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Patriotes ou Reine : un jour férié, deux mémoires

Le lundi précédant le 25 mai est un jour férié reconnu dans tout le Canada. Pourtant, ce n’est pas la même histoire qu’on célèbre. Tandis que les provinces anglophones rendent hommage à la couronne britannique à travers la Fête de la Reine, le Québec a tourné la page en 2003 pour consacrer cette journée à la mémoire des Patriotes de 1837-1838. Une réappropriation symbolique et politique d’un calendrier commun, au nom d’une histoire distincte.

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La reine Victoria et le drapeau des Patriotes - Illustration Wikipedia et LPJ
Écrit par Lepetitjournal Montréal
Publié le 18 mai 2025, mis à jour le 20 mai 2025

 

 

Un même congé, deux récits nationaux

Depuis les années 1920, le lundi précédant le 25 mai est un congé légal au Canada. Partout, sauf au Québec, ce jour-là est dédié à la Reine Victoria – ou plus récemment, au monarque régnant. On y célèbre la continuité monarchique et les liens avec la couronne. Au Québec, la rupture est nette : en 2002, le gouvernement remplace officiellement la Fête de Dollard, alors en perte de légitimité, par la Journée nationale des Patriotes. « Ce changement n’est pas anodin : c’est un geste de mémoire, mais aussi un choix politique », explique un historien du Mouvement national des Québécoises et Québécois (MNQ).

 

 

Des héros réhabilités contre une figure déchue

Avant les Patriotes, le Québec marquait ce jour férié par la Fête de Dollard, en mémoire d’Adam Dollard des Ormeaux, héros controversé de la Nouvelle-France. Or, à partir des années 1980, plusieurs historiens questionnent la véracité et l’instrumentalisation de son récit.

En parallèle, des mouvements citoyens réclament que ce jour célèbre plutôt la lutte des Patriotes de 1837-1838, menée pour un gouvernement responsable, la liberté politique et la reconnaissance du peuple canadien-français.

En 2003, ces revendications prennent forme : le Québec se donne une fête nationale alternative. « Ce n’est pas juste une substitution de personnages, mais une transformation du sens même de la commémoration », résume un politologue.

 

 

Une mémoire qui fédère, une histoire qui rassemble

Dès sa première édition, la Journée des Patriotes adopte une dimension populaire : marches, expositions, spectacles, conférences. Le drapeau tricolore des Patriotes (vert, blanc, rouge) devient un emblème récurrent. « C’est une journée pour se souvenir que nos droits n’ont pas été donnés, ils ont été arrachés », affirme un participant lors d’un rassemblement à Saint-Denis-sur-Richelieu. Plus qu’une fête, c’est une leçon d’histoire collective. En choisissant de célébrer ses insurgés plutôt qu’une souveraine, le Québec renforce sa différence et donne une couleur politique à un jour partagé.

 

 

Une mémoire partagée, des visions opposées

Ce lundi férié du mois de mai, commun à toutes les provinces canadiennes, est l’un des rares moments où le pays se met collectivement sur pause. Pourtant, il révèle une fracture symbolique : pendant que le Canada anglais rend hommage à la monarchie à travers la Fête de la Reine, le Québec se tourne vers ses insurgés et leurs idéaux inachevés. Ce contraste souligne à quel point l’histoire nationale n’est pas une, mais plurielle.

En choisissant de commémorer les Patriotes plutôt qu’un pouvoir impérial, le Québec affirme une identité politique distincte et revendique un héritage démocratique forgé dans la résistance. La Journée nationale des Patriotes ne se limite donc pas à un devoir de mémoire : elle est aussi un appel à la vigilance citoyenne, à la transmission, à la réappropriation de l’histoire.

Reste cette question, ouverte et fondatrice : aujourd'hui, que signifie être patriote dans un Québec pluraliste, démocratique et toujours en quête de sens collectif ?

 

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