Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

Le grand Paris des voitures électriques

voiture électrique Parisvoiture électrique Paris
Écrit par Justine Hugues
Publié le 2 novembre 2017, mis à jour le 3 novembre 2017

Connue pour son combat contre les véhicules à combustion fossile, Anne Hidalgo a récemment annoncé vouloir les voir disparaitre des rues de la capitale française à l’horizon 2030. Entre automobilistes fâchés, militants écolo sceptiques et industriels français qui semblent avoir déjà baissé les bras, le sujet fait débat. Voici quelques clés pour l’alimenter.

La maire de Paris se voudrait-elle plus écolo que Nicolas Hulot, le « roi » des écolos ? En annonçant la fin des véhicules essence et diesel à Paris d’ici à 2030, quand le gouvernement se donne une décennie de plus pour le faire sur le territoire national, Madame Hidalgo entend bien devancer les grandes villes de l’Hexagone. Pour montrer la faisabilité d’un tel projet, elle cite en exemple Tokyo, où seul 1% des véhicules circulent aujourd’hui au diesel, avec une amélioration significative de la qualité de l’air.

 

Il y a le feu à la Seine !

Au vu des controverses qui ont suivi la piétonisation des voies sur berges de la capitale, on se demande si Anne Hidalgo sait vraiment où elle met les pieds. Or, elle n’a pas le luxe de tergiverser car il y a « urgence ». Le conseil des 91 villes les plus importantes du monde (le « C40 »), réuni du 22 au 24 octobre pour la première édition du forum « Together4Climate », rappelle qu'un tiers des émissions de gaz à effet de serre provient des transports dans les villes et que la circulation routière est responsable d'un quart des particules fines. Urgence environnementale mais aussi sanitaire. Selon l’OMS, la pollution de l'air serait responsable de près de 4,5 millions de décès prématurés par an et constituerait l’une des causes principales de diverses maladies, dont l'asthme.

Mais pourquoi ne s’en prend-on pas aux autres fautifs en matière de pollution ? Interrogé par France Info, Christophe Najdovski, adjoint en charge des transports à la mairie de Paris précise qu’ « il ne s’agit pas de la voiture mais d’une question de transition énergétique en réalité. Notre stratégie vise à définir une ville neutre en carbone à moyen et long terme ». Stratégie qui ne fera cependant pas l’impasse sur une consultation des premiers concernés, les habitants de la capitale. « Notre plan climat sera soumis au printemps aux élus parisiens. J'ai aussi décidé de l'assortir d'une votation citoyenne et je pense que les Parisiens le soutiendront dans leur grande majorité », a expliqué Anne Hidalgo dans un entretien au journal Le Parisien.

 

Zéro émission, vraiment ?

Dans son rapport d’avril 2016, l’Agence de l’Environnement et de la Maitrise de l’Energie - l’ADEME - souligne que « sur l’ensemble de son cycle de vie, la consommation énergétique d’un véhicule électrique est globalement proche de celle d’un véhicule diesel ». En cause ici : un assemblage des batteries très énergivore. Pour Stéphane Lhomme, directeur de l’observatoire du nucléaire, « la fabrication des batteries d’une voiture électrique émet en CO2 l’équivalent de 50 000 à 100 000 km parcourus en voiture essence. Il faut 10 à 15 ans avant que la voiture électrique commence à devenir moins émettrice; or peu de gens gardent une voiture aussi longtemps ». En ce qui concerne les particules fines, les experts s’accordent à dire que près de la moitié de celles qui sont émises par une voiture proviennent des freins, de l’abrasement des pneus et du goudron. En cela, les voitures électriques seraient donc également nocives pour la santé.

Toujours selon l’ADEME, de par la nécessaire extraction de matériaux rares (cobalt, lithium, graphite) qui composent les batteries, le potentiel d’épuisement des ressources fossiles pour la fabrication d’un véhicule électrique est important. Entrent également en jeu des considérations sociales, si l’on considère les conditions critiquables d’extraction de ces métaux. On a peut être encore en tête certains documentaires sur le lithium bolivien, le graphite chinois ou encore la pétition d’Amnesty international « Apple, d’où vient le cobalt de nos téléphones ? » dénonçant les conditions extrêmement dangereuses dans lesquelles était extrait le cobalt par de jeunes adultes voire des enfants dans les mines de République Démocratique du Congo. Enfin, en l’état actuel des choses en France, les batteries des voitures électriques sont rechargées par une énergie qui est majoritairement nucléaire et donc productrice de déchets radioactifs. La transition vers moins d’énergie fossile, associée aux progrès dans la construction et le recyclage de batteries plus propres, devraient, néanmoins, contribuer à changer la donne.

 

Cheval de bataille politique VS priorités et calendrier des constructeurs

Pour Anne Hidalgo « si l'on accompagne les changements technologiques en cours par des aides financières pour les particuliers et les professionnels, comme nous le faisons à Paris, notre objectif de sortie du diesel et de l'essence est atteignable ». Il y a quelques mois déjà, Nicolas Hulot se voulait rassurant : « nos propres constructeurs ont dans leurs cartons de quoi alimenter et incarner cette promesse ». Bien que les autorités françaises aient instauré des taxes dissuasives sur les émissions de CO2 ainsi que des incitations financières pour favoriser les reconversions, nous avons déjà perdu les rennes d’un marché des batteries électriques qui se chiffre à plusieurs centaines de milliards de dollars.

Selon le conseiller en investissement Rajesh Varma, interrogé par France Inter, « les Chinois détiendront 90% de la production mondiale de batteries en 2020. Ce quasi-monopole permet à la Chine de faire la pluie et le beau temps auprès des constructeurs de voitures, qui sont obligés de s'y fournir et doivent se plier à ses exigences ». C’est pourtant un Français, Michel Armand, qui a inventé la batterie au lithium en 1980, avant de voir son brevet bradé à d’autres pays. On peut donc se demander si les engagements politiques de la maire de Paris et du Ministre de la transition écologique et solidaire seront assortis d’un réel soutien au développement d’un grand projet industriel français. Quand on sait que cette année encore, Autolib affichera à Paris des pertes de l’ordre de 100 millions d’euros et que les ventes de véhicules électriques en France peinent à dépasser 1% du marché pour 100,000 voitures immatriculées, on est en droit d’en douter…

Justine Hugues
Publié le 2 novembre 2017, mis à jour le 3 novembre 2017