Né en Alsace, arrivé au Québec à seulement 17 ans, devenu avocat à 21 ans avant de s’engager en politique, Thibault Froehlich mêle parcours précoce, rigueur juridique et sens aigu des droits. Aujourd’hui conseiller des Français de Montréal, il défend une vision exigeante de l’égalité et alerte sur la faiblesse démocratique d’une fonction encore trop méconnue. Rencontre avec un élu déterminé à renforcer la voix des expatriés au moment où la communauté française du Québec traverse une mobilisation inédite.


« Si on donne plus de pouvoir aux conseillers français de l’étranger, il y aura plus de participation. Les gens sont pragmatiques. »
Avant de devenir conseiller des Français de l’étranger, Thibault Froehlich a suivi une trajectoire rare par sa précocité. Né en Alsace, il quitte la France à 17 ans, le bac en poche, pour s’installer au Québec, où il poursuit des études de droit à l’Université de Montréal. À 21 ans, il devient avocat — l’un des plus jeunes de sa cohorte — et s’initie très tôt aux rouages institutionnels et aux questions d’égalité et de justice.
Cette formation, explique-t-il, structure encore aujourd’hui sa vision du mandat consulaire : « Chacune et chacun est libre et égal en droits, peu importe la religion, l’orientation sexuelle ou la manière de s’habiller. C’est ça, être républicain. »
Installé à Montréal depuis ses premières années au Québec, Thibault partage aujourd’hui son temps entre son mandat consulaire et son travail d’avocat dans un cabinet du Vieux-Port, l’un des quartiers juridiques les plus actifs de la ville. Ce double ancrage — institutionnel et professionnel — lui offre un accès direct aux réalités administratives, aux enjeux migratoires et aux difficultés concrètes rencontrées par les Français installés au Québec.
Très présent dans le tissu associatif, il accompagne ou soutient discrètement de nombreuses initiatives locales. Que ce soit auprès d’organisations de défense des droits, de collectifs citoyens ou d’associations culturelles, il revendique un engagement constant : donner de la visibilité aux causes portées par les expatriés, soutenir leurs démarches et renforcer leur voix dans l’espace public montréalais. Pour lui, l’action associative complète le mandat consulaire : elle le relie aux trajectoires, aux vulnérabilités et aux dynamiques réelles de la communauté.

Un mandat utile, mais privé de ses leviers
Pour Thibault Froehlich, le constat est clair : le rôle de conseiller souffre d’un déficit de pouvoir qui décourage les électeurs. « La règle démocratique, c’est que ceux qui votent décident. Mais la légitimité démocratique reste faible à cause de la participation », reconnaît-il.
Il voit dans cette abstention non pas un désintérêt, mais un désenchantement : « Les gens connaissent ce poste. Ce qu’ils questionnent, c’est à quoi ça sert de voter pour un rôle consultatif dont les décisions peuvent être rejetées. »
Pour lui, la solution est institutionnelle : « Si on donne plus de pouvoir aux conseillers français de l’étranger, il y aura plus de participation. Les gens sont pragmatiques. » Le message est clair : sans réforme, pas de renouveau démocratique.

Une gauche plurielle au service du terrain
Élu en 2022 sur une liste de rassemblement, Froehlich incarne une gauche écologiste et sociale où cohabitent La France Insoumise, Génération.s, Europe Écologie et des figures locales. « Nous sommes trois conseillers, plus deux délégués », explique-t-il, rappelant que ces derniers participent notamment à l’élection des sénateurs.
Son action quotidienne est loin des joutes publiques : « Une partie importante de notre travail, c’est d’être contacté par des gens qui ont des situations qui ne peuvent pas être résolues autrement. » Il insiste sur une approche pragmatique et humaniste, nourrie par son métier d’avocat : écouter, démêler, accompagner.
Le rôle des associations : un rempart essentiel
Pour Thibault Froehlich, les associations et collectifs citoyens constituent un rouage indispensable de la vie démocratique des expatriés. Elles pallient souvent des mécanismes institutionnels trop lents ou trop éloignés du terrain. « Il y a ici un vrai besoin. Les associations de défense des droits existent, mais on n’est pas au niveau de la France ou de l’Europe. Ces collectifs sont essentiels », souligne-t-il.
Il cite en particulier Le Québec, c’est nous aussi, né en 2019 lors de la première grande mobilisation contre la réforme du PEQ. Le collectif, redevenu central depuis l’annonce de la suppression du programme, rassemble aujourd’hui étudiants, travailleurs, familles et jeunes diplômés inquiets pour leur avenir.
« Ces mouvements jouent un rôle crucial : ils informent, mobilisent et créent du rapport de force. Sans eux, beaucoup de situations resteraient invisibles. »
Pour Thibault, cette énergie citoyenne complète le rôle institutionnel : elle fait remonter les réalités du terrain et contraint les décideurs à entendre ceux qui, autrement, resteraient sans voix.
Un regard lucide sur l’actualité brûlante : l’affaire du PEQ
Pour le conseiller des Français à Montréal, la suppression brutale du PEQ est un choc. « Le ministre Roberge est dans une logique politique de confrontation, complètement insensible à la réalité des gens », déplore-t-il.
Il se souvient de 2019 : « Ils ont complètement retiré la réforme. Les lettres écrites par des étudiants et travailleurs avaient tout déclenché. » Aujourd’hui encore, il voit le même réflexe citoyen se structurer — preuve, selon lui, de la maturité politique des expatriés.
Un élu discret, mais ancré dans le réel
Son parcours d’avocat, son engagement précoce et son rapport direct à la communauté structurent une approche loin des postures. « Je ne prétends pas parler au nom du monde. Je fais mon travail », glisse-t-il simplement.
Il s’attache surtout à documenter, expliquer et rendre visibles les situations vécues, convaincu que la transparence nourrit la démocratie. Il voit également dans les médias français à Montréal — LePetitJournal.com, notamment — un outil essentiel pour renforcer le lien entre institutions, élus et citoyens.
Vers un réveil démocratique ?
Thibault Froehlich alerte : la démocratie française hors de France est fragile. Le rôle des conseillers, aujourd’hui limité, doit évoluer pour répondre aux besoins réels des Français de l’étranger. Donner plus de prérogatives ? Clarifier les processus ? Soutenir les associations qui forment le premier rempart ? Autant de chantiers qu’il appelle à ouvrir. Reste à savoir si Paris — et les électeurs — saisiront l’opportunité de transformer une fonction encore discrète en véritable levier citoyen.
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