

La France compte aujourd'hui 2.000 mosquées et lieux de prières pour une population musulmane estimée à 5 millions de personnes environ. Confrontés au manque de lieux de prière, il arrive que les musulmans ne soient contraints de prier dans la rue, suscitant le malaise de nombreux Français. Marine Le Pen a déclenché la polémique en comparant cette pratique à une forme "d'occupation"
Marine Le Pen (photo AFP), en campagne pour la présidence du Front National
Les fidèles de la mosquée de la rue Myrha, à la Goutte d'or à Paris, prient dans la rue, faute de place. "D'abord, c'était rue Myrha et maintenant, il y a dix ou quinze endroits où, de manière régulière, un certain nombre de personnes viennent pour accaparer les territoires", fustige Marine Le Pen. La vice-présidente du Front national (FN) a déclenché la polémique le 10 décembre dernier à Lyon : ?Je suis désolée, mais pour ceux qui aiment beaucoup parler de la seconde guerre mondiale, s'il s'agit de parler d'occupation. C'est une occupation de pans de territoire. Certes, il n'y a pas de blindés, il n'y a pas de soldats, mais elle pèse sur les habitants.? Elle a confirmé ses propos cette semaine : "En m'exprimant ainsi, je n'ai fait que dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas".
"Des anciens de la communauté ont donné leur sang pour libérer la France. Cela les touche d'être aujourd'hui considérés comme des occupants", rétorque Lhoussine Tahri, responsable de la plus grande mosquée de Montpellier. "Que l'on nous laisse prier en paix" ajoute-t-il. Le Conseil français de culte musulman (CFCM) a dénoncé une "comparaison injurieuse envers les musulmans de France", "synonyme d'incitation à la haine et à la violence à leur encontre".
Manque de mosquées ?
Si la classe politique unanime a condamné les propos de Marine Le Pen, il n'en reste pas moins que les prières de rue créent un vrai malaise au sein de la population non musulmane. Pour Benoit Hamon, porte?parole du PS, "ce sont des situations qui ne sont pas tolérables beaucoup plus longtemps, on a une situation de tension avec les riverains et il faut trouver des solutions". Mais les élus locaux sont partagés entre leur volonté de ne pas voir les musulmans réduits à prier à l'extérieur, et la peur de déplaire à une partie de leur électorat s'ils leur accordent une aide trop voyante, voire acceptent de faire construire un lieu de culte. De nombreux Français, fidèles aux principes de la laïcité, ne souhaitent pas que l'Etat intervienne dans le domaine religieux. De façon plus émotive, ils ont le plus grand mal à se faire à l'idée que l'on construise une mosquée en bas de chez eux. Le recteur de la mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, en est bien conscient : "A chaque fois qu'un projet de mosquée est évoqué cela suscite un malaise dans la population. La construction d'une mosquée, c'est un style, une architecture, une culture". Pourtant pour lui, il faudrait doubler le nombre de mosquées pour atteindre les 4.000. "Les musulmans ne veulent pas prier dans la rue, c'est sale. Il faut un endroit propre et sain pour faire la prière", estime Hawa, une fidèle de la rue Myrrha.
Une position que rejoint Daniel Vaillant, le maire socialiste du 18e arrondissement de Paris. "Je suis un vrai laïc, tolérant vis-à-vis des religions - j'ai été ministre des Cultes - mais je considère que l'espace public doit rester un espace au service du public", a-t-il expliqué. Mais "tant qu'on n'a pas la capacité pour le culte musulman d'avoir des lieux de prière dignes, où les gens prieront à l'intérieur, eh bien, on n'aura rien fait du tout".
Alors que les sondages montrent une percée du Front national, les débats autour de la place de l'islam dans la société française, (des minarets à la burqa, en passant par le halal), risquent d'être récurrents. L'islamophobie pourrait bien devenir un fonds de commerce électoral lors des prochains scrutins nationaux.
MPP (www.lepetitjournal.com) jeudi 16 décembre 2010
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