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Roland Lescure : Les gens sont fiers de l’image retrouvée de la France

Roland Lescure, député Français de l'étranger, Amérique du Nord, Président Commission Affaires économiquesRoland Lescure, député Français de l'étranger, Amérique du Nord, Président Commission Affaires économiques
Écrit par Marie-Pierre Parlange
Publié le 22 novembre 2017, mis à jour le 18 juin 2019

Roland Lescure, député de la 1ere circonscription des Français de l’étranger et Président de la Commission des Affaires économiques, s’est engagé avec enthousiasme aux côtés d’Emmanuel Macron. Ses objectifs sur cette législature ? Contribuer à la réconciliation de la France avec ses entreprises, et repenser chaque décision, chaque modèle, pour qu’ils s’inscrivent dans une démarche globale et cohérente. Une nouvelle façon de penser la politique, qui s’inscrit dans le temps long.

 

Lepetitjournal.com : Vous avez choisi d’opérer un changement de vie radical en quittant le poste de numéro 2 de la Caisse des dépôts et placements du Québec pour vous engager auprès d’Emmanuel Macron. Quel est votre sentiment après ces premiers mois à l’Assemblée nationale ?

Roland Lescure : En quelques semaines, je suis devenu un député de ma circonscription d’Amérique du nord, un député de la nation, et également Président de la Commission des Affaires économiques. J’ai dû m’adapter personnellement et professionnellement, c’est un changement de vie, de métier, d’environnement. On n’a pas eu de période d’essai. A peine élus, on était à l’assemblée pour travailler sur les projets de loi très concrets et assez ambitieux qui ont été votés tout l’été. Ces premiers mois ont été une véritable révolution personnelle en matière de mode de vie et de travail au quotidien. La France a décidé de faire un bond en avant impressionnant en faisant confiance à un homme, à une démarche et un programme assez inédits. Je suis très heureux de participer à tout ça.

Vous aviez l’habitude de peser sur les décisions de votre entreprise, pensez-vous pouvoir avoir un véritable impact aujourd’hui dans la grande machine étatique ?

J’espère bien ! Les processus de décision sont très différents de ceux que l’on a en entreprise mais c’est heureux. On écrit la loi et celle-ci a des conséquences concrètes pour des millions de personnes. C’est quand même assez rassurant qu’on s’y prenne à plusieurs fois avant de la voter. En politique, on peut faire deux types de choses : avoir du pouvoir et avoir de l’influence. Le pouvoir, c’est ce que vous confère votre responsabilité légale : comme député, vous êtes une des voix qui l’amendent, qui la votent ou non. On acquiert de l’influence petit à petit avec la connaissance, le travail, le réseau… Il faut s’appuyer sur ces deux jambes pour faire une différence. Avant, j’étais un grand poisson dans une petite mare ; dans la mare gouvernementale, bien plus grande, je ne suis qu’un des poissons qui nagent.

Allez-vous réussir à faire de la politique autrement ?

Je pense qu’on a déjà commencé. Avec les autres députés des Français de l’étranger, nous nous réunissons dans mon bureau toutes les deux semaines. On essaye d’avoir une démarche collective pour faire avancer nos dossiers. On ne fait pas nécessairement beaucoup de publicité autour de ça, on préfère travailler avant de communiquer. Du côté de la Commission économique, mon job est par nature transpartisan. Il y a un style différent, notre volonté est d’être plus décentralisés, plus en ligne avec le terrain ; avec la participation citoyenne, on cherche à renouveler les pratiques politiques. La grosse nouveauté, je le vois tous les jours, c’est qu’on a plus de femmes au parlement, plus de diversité socio-culturelle que dans le passé. Cela change la manière dont on interagit, dont on s’exprime. Il n’y a qu’à voir la gestion du temps de parole : on donne deux minutes aux députés pour poser leurs questions. Une femme pose sa question parfois en 45 secondes. Un homme va systématiquement prendre 2 minutes 15 !

Au sujet des Français de l’étranger, comprenez-vous leurs inquiétudes après la réduction des budgets les concernant ?

Soyons clair, les restrictions budgétaires de 2017 concernent tout le monde. L’objectif du président Macron était de restaurer la crédibilité européenne des engagements budgétaires français, sortir la France de la procédure des déficits publics excessifs dans laquelle elle est depuis près de 10 ans, et ce, sans augmenter les prélèvements obligatoires. On a fait un choix courageux, de manière assez raisonnable. Les coupes annoncées dans le cadre des budgets des Français de l’étranger concernent essentiellement des crédits qui avaient été gelés ou des excédents de trésorerie qui existaient. Le ministère des Affaires étrangères en a profité pour sanctuariser les budgets de 2018.
Cela dit, on a quand même envoyé quelques messages positifs aux Français de l’étranger depuis quelques mois. Certains s’étaient émus du fait qu’il n’y ait pas de secrétaire d’Etat pour les Français de l’étranger. Les députés ont été écoutés par le ministre, Jean-Yves Le Drian, qui a précisé dans l’Hémicycle que Jean-Baptiste Lemoyne est en charge d’incarner ce sujet. Pour la première fois, le président de la République est venu à l’Assemblée des Français de l’étranger, où il a fait un discours très apprécié. Il a fait un certain nombre d’annonces très attendues, affirmant avec force que tous les grands sujets concernant les Français de l’étranger étaient à l’ordre du jour. (voir notre article)

Je me fais interpeller plusieurs fois par jour sur la CSG. La ministre des Affaires sociales, Agnès Buzyn, a annoncé qu’on aurait une mission parlementaire sur le sujet de la protection sociale et de la fiscalité pour affiner la feuille de route (voir notre article). Il faut tout remettre à plat. La politique, c’est souvent de la communication or le temps gouvernemental est plus long. On travaille de façon rigoureuse pour avoir des résultats pérennes.

