Seuil », nous précise l'auteur qui n'a plus arrêté d'écrire. Puis l'écrivain s'est lancé dans le journalisme. « J'ai commencé par écrire pour une revue d'art qui s'appelle L'Art vivant. J'ai écrit beaucoup de piges sur des sujets d'architecture et de design pour différents journaux », affirme Gilles Leroy. « Par contre, je me suis interdit la critique littéraire. Moi-même j'écrivais et je ne voulais pas juger les autres », poursuit-il.
Lauréat du prix Goncourt 2007 : « un cadeau du ciel »
Depuis sa première publication en 1987, Gilles Leroy a signé 13 romans et nouvelles. Lorsque les ventes de ses livres ont augmenté, il a quitté le journalisme pour se consacrer à l'écriture. En 2007, il a séjourné en Alabama et dans l'Etat de Géorgie où il a achevé son roman Alabama Song. Gilles Leroy aime la littérature américaine et on le perçoit à travers ses oeuvres. « Avant même d'écrire mes deux romans qui se déroulent aux Etats-Unis, plusieurs critiques disaient que j'étais un écrivain américain. Certains auteurs américains m'inspirent notamment William Faulkner, Dos Passos et Carson Mc Cullers », nous indique-t-il.
Le 5 novembre 2007, le plus prestigieux prix littéraire français lui est attribué pour son roman Alabama Song. Mais cet événement extraordinaire n'a changé en rien l'homme qu'est Gilles Leroy. « C'était merveilleux, un cadeau du ciel ! Le livre a été traduit en 30 langues et diffusé dans 40 pays ce qui m'a permis une plus grande visibilité. Je suis passé de 10.000 à 400.000 lecteurs. Sur le plan matériel, ce prix m'a sauvé la vie et m'a permis d'avoir plus de confort personnel », nous raconte le lauréat.
Dans la peau de Zola Jackson
Qui est Zola Jackson ? « C'est une femme afro-américaine qui a été institutrice. Elle vit seule avec sa chienne Lady lorsque l'ouragan Katrina s'abat sur la Nouvelle-Orléans, là où elle vit », raconte Gilles Leroy qui a pensé à la fois à sa mère et à d'autres femmes de caractère pour modeler la personnalité de Zola. L'ouragan Betsy sévissait quarante ans plus tôt quand elle a mis au monde Caryl. Son enfant unique qui a partagé sa vie avec Troy, un homme blanc, est mort précocement. Quand l'ouragan Katrina arrive, Zola vit une nouvelle fois le passé en repensant à la naissance de Caryl et n'a que Lady comme confidente. « L'histoire commence dimanche 28 août 2005 au moment où l'ouragan frappe la Nouvelle-Orléans et se déroule sur une semaine. J'ai voulu faire surgir à travers une tragédie collective la tragédie personnelle de cette femme, enfermée seule chez elle avec sa chienne face à l'eau qui monte ».
Gilles Leroy était en France au moment de cette catastrophe. « J'ai été très frappé. La catastrophe humaine aurait dû être évitée si le gouvernement américain avait décidé d'envoyer des secours assez tôt. Ce sont les quartiers pauvres qui ont été les plus touchés et la première puissance mondiale a été incapable de secourir la ville. J'ai été scandalisé. Deux ans plus tard, je me suis rendu sur place. Face aux ruines, j'ai eu un sentiment d'incompréhension », s'indigne l'écrivain du réel. C'est de là qu'est née l'idée de laisser s'exprimer une femme noire prise dans la tourmente de l'ouragan et de sa propre existence.
Un refuge pour écrire
Lorsqu'il prend la plume, Gilles Leroy se réfugie dans sa maison de campagne située en Haute Normandie. « Dès que je me lève, je prépare mon thé puis sors mon chien et me mets au travail pour profiter de cette énergie matinale. Je passe au minimum deux heures, en général plutôt 4 heures et vers la fin du roman, il m'arrive de travailler 8 à 9 heures. J'ai écrit mon dernier roman en 10 mois à peu près », nous explique-t-il.
Agathe Bataille (www.lepetitjournal.com/cologne) Jeudi 19 mai 2011
Informations :
Zola Jackson, Gilles Leroy aux éditions Mercure de France.
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