

Dans une enquête du CSA en 2009 menée dans plusieurs pays européens, 80% des Italiens déclaraient avoir déjà parié ou joué à des jeux d'argent. L'Italie, un des premiers pays européens à avoir légalisé les jeux en ligne, serait-elle l'eldorado des joueurs du continent ?
Le jeu, une tradition en Italie
Dès l'apparition des jeux en ligne, au début des années 1990, l'Italie décide de les prohiber, suivant certains principes moraux. Mais, l'engouement des Italiens pour ces jeux d'argent, l'apparition de sites clandestins et le manque à gagner poussent l'Etat à légaliser la pratique en 2007. Depuis, ce secteur a pris son envol : en octobre 2010, les Italiens ont misé 125.4 millions d'euros sur les sites de paris. En moyenne, chaque Italien parie donc 3 euros par jour pour tenter sa chance.
Capture d'écran du site de jeux et paris en ligne Sisal.it
Cet engouement pour le jeu serait le fruit d'une tradition ancestrale. Certains rappellent que, déjà sous l'Antiquité, les romains pariaient sur les combats de gladiateurs. Bien plus tard, en 1638, ouvre à Venise, le premier casino appelé le "Ridotto". Durant le fascisme, Mussolini tente d'interdire ces activités, mais les Italiens migrent alors vers la France et la Suisse pour jouer. Il reconnait donc officiellement le Casino di San Remo en 1927 et autorise les paris sur les courses hippiques en 1942.
Une spécialité italienne, le Bingo

Depuis 1999, de nombreuses salles de jeu permettent de pratiquer ce loisir. En moyenne, un million de personnes se retrouvent pour jouer au Bingo. Les régions les plus friandes de cette activité sont le Latium et la Campanie.
Une heure passée dans une salle de Bingo vous permet d'analyser ce drôle de jeu. La moyenne d'âge des joueurs est comprise entre 60 et 70 ans, même si selon Biagio, le gardien d'une grande salle de bingo de Rome," Il n'est pas rare de voir des jeunes venus s'amuser entre amis". Le Bingo attire beaucoup de femmes, qui viennent souvent jouer à plusieurs, comme d'autres iraient prendre le thé. Autre curiosité, il est fréquent de croiser des familles, en particulier pour Noël. Le Bingo est donc devenu un lieu de vie, de socialisation. Biagio ajoute d'ailleurs : "Pour la mort du pape beaucoup de joueurs se sont retrouvés au Bingo, ils pleuraient tous ensemble tout en continuant à jouer".
Mais, au milieu de la salle, certains préfèrent vivre leur passion seuls. C'est le cas de Gianni qui préfère s'isoler pour jouer. L'homme, âgé de 60 ans et joueur invétéré estime que ses mouvements journaliers sont compris entre 100 et 200 euros. L'homme vient jouer tous les après-midi car : "Le Bingo est un jeu passionnant et beau. Jouer au Bingo c'est comme regarder une belle femme".
Addiction et autres maux
Les jeux d'argent restent malheureusement des activités dangereuses, Biagio nous le confirme : "J'ai déjà vu des grandes joies, mais aussi des personnes perdre tout". Certains joueurs sont drogués, " ils critiquent la salle et le propriétaire quand ils perdent mais ils reviennent toujours. Très souvent ils arrivent en souriant et repartent dépités".
En Italie, l'Etat ne fait pas de prévention sur les dangers des jeux d'argent. La dépendance n'est d'ailleurs pas reconnue comme une maladie et ce dernier semble même encourager à jouer. Les fortunes récoltées par la loterie nationale lui sont indispensables. Ainsi, Vittorio Carlomagno, le président de "L'associazione contribuenti italiani" déclarait en 2011, lors de la présentation de l'étude "Giochi e Usura: il triste primato italiano" : "L'Etat s'occupe plus de gagner de l'argent que de sensibiliser sur les thématiques de dépendance".
Autre problème préoccupant : le nombre de joueurs mineurs ne cesse de grimper. Ils sont 3.1 millions à jouer aujourd'hui. Le problème est d'autant plus inquiétant en Campanie, puisque 32% des parties de jeux d'argent sont jouées par des mineurs.
Cet engouement témoigne d'un mal être profond. Avec la crise, la fréquentation des salles de jeux augmente : les italiens recherchent de nouveaux moyens pour gagner l'argent que la vie ne leur offre pas. "L'associazione contribuenti italiani " demande donc des mesures concrètes et restrictives. Vittorio Carlomagno ajoutait : " Pour une relance de l'économie et pour accompagner la pays à sortir de la crise économique, les revenus des italiens devraient entrer en circulation sur le marché à travers des canaux légaux et productifs. Il ne faut pas que les pertes au jeu deviennent les premières entrées d'argent dans les caisses de l'Etat". Espérons donc que l'Etat ouvre les yeux et protège sa population et ses traditions.
Victoire Maurel (www.lepetitjournal.com/rome) jeudi 10 mai 2012



