Officiellement fête nationale depuis 1977, la Saint-Jean-Baptiste est bien plus qu’un jour férié au Québec. Des racines païennes aux élans patriotiques du XIXe siècle, elle incarne l’attachement des Québécois à leur culture et à leur langue. Au fil des siècles, la fête a changé de visage, mais reste un puissant miroir de l’évolution identitaire de la province francophone.


Des feux païens aux processions chrétiennes
Bien avant l’arrivée des colons en Amérique, le 24 juin donnait lieu en Europe à des célébrations du solstice d’été. On allumait de grands feux pour marquer le passage à la saison lumineuse. L’Église catholique s’est emparée de cette tradition pour y associer la figure de Jean le Baptiste, celui qui « prépare le chemin ». Le lien avec la lumière reste : la Saint-Jean célèbre un homme qui annonce, autant qu’une saison qui commence.
Au Québec, les premières célébrations religieuses de la Saint-Jean remontent à 1646, à Québec. On y organise messes et processions. « C’était une fête de paroisse, dans un calendrier où chaque saint avait son moment », rappelle l’historien Gilles Laporte. Rien, alors, ne la distingue encore des autres jours saints.
1834 : la Saint-Jean devient affaire de nation
Le tournant survient en 1834, lorsque Ludger Duvernay, journaliste et patriote, fonde une fête nationale des Canadiens français sur le modèle de la Saint-Patrick irlandaise. L’idée est claire : créer un moment d’unité dans un contexte politique bouillonnant. Un banquet est organisé à Montréal, réunissant des figures intellectuelles et politiques. La dimension religieuse s’efface au profit d’une vision civique.
Ce glissement donne naissance à un rendez-vous où la langue française, la culture et la survivance occupent une place centrale. Même si les rébellions de 1837-1838 ralentissent son élan, la Saint-Jean reviendra en force, avec des défilés fastueux, des discours patriotiques et des chants à la gloire du Canada français.
Une fête politique… puis populaire
Longtemps teintée de religiosité et de conservatisme, la Saint-Jean-Baptiste prend un nouveau virage dans les années 1960. La Révolution tranquille bouscule le Québec, et la fête devient le lieu d’une affirmation identitaire laïque, progressiste et même indépendantiste. Elle est parfois le théâtre de tensions : en 1968, une manifestation tourne au chaos à Montréal lors du passage du général de Gaulle.

En 1977, le gouvernement de René Lévesque officialise la Saint-Jean-Baptiste comme fête nationale du Québec. Le geste est hautement symbolique : il consacre une identité distincte au sein du Canada. « C’est une fête qui appartient à tout le monde, croyants ou non, souverainistes ou fédéralistes », explique la sociologue Diane Lamoureux.

Musique, foule et drapeaux bleus
Aujourd’hui, la Saint-Jean-Baptiste est devenue un immense rassemblement populaire. Chaque 24 juin, des centaines de milliers de personnes assistent à des concerts gratuits, comme ceux organisés sur les Plaines d’Abraham à Québec ou au parc Maisonneuve à Montréal. Des artistes comme Loco Locass, Ariane Moffatt ou Louis-Jean Cormier y célèbrent la vitalité de la chanson francophone.
Partout dans la province, des activités ont lieu : défilés, feux de joie, discours officiels, animations pour les enfants. Si l’aspect politique de la fête est désormais plus feutré, elle reste un moment de communion autour de la langue et de la culture québécoise. « On y retrouve un sentiment d’appartenance, même pour ceux qui n’ont pas grandi ici », observe le sociologue Gérard Bouchard.
Un site officiel pour ne rien manquer
Pour organiser sa Saint-Jean ou repérer les événements les plus proches, un site officiel est mis à disposition par le gouvernement du Québec : fetenationale.gouv.qc.ca. Ce portail recense l’ensemble des festivités prévues à travers la province, des spectacles phares aux activités de quartier. On peut y filtrer les événements par région et trouver des idées pour célébrer en famille ou entre amis.
Mis à jour chaque année, le site permet également de suivre les annonces officielles, de consulter les biographies des artistes en vedette et de découvrir des ressources pédagogiques sur l’histoire de la fête. « C’est devenu notre plateforme de référence, aussi bien pour les organisateurs que pour le grand public », indique un membre du comité national des célébrations.
Et demain, quelle Saint-Jean ?
Alors que le Québec devient de plus en plus pluriel, la Saint-Jean-Baptiste est-elle toujours le miroir de sa population ? Comment maintenir la tradition sans exclure, et célébrer une langue sans la figer ? La fête nationale, joyeuse et bruyante, continue d’unir — mais aussi d’interroger.