Dans la perspective des prochaines élections législatives, les 30 juin et 7 juillet 2024, lepetitjournal.com est allé à la rencontre des candidats. Juliette de Causans, candidate Les Ecologistes avec la majorité parlementaire, pour la 4ème circonscription (Belgique, Luxembourg, Pays-Bas), a répondu à nos questions.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Fille et petite-fille de diplomates, je suis actuellement professeure de français dans un collège public après des études en Lettres et en droit et une scolarité complète dans différents lycées français à travers le monde, en particulier, au lycée Français de Belgique Jean Monnet où j’ai passé mon baccalauréat. Je suis aussi engagée depuis de nombreuses années dans différentes associations de défense de l’égalité, de l’Europe et de l’écologie. Je suis mariée et j’ai deux enfants : une fille et un garçon.
Pourquoi souhaitez-vous vous présenter aux prochaines élections législatives ?
Je souhaite porter les causes qui me tiennent à cœur et participer à une démocratie rénovée. La question du pluralisme politique en dehors des trois grands blocs se pose et il est important d’offrir une alternative centriste et écologiste en dehors des accords LFI, RN ou Renaissance. Les personnes aspirent à plus de choix et à un apaisement. Ils ne comprennent pas en quoi cette dissolution rendrait service à la France, moi-même, je me pose la question. Dans ce contexte politiquement mouvementé, la question des Français de l’étranger semble relativement mise de côté. Or, il reste encore à construire une véritable solidarité avec les Français établis hors de France et entamer une réflexion autour de différentes politiques publiques, en particulier, concernant l’éducation française à l’étranger étant moi-même enseignante.
Depuis de trop nombreuses années, seules les personnes très aisées ou celles bénéficiant de bourses aux critères assez stricts peuvent se permettre d’inscrire leurs enfants au sein de Lycées français sans voir une baisse drastique de leur pouvoir d’achat, de plus, ce sont des établissements privés à l’étranger qui semblent actuellement bénéficier d’investissements par le biais de partenariats publics-privés qui poussent encore à la hausse les frais d’inscription. Or, l’Éducation est un droit et la question du tarif de base (et non uniquement du nombre de bourses) devrait être posée. Je propose notamment la diminution du tarif de base par une participation financière de l’Éducation nationale au bénéfice de tous les Français expatriés.
Quel est votre rapport avec cette circonscription ?
J’ai vécu l’expatriation toute ma vie jusqu’à mes 18 ans, la Belgique est le pays où j’ai vécu en tant qu’expatriée le plus longtemps, où j’ai passé une partie de mon enfance et de mon adolescence ainsi que le début de ma jeune vie d’adulte. J’ai toujours un domicile à Bruxelles dans la commune d’Ixelles pas loin de la place Stéphanie et je m’y rends régulièrement pour rendre visite à ma famille, à mes amis ou tout simplement pour me ressourcer. J’ai déménagé dans les Ardennes qui sont à une heure et demie de route compte tenu des activités professionnelles de mon époux. Durant mes études de droit, en droit fiscal et droit européen j’ai bénéficié d’échanges au Luxembourg et aux Pays-Bas. Mon suppléant, Olivier Hédin, est par ailleurs d’origine franco-luxembourgeoise.
En quoi votre parcours est-il marqué par les préoccupations des Français·es de l'étranger ?
J’ai suivi toute ma scolarité dans différents lycées français. J’ai d’ailleurs passé mon baccalauréat au Lycée français de Belgique Jean Monnet. J’ai vécu les déménagements réguliers, la perte des amis, la découverte d’un nouveau pays. Je sais aussi l’impact de la vie à l’étranger au retour en France. Pour ma part, lorsque j’ai fait mes études à Paris après toutes ces années d’expatriation, j’ai ressenti le mal du pays pour un pays qui pourtant n’était pas celui de ma nationalité, à savoir la Belgique. Au moment de mes études, j’ai d’ailleurs pensé à y repartir mais il y a eu la question de la reconnaissance des diplômes, en particulier, dans le secteur juridique et de l’emploi de mon époux non délocalisable dans les Ardennes. J’ai dû donc me résoudre à avoir une résidence éclatée.
Comment voyez-vous le mandat de député ?
Peu de gens le savent, mais la majorité présidentielle à l’Assemblée n’était pas uniquement composée des partis illustrés sur les tracts actuels des candidats. Il y avait aussi par exemple l’Alliance centriste qui est notre partenaire à ces élections et qui siège chez Horizons. La réalité est que cette dissolution risque d’achever le peu de pluralisme politique au centre qui avait pourtant déjà été bien expurgé en 2022. Il s’agissait peut-être aussi de remettre au pas les députés macronistes de centre gauche, Emmanuel Macron n’ayant jamais accepté la moindre nuance d’opinion au sein de son appareil politique. C’est d’ailleurs pour cela que nous sommes partis en 2022 et avons fondé Europe Egalité Ecologie ! qui est un parti centriste et écologiste en lien avec l’Alliance centriste notamment et qui ne fait pas partie de l’accord LFI Nouveau front populaire.
