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POLICE – Le Stic se fiche de la vérité

Avec seulement 17% de ses renseignements exacts, le fichier de la police nationale est pointé du doigt par la CNIL. Nombreuses erreurs, manque de contrôle, mise à jour presque inexistante, le Stic met encore une fois en lumière un fichage de l'Etat arbitraire et dangereux 

Alors qu'il entame sa fusion avec Judex, son équivalent de la gendarmerie nationale, pour devenir Ariane, le fichier de police Stic a été évalué par la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL). Le rapport présenté est affligeant pour ce fichier national qu'Alex Türk (AFP), le président de la CNIL, qualifie de "beaucoup plus dangereux" qu'Edvige. Edvige avait entraîné une vague de protestation lors de sa mise en place en juin 2008. Ce registre permettait l'entrée d'informations atteignant à la liberté personnelle (telles que l'orientation sexuelle, la religion, la santé des personnes?). Il a finalement été retiré pour remaniement en novembre 2008.

Un fichier erroné
Mis à la disposition des policiers depuis 2001, le Système de traitement des infractions constatées (Stic) est le plus important fichier de police et regroupe des informations sur 36,5 millions de procédures (5,5 millions de personnes mises en cause et 28 millions de victimes). Le rapport de la CNIL révèle "un taux d'erreurs sidérant"avec de nombreuses fautes de saisies (les victimes ou les témoins devenant les accusés). Le mode de classification des fiches est, de plus, très aléatoire avec parfois l'utilisation de mentions discriminatoires et inutiles au cours de l'enquête, telles que "travesti", "homosexuel"ou encore "handicapé mental". D'autant plus inquiétant que l'accès au fichier manque d'un contrôle rigoureux, "Les autorités n'ont pas les moyens de vérifier qui a consulté le fichier et pour quelle raison" regrette Alex Türk. Ce manque de traçabilité a entraîné des dérives de la part de plusieurs policiers utilisant le Stic à des fins crapuleuses.

Une mise à jour quasi absente
Le Stic est également utilisé dans la cadre de la loi de la sécurité intérieure de 2003 pour procéder à des "enquêtes de moralité", c'est à dire la vérification du casier judiciaire pour les personnes souhaitant travailler dans la fonction publique ou dans certains secteurs privés (comme dans la sécurité). Or, les tribunaux ne communiquent que très peu l'issue des procédures aux agents de polices. Le fichier n'est actualisé que dans un cinquième des classements sans suite, un tiers des relaxes et 17% des acquittements recensés. Cela a donc "des conséquences sociales considérables". Des personnes innocentées peuvent ainsi toujours se retrouver fichées comme suspectes. "En tout un million d'emplois peuvent être refusés ou remis en cause", rappelle M. Türk. La CNIL a présenté aux ministères de l'Intérieur et de la Justice des mesures pour améliorer ce système qui entache une fois de plus le sérieux des institutions judiciaires et policières. Le rendez-vous est donné dans 3 ans pour constater ou non leur application. 
Damien Bouhours (www.lepetitjournal.com) mardi 27 janvier 2009

En savoir plus

Rapport de la CNIL, Contrôle du STIC : Les propositions de la CNIL pour une utilisation du fichier plus respectueuse du droit des personnes 

Article du Point, "De nombreuses personnes restent dans le fichier après leur garde à vue": la CNIL attaque STIC

Dépêche AFP, La Cnil dénonce les conditions d'utilisation du fichier policier Stic

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