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USA : Avorter n’est pas une solution de facilité, c’est aussi une question de survie

Avortement aux États-UnisAvortement aux États-Unis
Écrit par Rachel Brunet
Publié le 24 juin 2022, mis à jour le 25 juin 2022

La très conservatrice Cour suprême des États-Unis a enterré vendredi le droit à l'avortement et une poignée d'États — eux aussi très conservateurs — en ont profité pour bannir immédiatement les interruptions de grossesse sur leur sol. Ce 24 juin 2022 sera marqué au fer rouge dans l’Histoire des États-Unis : C’est à compter de ce jour-là que les femmes américaines, dans certains États, n’ont plus le droit de disposer de leur corps. 

 

Avorter aux États-Unis, c’est désormais non !

Mais est-ce que les juges, en majorité des hommes, qui viennent de légiférer sur le sort des Américaines, pensent qu’avorter est une partie de plaisir, sinon un simple moyen de contraception ? Foutaises ! C’est juste une question politique, sinon politicienne, sauf que ce sont les femmes les plus fragiles, comme d’habitude, qui vont trinquer !

Faut-il reparler de Tim Murphy ? Celui qui votait systématiquement pour limiter l'accès à l'avortement. En janvier 2017 — en pleine ère Trumpiste — il célébrait le vote d'une proposition de loi interdisant les financements publics pour l'IVG, se disant plein d'espoir que « notre nation honorera la vie dès le moment de la conception ». Ironie du sort, le même Tim Murphy demandait une semaine plus tard à sa maîtresse — et oui — d’avorter…

Le quotidien Pittsburgh Post-Gazette publiait les textos gênants de Shannon Edwards, la maîtresse en question, qui réagissait à un message anti-avortement que Murphy avait posté sur Facebook. Elle écrivait « tu n'as aucun droit de poster tes positions pro-vie partout alors que tu n'hésitais pas à me demander d'avorter notre futur enfant la semaine dernière.» Il avait rétorqué que c'était son équipe, et pas lui, qui était à l'origine des posts anti-avortement. Bingo… Il avait bien demandé à sa maîtresse d’avorter…

Doit-on revenir sur un autre conservateur, lui, pour le coup, juge à la Cour suprême ? Accusé d’avoir agressé sexuellement deux femmes, il y a 40 ans, le juge Brett Kavanaugh s’était défendu en disant qu’il était vierge au moment des faits qui lui été  reprochés. Il avait été nommé par l’ancien président : Donald Trump. Tout un poème. Et pourtant, elles avaient porté plainte.

Voilà un rapide panel, sinon un diagnostic des hommes américains qui — parmi des milliers — ont lutté, et réussi leur coup, contre le droit des femmes à disposer de leur corps.

La question est de savoir comment un homme peut décider de l’avenir de millions de femmes et de leurs corps, de ce qu’il y a de plus profond en elles. 

À l’annonce de cette triste nouvelle pour les Américaines — et les Américains, oui, les hommes sont aussi concernés — le député Roland Lescure, réélu dimanche dernier, a twitté : « Le jour où la cour suprême des #USA annule #RoeVsWade je suis fier d’être européen. Et fier d’être français. » On pourrait rajouter, « nous aussi », sinon, « moi aussi ».

Je suis née, j’ai grandi, dans un pays où les femmes ont des droits, un pays où elles sont libres de faire ce que bon leur semble, dans le respect de la loi, bien entendu. Libres de disposer de leur corps. Libres d’accès à la contraception. Et libres d’avorter, quelle que soit leur raison. Et oui, il y a toujours une raison derrière une décision aussi difficile, irréversible. Grave. Et douloureuse. Aujourd’hui, je suis la maman d’un adolescent. Et je m’inquiète autant que si j’étais la maman d’une adolescente. Au-delà de me dire, que si jamais, un oubli, une insouciance, un accident, je me demande pourquoi les copines de mon fils, nées et vivant à New York, auraient ce droit, pourtant vital de disposer de leur corps, par rapport à d’autres gamines qui vivent dans un État conservateur ? Et je pense aux jeunes femmes, et femmes moins jeunes de ces États. Elles n’auront plus ce recourt. Ce moyen de changer le court d’une vie qu’elles ne souhaitent pas. Ou plus. Elles ont le droit de changer d’avis parce que cela les regarde. Cela ne regarde aucun juge, aucun homme, aucune femme. C’est une décision qui les concerne. Elle(s), femme, jeune ou pas, qui pour une raison qui lui appartient est enceinte et ne veut pas mener cette grossesse à terme. Aucune femme n’a à s’expliquer sur le motif d’une grossesse, au même titre qu’on n’interroge pas l’homme qui y a participé. Oui, en général, sauf cas historique, ce n’est pas une opération du Saint Esprit.

Apprendre une grossesse, même quand elle est désirée, est un véritable chamboulement pour une femme. Un tremblement de terre. Et parfois, elle mène même à cette question : Est-ce que je suis certaine de vouloir être maman ? Suis-je capable ? Même quand on l’a voulu depuis des années. Alors, quid des autres ?

Quand ce n’est pas voulu, quand c’est un accident, quand c’était involontaire… Une précipitation, un mauvais calcul… Dans le pire des cas, quand cela est imposé.

Est-ce qu’un homme peut comprendre ? Et d’ailleurs, est-ce que nous avons encore l’énergie de leur demander de comprendre ? N’oublions pas que nous vivons encore à une époque où une femme est moquée quand elle a ses règles — aucun homme ne viendra dire le contraire. Et c’est souvent involontaire. Une simple blague, un simple mécanisme. Alors comment peut-elle être comprise quand elle est enceinte ?

Heureusement, certains comprennent et continuent le combat.

Le président Joe Biden a dénoncé une « erreur tragique qui met la santé et la vie de femmes en danger »  et appelé les Américains à défendre le droit à l'avortement lors des élections de mi-mandat en novembre.

Alors que les cliniques du Missouri, Dakota du Sud ou de Géorgie fermaient leurs portes les unes après les autres, des États démocrates, comme la Californie ou New York, se sont engagés à défendre l'accès aux IVG sur leur sol.

Cette révolution a été déclenchée par la décision de la Cour suprême de révoquer son arrêt emblématique « Roe v. Wade », qui depuis 1973 garantissait le droit des Américaines à avorter, la majorité de ses juges l'estimant aujourd'hui « totalement infondé ».

Ils ont été 6 à « juger » du corps des femme, de leur avenir et de l’avenir de leur utérus…

Trump a été battu mais il a réussi ce coup : rendre la Cour suprême conservatrice. Et pour de trop longues années.

 

 

 

 

 

 

Rachel Brunet
Publié le 24 juin 2022, mis à jour le 25 juin 2022