Quand on ouvre « La Dèche », (La Mèche, 2025) on ne sait pas trop où on va atterrir. On écoute un narrateur vif, drôle et parfois un peu perdu, mais toujours attachant. C’est un roman qui parle de la vie comme elle est, avec ses hauts, ses bas, ses rêves et ses errances.


Si on aime l’humour, l’aventure et le voyage, La Dèche (La Mèche, 2025) d’Akim Gagnon est un livre qu’on a du mal à lâcher. Et quand on le referme, c’est souvent pour y revenir. Ce roman ne se lit pas, il se vit. On l’ouvre, soudain on part. On tourne, on déambule, on flâne partout. Ce n’est pas un livre immobile, ni mystérieux, c’est un livre qui bouge, qui nous emmène toujours quelque part. Que ce soit face à nous-mêmes ou face au monde. Il y a des livres qu’on sent fixes, installés dans un lieu, un ton, une idée. La Dèche, lui, bouge tout le temps. Il avance, il dévie, il repart. C’est important. On ne lit pas seulement une histoire, on suit un mouvement. Ça nous garde éveillés. Ça casse l’attente.
« Certains livres ne cherchent pas à nous bercer, mais à nous porter en mouvement. Ils déjouent la routine du lecteur, ouvrent des fissures dans notre regard sur le monde et nous rappellent que lire, c’est avant tout cheminer. La Dèche est de ceux-là. »
Tout est réel : le voyage du narrateur, ses sentiments, ses aventures, parfois drôles, souvent périlleuses. Il y a l’amour, le voyage, le corps, la vie, les rapports de classe. Mais surtout: la fuite. Fuir quoi ? L’autre ? L’ennui ? Soi-même ? Peut-être un peu de tout ça.
Dès notre embarquement, le narrateur nous offre son corps. Il nous en parle sans tabou. Pourquoi regarde-t-on notre propre corps ? Qu’est-ce qu’on y cherche ? Qu’est-ce qu’on y fuit ? Il y a là une portée intimiste qui surprend. Tout au long du roman, le corps revient, en filigrane. Il a beaucoup de soucis. Il manque d’argent. À la caisse du Dollarama, Akim veut juste acheter des chandelles et des ballons pour l’anniversaire de sa nièce. Mais il découvre que Revenu Québec a saisi son compte bancaire. La vérité est là : il est à bout, il doit faire faillite. il doute même du nom : est-ce qu’il reste encore des choses à bas prix dans ce magasin ?
Il est souvent en manque. Mais jamais d’amour. Il aime. Et il est aimé. Sa copine est une figure principale dans le roman. Akim est un bon vivant. Un homme curieux, qui écoute, qui voit tout. Qui vit.
«Il y a des passages qu’on aurait envie de lire à voix haute, juste pour entendre comme c’est vivant, comme ça sonne juste».
Son rapport avec sa mère, ce beau-père et sa bande, son voyage à Toronto, sa vision de la littérature : tout cela donne vie à l’ouvrage. Pourquoi dit-on que l’homme est un loup pour l’homme ? C’est un livre qui se pose des questions. Il y a ni moraliste, ni juge. À nous de juger, ou pas. À nous de plaindre, ou de comprendre. « Ni rire, ni pleurer, mais comprendre », disait Spinoza. Comprendre la méchanceté, la vie, la violence, l’humain.
L’humour d’Akim
C’est un roman avec de l’humour, mais pas cynique. On rit de tout, et de rien. Il n’y a pas de pathos, pas vraiment de lourdeur. L’humour est imprégné dans la langue. Sans forcer. Il arrive au détour d’un mot, d’une scène de la vie quotidienne, d’une maladresse du narrateur. Et parfois, il arrive comme un soulagement, une échappée.
C’est un humour doux-amer, tendre, qui fait sourire même quand le monde est dur. Et ça, c’est rare. C’est une façon de résister à la noirceur. Une manière de continuer à marcher, même avec un caillou dans la chaussure.
Il y a un vrai travail dans la langue, un mélange de classicisme et de modernité, d’anglicismes bien placés, de formules populaires, de trouvailles sensibles. Akim Gagnon écrit pour que ça vive. Ce n’est pas une seule histoire, c’est une série de petites secousses, de hasards, de fragments qui tiennent ensemble. Émouvant, drôle et sensible. Un livre qu'on ne ferme pas comme ça.

Akim Gagnon, La Dèche, La Mèche, Québec, 2025, 288 p.
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