Sur le sujet de l’école, les parents et les personnels s’inquiètent, l’impact budgétaire est tout de même très concret !

C’est vrai qu’il y a des inquiétudes. Deux députés des Français de l’étranger, Samantha Cazebonne et Frédéric Petit, travaillent sur ce sujet. On doit repenser la manière dont on intervient de manière à soutenir l’ensemble des offres de français et cela se fera sur durée de la législature. Les défis sont nombreux. Il faut réfléchir à l’ensemble des solutions pour s’assurer qu’on aura une distribution raisonnable des couts et des bénéfices. On a la chance d’avoir une image de la France qui s’améliore, une volonté de développer l’enseignement bilingue, et, je le vois en Amérique du nord, un retour du gout pour le français qui peut nous aider à développer ce modèle. Il faut remettre à plat l’ensemble de ce que j’appelle « les modèles d’affaires » de l’administration, y compris à l’étranger et arrêter de gérer avec le rabot. Cela se fera avec l’administration consulaire, pour que les Français de l’étranger y gagnent.
Il ne s’agit pas juste de redistribution de budgets, on réfléchit à un nouveau processus. Il faut être plus stratégique, il faut changer les habitudes. Cela fait beaucoup de chantiers.

Comment associer les Français de l’étranger à cela ?

L’idée, c’est d’accompagner le gouvernement et l’agenda législatif en allant chercher la valeur là où elle est, avec la perspective un peu différente des Français de l’étranger. On a lancé notre première consultation formelle en ligne sur la Loi Entreprise. L’objectif est de continuer à réconcilier la France avec ses entreprises. On cherche toutes les mesures qui permettent aux entreprises de naitre, de croitre, de s’exporter, de se transmettre. Qui de mieux que les Français vivant en Amérique du Nord pour relayer les bonnes et mauvaises pratiques ? Ce qu’on veut c’est voir ce qui fonctionne. L’Assemblée est très franco-française. Il faut s’ouvrir sur l’international.

Je ressens que les gens sont fiers de ce qui se passe en France, de l’image retrouvée de la France, du fait qu’on ait réussi à faire passer des réformes sans trop de heurts. Ils nous soutiennent avec une certaine bienveillance.



Sur le commerce extérieur, comment gagner en efficacité dans les dispositifs français d’aide ?

Il faudrait que le succès de notre dispositif dépende moins des hommes. Si vous réformez juste les conseillers du commerce extérieur et les CCI, vous ne rendrez pas l’économie française exportatrice. Il faut à chaque fois regarder si cela s’inscrit bien dans l’ensemble de la stratégie. La stratégie de baisse du cout du travail en France doit avoir un impact à l’export car on a un enjeu de compétitivité de l’économie française. Il faut aussi travailler sur la compétitivité hors prix : l’innovation, l’image de marque… On voit bien le succès de la French Tech qui a repositionné la technologie française comme une technologie performante. On a réussi avec un label, une stratégie et des manifestations concrètes sur le terrain à redorer le blason.

Gardez-vous le contact avec votre circonscription ?

J’essaye de maximiser mon temps en circonscription. Mon objectif était d’être sur place la moitié du temps mais je ne m’attendais pas à être président de la Commission des Affaires économiques. Donc, c’est plutôt deux tiers un tiers. J’essaye d’avoir un impact qualitatif plus important. Il faut le dire, mon influence en tant que Président de commission est un peu plus importante. J’en profite toujours pour parler des sujets qui touchent les Français de l’étranger. A chaque fois que je me déplace, j’organise des réunions publiques, je rencontre les entrepreneurs, le personnel éducatif, les autorités consulaires, les autorités locales… A Washington j’en ai profité pour aller voir l’administration fiscale américaine, pour leur parler des vrais sujets concrets auxquels font face les Français de l’étranger liés aux FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act), la double taxation etc.

L’idée, c’est de continuer à rencontrer un maximum de gens à la fois pour rendre compte de mon mandat, leur demander de m’aider à transformer la France et avoir leur feedback. Certains sont mécontents car ils s’intéressent à un sujet qui n’a pas été traité comme la CSG. D’autres sont impatients. Mais globalement je ressens que les gens sont fiers de ce qui se passe en France, de l’image retrouvée de la France, du fait qu’on ait réussi à faire passer des réformes sans trop de heurts. Ils nous soutiennent avec une certaine bienveillance.

Cette nouvelle façon de faire de la politique va-t-elle ramener nos compatriotes de l’étranger vers la politique ?

Nous sommes le seul pays à avoir des députés élus au suffrage universel direct à l’étranger. La participation était faible car c’était compliqué de voter entre les files d’attentes, et la distance avec les bureaux de vote. Il faut convaincre qu’on apporte une voix différente au parlement. Je suis très enthousiasmé par ce mandat, à nous de le faire vivre.

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