Des trois blocs principaux mis en avant par les médias ne pourra probablement émerger aucune majorité absolue. Ce qui signifie que tous les députés en dehors de ces trois blocs seront des députés «swing » permettant de faire basculer la majorité parlementaire d’un côté ou de l’autre.
Si je suis élue dans ce contexte, je négocierai évidemment le ralliement y compris avec la Majorité présidentielle en imposant les mesures du programme de la profession de foi. Je serai la députée des Français de l’étranger et non celle du Président Emmanuel Macron ou d’un chef de parti.
Les électeurs français de l’étranger voient les choses de plus loin et ont donc par définition plus de perspectives d’analyse. Voter par « angoisse », par « culpabilité » ou par « devoir » dès le 1er tour, c’est priver la France de la représentation des aspirations profondes des personnes qui se font confisquer l’expression libre de leurs choix via une auto-censure induite. La France a besoin d’un Parlement fort avec des députés forts et indépendants qui représentent les gens et non des appareils. Mon mandat s’inscrira ainsi dans le profond respect de la démocratie et des aspirations des personnes.
Quels sont, selon vous, les défis qui attendent les Français·es de votre circonscription ?
Le risque de voir la France basculer dans l’instabilité politique et de perdre sa place dans les politiques européennes si elle s’en mettait en retrait de l’UE ou en élisait des dirigeants qui continueront à dégrader la situation économique du pays sans améliorer les services publics ou le lien social. Cette instabilité potentielle n’effacera pas les effets délétèrent de la guerre russo-ukrainienne, du conflits israélo-palestiniens et des fractures qui divisent peu à peu nos sociétés en perte de croissance économiques. Il faudra aussi prendre en compte le risque écologique que les assureurs auront de plus en plus de mal à couvrir : en particulier, les inondations qui risquent de se produire de façon plus récurrente avec des conséquences importantes aux Pays-Bas mais aussi en Belgique. Il est important qu’une solidarité européenne s’organise en vue d’anticiper tous ces éléments et que des investissements soient faits en amont. A côté de ces éléments géopolitiques ou globaux, la question des conventions fiscales, de la lutte contre la double imposition, du coût de l’éducation, de la reconnaissance automatique des diplômes se posera toujours.
Comment est organisée votre campagne et qui sont vos soutiens ?
Je me suis présentée dans cette circonscription à la suite de Marie Josée Mabasi qui s’était présentée en 2022 et qui d’origine congolaise a souhaité se présenter sur la circonscription 10FDE. J’ai voulu me présenter au Benelux comme un retour aux sources. Je pars avec l’étiquette « Les écologistes avec la majorité parlementaire » et non plus « présidentielle » afin de marquer mon attachement aux débats parlementaires, à la figure d’un député qui doit être le fer de lance de la réflexion et d’un débat. Le temps du parlement chambre d’enregistrement sera révolu. Il s’agit d’une campagne éclair où par définition, tout a été si vite que les électeurs ont finalement très peu le temps de la réflexion au sortir de la campagne des européennes. Avec cette dissolution, c’est un électeur qui n’aura pas pu bénéficier de 6 mois de campagne, d’informations mais de deux semaines. C’est quelque chose que pour ma part, je n’apprécie pas car ce temps de la réflexion est important. Or, l’électeur en a été privé et de facto les candidats aussi. Comme d’habitude, il a été imposé à tous un état de sidération que, personnellement, je trouve peu compatible avec une démocratie libre et éclairée. Les débats n’auront pas lieu et les gens voteront sur base des étiquettes imprimées sur des bulletins faits en dernière minute.
Quels sont les axes de travail que vous souhaitez mener à bien si vous êtes élue ?
La première serait bien sûr de m’inscrire dans une majorité parlementaire rénovée, moins dépendante d’un président de la République ayant sacrifié sa propre majorité, une nouvelle majorité avec plus de dialogue et de social, plus de liens entre les groupes. Une culture politique de la coalition.
La question de l’éducation serait ma plus grande priorité afin de la rendre véritablement accessible à tous les Français de l’étranger avec la question de son coût mais aussi de celle de sa continuation dans le supérieur.
La lutte contre la double imposition, l’extension des conventions fiscales et de sécurité sociale pour faciliter la vie des Français expatriés serait aussi l’un de mes fers de lance. En effet, je suis fiscaliste de formation et j’ai envie de travailler sur ce domaine laissé en friche au détriment des Français expatriés mais aussi de leurs conjoints parfois étrangers.
Je souhaite plus généralement aussi une revalorisation des métiers dits du care sous évalués en termes de rémunération (santé, éducation), préparer aussi la France au défi démographique de demain, en particulier, la question des personnes âgées et dépendantes.
Enfin, je n’oublierai pas celle de la préservation de l’emploi et de l’humain face au développement des nouvelles technologies.