Édition internationale

De l’exil aux rings américains, l’histoire de Yurik Mamedov

Aujourd’hui retiré des rings, le boxeur professionnel franco-yézidi partage sa vie entre Paris et New York, porté par une mission : représenter son peuple et transmettre une discipline qui l’a sauvé.

Yurik Mamedov combat à Atlantic City dans le New JerseyYurik Mamedov combat à Atlantic City dans le New Jersey
Yurik Mamedov combat à Atlantic City dans le New Jersey. Crédit : DR
Écrit par Sherilyn Soekatma
Publié le 3 décembre 2025, mis à jour le 18 décembre 2025

 

Avant d’être boxeur, Yurik Mamedov est d’abord un enfant en exil. Un enfant ballotté de pays en pays, de la Russie à la Belgique, avant d'arriver en France avec sa famille. Les Mamedov sont d’abord accueillis comme réfugiés politiques, puis envoyés dans un centre d’hébergement à Mortcerf, en Seine-et-Marne.

Quand la famille obtient enfin un titre de séjour, elle s’installe à Émerainville. C’est là que Yurik Mamedov découvre la boxe, presque par accident. Dix ans plus tard, les Mamedov obtiennent la nationalité française et s'installent à Savigny-le-Temple. Là, grandit un enfant souvent moqué pour ce qu’il est, un adolescent en colère qui aurait pu glisser du mauvais côté. Jusqu’à ce qu’une rencontre improbable rebatte les cartes.

 

« La boxe m’a choisi »

Après une énième altercation, Yurik Mamedov perd deux dents qu’il ne fera jamais remettre, « pour se souvenir », dit-il. C’est dans la foulée qu’il rencontre son premier mentor : « Je lui ai demandé s’il connaissait une salle de boxe. Par hasard, il avait la sienne. Cet homme, Malek Ikhenache, est devenu mon premier entraîneur. Si ça, ce n’était pas ma destinée… »

 

« La boxe m’a gardé loin de la rue, loin des mauvaises influences. »

 

Sous l’aile de Malek Ikhenache, Yurik Mamedov trouve sa voie : « La boxe m’a choisi. Elle m’a gardé loin de la rue, loin des mauvaises influences. Elle m’a appris à transformer ma colère en quelque chose de constructif. »

 

Portrait de Yurik Mamedov
Crédit : DR

     

En France, malgré son manque d’expérience, il remporte ses premiers tournois amateurs. Des victoires qui lui valent un stage en immersion à New York, offert par la commune d’Émerainville. Là-bas, le jeune franco-yézidi se fait remarquer par un coach américain qui lui propose de revenir tenter sa chance.

 

Combattre pour son peuple

En 2012, le jeune boxeur quitte la France pour les États-Unis. À peine un an après son arrivée, il atteint la finale des célèbres Golden Gloves de New York. « J’étais encore un jeune inconnu, raconte le boxeur. Mais ce jour-là, j’ai compris que ma vie pouvait changer. Mon père et mon premier coach avaient fait le déplacement. C’était fort. »

 

« Quand je combats, ce n’est jamais seulement pour moi. C’est pour eux, pour qu’on n’oublie pas. »

 

S’il se bat pour les ceintures, Yurik Mamedov se bat aussi pour son peuple, les Yézidis : « Mon peuple a subi un génocide. Une de mes cousines a disparu, et je ne sais toujours pas si elle est vivante, raconte-t-il. Alors, quand je combats, ce n’est jamais seulement pour moi. C’est pour eux, pour qu’on n’oublie pas. »

Son histoire, son exil, les souffrances subies par sa famille façonnent son rapport au ring : « Quand je monte sur le ring, je pense à ceux qui ne peuvent plus se battre. Cette énergie, cette douleur et cette fierté, je les transforme en force et en détermination. C’est ce qui fait que je ne lâche jamais, que je me relève toujours. »

 

Yurik Mamedov combat pour la cinquième fois à Atlantic City dans le New Jersey
Yurik Mamedov combat pour la cinquième fois à Atlantic City dans le New Jersey. Crédit : DR

 

En parallèle, Yurik Mamedov a lancé Ezdina, une application pensée comme un réseau social pour les Yézidis du monde entier. Une manière pour lui de préserver une culture fragile, de transmettre son histoire et de recréer des liens entre ceux que l’exil a séparés.

 

Les pieds à New York, le cœur en France

Installé entre Paris et New York, Yurik Mamedov puise dans ces deux cultures pour se construire. « La France, c’est mon foyer, dit-il. Après toutes les difficultés que nous avons traversées en Russie, en Arménie, en Allemagne, puis en Belgique, c’est la France qui nous a accueillis, qui nous a offert la stabilité, la sécurité et la nationalité. Je lui dois énormément. »

L’Amérique, elle, lui a offert une toute autre énergie. Elle lui a permis de se révéler. « Aux États-Unis, la boxe est respectée. Avec des coachs comme Simon Bakinde, j’ai compris ce que signifiait réellement vivre pour la boxe. »

 

« Peu importe d’où l’on vient, on peut toujours atteindre quelque chose de grand. »

 

Ce double-ancrage, il en a mesuré l’importance lorsqu’il a été choisi pour porter la flamme olympique en 2024 : « Ce n’était pas seulement un honneur sportif. C’était un hommage à ma famille, à mon peuple et à tous ceux qui ont lutté pour survivre. C’était la preuve que, peu importe d’où l’on vient, on peut toujours atteindre quelque chose de grand. »

 

Yurik Mamedov porte la flamme olympique à l’occasion des Jeux olympiques de Paris 2024
Yurik Mamedov porte la flamme olympique à l’occasion des Jeux olympiques de Paris 2024. Crédit : DR

 

Yurik Mamedov : de boxeur à mentor

Retiré des rings, Yurik Mamedov se consacre désormais au coaching privé aux États-Unis : « J’entraîne beaucoup de Français. J’adore transmettre ce que la boxe m’a appris : la discipline, la confiance et la force mentale. »

L’ancien boxeur développe The Fitness Circles, une conciergerie sportive et bien-être. L’objectif : offrir un accompagnement complet autour de la forme physique, de la santé et du bien-être mental. « Je veux aider mes clients à devenir la meilleure version d’eux-mêmes », dit-il.

 

« Si mon parcours peut aider quelqu’un à ne pas abandonner, alors j’aurai accompli quelque chose de grand. »

 

Au-delà du sport, Yurik Mamedov veut inspirer : « Si mon parcours peut aider quelqu’un à ne pas abandonner, alors j’aurai accompli quelque chose de grand. »

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