Édition internationale

Super Boat People : à Montréal, un collectif au cœur des mémoires d’Asie du Sud-Est

Co-fondé par Rémy Chhem et Marie-Ève Samson, Super Boat People mêle mémoire orale, pratiques culturelles, art engagé et solidarité communautaire. Né de longues années d'engagement dans des projets de recherche-action, le collectif agit aujourd’hui comme un trait d’union entre générations, cultures et récits diasporiques. Rencontre avec Rémy Chhem, à l’occasion de leur mobilisation pour le cinquantième anniversaire de la fin de la guerre du Vietnam et le début du génocide des khmers rouges au Cambodge et de la guerre civile au Laos.

 Marie-Ève Samson et Rémy Chhem  Marie-Ève Samson et Rémy Chhem
Marie-Ève Samson et Rémy Chhem, co-fondateurs de SuperBoat People - Photo Instagram
Écrit par Bertrand de Petigny
Publié le 7 mai 2025

 

Des racines profondes, une dynamique nouvelle

« À la base, on a commencé par un projet d'histoire orale mené par le professeur Steven High à l'Université Concordia, Histoires de vie Montréal, début 2010 », se souvient Rémy Chhem. Interviews, médiations publiques, rencontres intergénérationnelles : très vite, le besoin d’ancrer durablement ces mémoires se fait sentir.

Super Boat People naît de cette urgence. Officiellement créé après la pandémie, en 2023, le collectif s’impose comme un « laboratoire de réflexion et d’action », loin des carcans traditionnels. « Ce qu’on veut, c’est rassembler, décloisonner, transmettre », nous indique Rémy.


 

Atelier de cuisine
Un atelier de cuisine

 

 

Un collectif qui cultive le lien

Super Boat People refuse de se cantonner à une seule communauté. « On travaille autant avec les Cambodgiens, les Vietnamiens que les Laotiens. Ce sont des communautés dont les récits se croisent et qui ont toujours fait partie de mon quotidien, dès mon plus jeune âge », précise Rémy. L’idée : offrir des espaces communs d’expression et de création, tout en respectant les spécificités de chacun. À travers expositions, résidences d’artistes, événements culinaires et horticoles, et un festival de films du Mékong, le collectif façonne une mémoire vivante. « On veut dépasser la simple commémoration pour recréer des gestes, des savoirs, des émotions », dit-il. 



 



 

Mai, un mois d'initiatives foisonnantes

À l’occasion du Mois du patrimoine asiatique, Super Boat People déploie une série d’activités originales, dans le cadre de leur programmation marquant le 50e, Vents du passé, voies du présent. Le 18 mai, deux ateliers de cuisine communautaire inviteront le public à découvrir les plats emblématiques du Cambodge et du Laos. Plus tard, une série de rencontres rassembleront anciens agents d’immigration et membres de la diaspora pour des retrouvailles riches en émotions. « C’est notre façon d’honorer les trajectoires tout en semant de nouveaux dialogues », affirme Rémy.

 

 

Tous les rendez-vous du Collectif ici 

 

 

Une participation engagée au Festival Champa

Cette année, Super Boat People prend part au Festival Champa, organisé à la Place des Arts de Montréal. Pensé comme un espace de mémoire, de création et de transmission, le festival souhaite « montrer qu’on est capables de se relever, de rêver et de créer », résume son directeur Victor-Amarin Pann. À travers cette programmation plurielle, il s’agit aussi d’offrir aux jeunes générations un héritage vivant, porteur d’avenir.

 

Le collectif y contribue avec plusieurs propositions : la co-projection du film Don't Think I've Forgotten: Cambodia's Lost Rock and Roll au Cinéma Public le 22 mai ; une causerie avec l'historien Christopher Goscha sur l'histoire des guerres d'Indochine, le 24 mai ; ainsi que des visites guidées de leur exposition "Plus que des bons réfugiés! 50 ans de présence cambodgienne, laotienne et vietnamienne à Montréal" présentée au MEM – Centre des mémoires montréalaises. « C’est une occasion unique de croiser les trajectoires, d’ancrer les récits dans l’espace public et de favoriser les échanges intergénérationnels », souligne Rémy Chhem.

 

 

 

 

Une mémoire ancrée ici, connectée là-bas

Loin d’être tourné uniquement vers le passé, Super Boat People veut aussi retisser les liens avec les sociétés d’origine. Formé en architecture et en sciences sociales, et ayant renoué avec son pays d'origine en travaillant au Cambodge avec l’Autorité nationale APSARA au milieu des années 2010, Rémy Chhem incarne ce double ancrage. « On ne peut pas comprendre notre trajectoire ici sans s'intéresser à ce qui se passe là-bas », rappelle-t-il. Entre recherche, création artistique et engagement communautaire, le collectif explore sans relâche de nouvelles voies pour faire vivre les héritages. En cultivant la mémoire autrement, Super Boat People esquisse un futur où transmission, créativité et engagement se conjuguent au présent. Reste à voir jusqu'où cette énergie collective et fédératrice les mènera dans les années à venir.