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Bangsokol à la Place des Arts: quand le Cambodge pleure en musique au Festival Champa

Créé par deux rescapés du génocide cambodgien, le compositeur Him Sophy et le réalisateur Rithy Panh, Bangsokol : un requiem pour le Cambodge est bien plus qu’un concert. C’est un deuil en partage, un hommage vibrant aux deux millions de vies fauchées par les Khmers rouges. Présenté pour la première fois au Canada dans le cadre du Festival Champa à Montréal, ce requiem contemporain mêle musique, chant funéraire, images et rites bouddhistes pour offrir un espace de mémoire et de guérison, entre larmes et lumière.

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Une œuvre portée par la douleur, offerte à la paix

Né des souvenirs les plus sombres d’une génération décimée, Bangsokol convoque la mémoire pour mieux panser les plaies du présent. À travers la voix du smot, chant sacré funéraire khmer, les instruments traditionnels dialoguent avec un orchestre occidental, sous la direction du chef new-yorkais Andrew Cyr.

« Je ne pouvais pas raconter tout cela avec des mots. Il me fallait la musique, ce langage que l’on entend avec le cœur », confie Him Sophy, dont la famille fut décimée par le régime de Pol Pot. Dans cette symphonie de la souffrance, la beauté affleure, pudique, bouleversante.

 

 

Le Festival Champa, un écrin pour l'âme cambodgienne

Si Bangsokol émeut tant, c’est aussi parce qu’il s’inscrit dans une démarche collective de transmission. Le Festival Champa, dédié aux mémoires vivantes et aux créations contemporaines venues du Cambodge, offre à cette œuvre son écrin le plus juste.

À Montréal, capitale d’exil pour nombre de familles cambodgiennes, ce requiem devient une offrande : un lien entre les générations, entre les vivants et les morts, entre les traditions ancestrales et l’expression artistique contemporaine.

« C’est une œuvre pour tous ceux qui n’ont jamais eu de funérailles. Et pour ceux qui restent, avec leurs silences, leurs souvenirs. Il fallait leur rendre cela », explique Rithy Panh, qui signe la mise en scène et les images projetées.

 

 

 

 

La mémoire incarnée : du rituel à la scène

Le mot "bangsokol" désigne le tissu blanc que l’on place sur le corps du défunt, au moment de l’ultime séparation. Dans cette œuvre, il devient symbole de recouvrement et de révélation. Sur scène, les gestes sont lents, les visages graves, les images poignantes : des rizières abandonnées, des portraits disparus, des temples profanés.

Mais l’ensemble, paradoxalement, n’éteint pas l’espoir. Bien au contraire. Le requiem élève, transcende, répare. « Ce n’est pas une fin, c’est un passage. L’art a cette force : il dit ce que les mots étouffent. Il nous rend notre humanité », murmure un spectateur à la sortie.

 

 

De Melbourne à Montréal : chronologie d’une œuvre-monde

Depuis sa création, Bangsokol a été présenté dans plusieurs grandes villes, chacune accueillant cette œuvre comme un acte de mémoire et de résilience :

  • Melbourne, Australie : Première mondiale en décembre 2017 lors du Melbourne Festival, marquant le début de la tournée internationale.
     
  • Boston, États-Unis : Représentations les 19 et 20 décembre 2017 au Emerson Paramount Center, offrant au public américain une immersion dans l'histoire cambodgienne.
     
  • New York, États-Unis : En décembre 2017, le Brooklyn Academy of Music a accueilli l'œuvre, soulignant son importance culturelle.
     
  • Paris, France : Première française en mai 2018, organisée par le Centre International de Recherches et d’Enseignement sur les Meurtres de Masse (CIREMM), renforçant le lien entre mémoire et art.
     
  • Phnom Penh, Cambodge : Retour émouvant au pays d'origine, où l'œuvre a été présentée devant un public profondément concerné.
     
  • Montréal, Canada : Le 24 mai 2025, Bangsokol fera sa première canadienne au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, dans le cadre du Festival Champa, célébrant la culture cambodgienne.
     

Chaque représentation de Bangsokol transcende les frontières, offrant un espace de réflexion sur les tragédies passées et la capacité de l'art à favoriser la guérison collective.

 

 

Montréal, terre d’accueil et de mémoire

Le 24 mai 2025, au Théâtre Maisonneuve, Bangsokol résonnera pour la première fois au Canada. Un moment rare, intime, historique. Le Festival Champa, en accueillant cette œuvre monumentale, affirme la place des arts cambodgiens dans le paysage culturel québécois, et plus largement francophone.
La communauté cambodgienne de Montréal y retrouvera un pan de son histoire ; les autres y entendront un chant universel, celui du deuil et de la résilience.

 

Le Festival Champa à Montréal

 

Le silence comme héritage

Alors que le Cambodge tente encore de dire l’indicible, Bangsokol s’invite comme un acte de résistance douce, une mémoire vivante qui bat au rythme du chagrin et de la beauté. Au-delà des rituels et des notes, que nous reste-t-il à transmettre de nos douleurs communes ? Et si l’art, finalement, était le seul langage capable d’embrasser l’oubli ?

 

Billet en vente ici (billetterie de la Place des Arts)

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