La technologie WAGABOX®, développée par l’entreprise française Waga Energy, transforme le biogaz issu des déchets en gaz naturel renouvelable injectable dans les réseaux. Un procédé breveté et unique, qui séduit de plus en plus d’acteurs publics et privés. Sa déclinaison canadienne, lancée en 2021, s’impose aujourd’hui comme un modèle de développement rapide, durable… et local. Rencontre avec Julie Flynn qui dirige la filiale canadienne récipiendaire du prix PME décerné par la CCI française au Canada lors de son dernier Gala.


Après quinze ans chez Air Liquide en France, Julie Flynn, ingénieure chimiste, décide de revenir chez elle, au Québec. Séduite par l’approche pragmatique de Waga Energy, elle y prend la tête de la filiale canadienne de Waga Energy qu’elle installe à Shawinigan.
« On était trois à nos débuts. Aujourd’hui, nous sommes 35, avec des projets concrets au Québec et en Colombie-Britannique », explique-t-elle. La croissance de l’équipe s’est accompagnée d’un ancrage local solide, avec la création d’emplois pérennes dans les domaines de l’ingénierie, de l’exploitation, des services juridiques et administratifs.

Un modèle d’affaires clé en main
Le modèle proposé aux MRC est simple et attractif : Waga Energy finance elle-même la construction des unités WAGABOX®, dans le cadre de contrats à long terme pour la fourniture de gaz brut, et se rémunère sur la vente du gaz naturel renouvelable. Les municipalités n’ont aucun investissement à fournir et reçoivent en retour une redevance annuelle.
« Le contrat type est sur 20 ans, mais la courbe de production de biogaz dépasse souvent cette durée, ce qui permet d’adapter les pourcentages de rémunération », précise Julie Flynn.
Pour les distributeurs privés, un autre modèle peut s’appliquer : Waga Energy reste propriétaire de l’unité, mais agit uniquement en prestataire de service pour l’épuration du gaz, que le client valorise lui-même.

Expansion et fabrication locale
Le succès canadien de Waga Energy repose aussi sur sa capacité industrielle. Le Québec n’est pas seulement un territoire d’implantation : il est devenu un centre de production pour toute l’Amérique du Nord. Seule la « boîte froide » — élément nécessaire à la distillation cryogénique — est fabriquée en France. « Nous avons développé un partenariat avec un fabricant local pour produire nos modules. C’est un volet très structurant pour notre présence ici », souligne Julie Flynn.
Des projets de plus en plus nombreux… et complexes
Avec une nouvelle unité annoncée pour la fin 2024 (mise en service prévue en 2026–2027) et d’autres en cours de développement, l’expansion se poursuit. Mais elle doit composer avec des réalités réglementaires très contrastées selon les provinces.
« Au Québec, les MRC sont structurées et engagées, mais il y a souvent un processus long avec appels d’offres et validations. Ailleurs, comme en Ontario ou en Alberta, les dynamiques sont très différentes », observe la directrice.
Une entreprise française aux ambitions globales
Fondée en 2015 par trois anciens d’Air Liquide, Waga Energy est aujourd’hui cotée à la bourse de Paris. Soutenue depuis le départ par Air Liquide, l'un de ses principaux actionnaires, Waga Energy étend progressivement son empreinte mondiale. Des projets sont à l’étude au Mexique, au Brésil ou encore en Colombie. Le modèle canadien, de plus en plus mature, pourrait bien inspirer ces futures implantations.

Chaque nouveau site entraîne la création d’au moins deux postes supplémentaires. Et la majorité des équipements est fabriquée au Québec, ce qui génère de nombreuses retombées économiques régionales. La portion liée à l’interconnexion est assumée par les opérateurs de réseau, comme Énergir.
Une trajectoire verte… mesurée
Avec ses quatre unités en activités, Waga Energy Canada a installé une capacité de 1 026 000 GJ/an, soit l’équivalent de 295 Gwh/an. L’entreprise suit de près son empreinte carbone — scopes 1, 2 et 3 — et a mis en place un plan d’action pour la réduire.
Les 3 Scopes du bilan carbone
Scope 1 → Émissions directes (usines, véhicules).
Scope 2 → Émissions indirectes liées à l’énergie (électricité, chauffage).
Scope 3 → Émissions indirectes élargies (fournisseurs, transport, usage des produits, déplacements…).
« Nous avons réalisé notre bilan carbone autant organisationnel que sur nos unités afin de suivre notre consommation d’énergie et notre production de biométhane », explique Julie Flynn. « Nous encourageons la mobilité alternative malgré notre positionnement en région, car tous les gestes comptent. »
Vers une structuration du secteur
Le marché canadien est encore en phase de structuration. Moins dynamique que ses équivalents européens ou américains — où les prix de l’énergie sont plus élevés —, il bénéficie toutefois d’un environnement en mutation.
« Nous sentons une volonté de produire localement et l’écosystème est en train de se développer »
Pour accélérer la cadence, Julie Flynn plaide pour une prévisibilité accrue : « Une prévisibilité à plus long terme et un plan stratégique provincial et fédéral homogène, partageant la même écofiscalité, permettraient de dynamiser le secteur. Les décisions d’investissement en seraient accélérées. Le maintien de la tarification carbone est également nécessaire. »
Elle insiste aussi sur la nécessité de définir des critères clairs pour prioriser les projets : « Il faut s’assurer que les choix sont faits selon des critères bien définis comme le taux de retour énergétique (TRE), l’intensité carbone, l’impact économique, environnemental et social. »
Entre potentiel prouvé et reconnaissance attendue
Alors que le biométhane reste encore marginal dans le mix énergétique canadien, Waga Energy démontre qu’une technologie éprouvée et un ancrage local peuvent faire émerger une filière porteuse. Reste à savoir si les pouvoirs publics et les acteurs industriels auront l’audace de miser pleinement sur cette énergie renouvelable… produite à partir de nos déchets.
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