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IMMIGRATION - Ius soli ou Ius sanguinis, quelle politique d'intégration pour l'Italie ?

Écrit par lepetitjournal.com Madrid
Publié le 16 septembre 2013, mis à jour le 17 septembre 2013

Derrière les propos racistes adressés à Cécile Kyenge, ministre de l'Intégration d'origine congolaise, se cache la contestation d'un projet de grande ampleur : rendre les règles d'obtention de la nationalité italienne moins rigides pour les immigrés. Droit du sol -"Ius soli"- ou droit du sang -"Ius sanguinis", l'Italie trouvera-t-elle le juste compromis ?

Une ministre de l'Intégration noire prise pour cible
"J'aime les animaux mais quand je la vois je ne peux pas m'empêcher de penser qu'elle ressemble à un orang-outan". Les commentaires racistes du Sénateur Roberto Calderoli (Lega Nord) prononcés en juillet dernier envers Cécile Kyenge (Pd), ministre de l'Intégration d'origine congolaise, ont fait le tour du monde. Des paroles qu'il ne sera pas facile de faire oublier et qui s'ajoutent à un geste tout aussi déplorable : le lancé de banane lors de la fête du Partito democratico (Pd) deux semaines plus tard.

Qu'est-il en train d'arriver à la Péninsule pour que la nomination d'une ministre noire déclenche un tel sentiment de haine ? "Je crois que le problème ne me concerne pas personnellement". Un point de vu que l'ancienne ophtalmologiste a tenu à partager, le lendemain de cette seconde humiliation, pendant la fête nationale du parti de gauche Sinistra ecologia e Libertà (Sel). Plus qu'une attaque individuelle, c'est le projet politique de Cécile Kyenge qui dérange : l'assouplissement des conditions de délivrance de la citoyenneté italienne -"citandinanza italiana"- aux immigrés.

Droit du sol -"ius soli"- ou Droit du sang -"ius sanguinis", la Botte a choisi son camp. La loi 91 du 5 février 1992 est claire : devient Italien qui naît de parents italiens. Pour les autres berceaux, ceux dont la bonne fée se nomme "ius soli", tout est plus compliqué. En effet, sans parents italiani, naître dans le pays de Garibaldi ne suffit pas pour en être citoyen. En plus des dix années de résidence obligatoires, tous les nouveaux nés devront attendre d'être majeur pour obtenir la nationalité tant désirée.

Pur sang italien
"Ça fait maintenant 3 ans que j'ai quitté mon pays, la Roumanie, pour travailler comme femme de ménage à Rome" raconte timidement Nunzia, serpillère à la main. Ce n'est pas tant son propre destin qui émeut cette mère de famille de 38 ans que celui de son fils né, l'année dernière, sur les flancs de la Péninsule. Comme pour se soulager d'un poids, Nunzia continue ses confidences : "S'il doit attendre d'avoir 18 ans pour avoir la nationalité italienne et les droits qui vont avec, il ne va pas avoir une enfance facile".

Une histoire qui rappelle celle du joueur de football de l'AC Milan, Mario Balotelli. Né à Palerme en 1990 de parents ghanéens, il devient officiellement citoyen de la terre qui l'a vu grandir à 18 ans. Lors de la cérémonie organisée en son honneur la même année (2008), il déclare avec orgueil : "Je suis Italien, je me sens Italien, je jouerai toujours pour l'équipe nationale italienne". Il devient ainsi l'emblème des fils d'immigrés appelés "génération Balotelli" ou "Seconda generazione".

Face à ces freins à l'intégration, les chiffres parlent d'eux-mêmes. En 2010, environ 810.000 immigrés sont devenus citoyens de l'Union Européenne. Un chiffre en constante augmentation depuis 2005 selon une étude réalisée par Eurostat en 2012. Sur le podium des pays les plus "accueillants" figurent le Royaume-Uni (195.000 individus), la France (143.000), et l'Espagne (124.000). A la 19ème place du classement, avec 1,1 de migrants ayant obtenu la citadinanza (nationalité) pour 1000 habitants, l'Italie est derrière.

Aux armes citoyens
L'intégration est toujours un sujet épineux auquel les pucerons d'extrême droite s'agrippent avec facilité. La Lega Nord, qui pendant des années a fait des discriminations Nord/Sud son cheval de Troie, monte déjà à l'assaut de "l'ius soli". En juin dernier, lors d'une interview au TG24, Roberto Maroni, secrétaire fédéral de la Lega Nord et président de la région Lombardie, a soutenu encore une fois l'idée d'une réforme qui a "tout faux". Une thèse comme toujours illustrée de barques pleines à craquer s'échappant d'Afrique du Nord pour s'échouer sur les rives de la Botte.

Pourtant les intentions de Cécile Kyenge sont loin d'être insensées. Ne pas exclure les enfants d'immigrés dès leur plus jeune âge, leur offrir les mêmes chances que leurs camarades italiens sans les stigmatiser comme "étrangers", autant de bonnes raisons l'ont poussé à proposer une loi en faveur du Droit du sol "atténuée". Tenace, le 2 septembre dernier, lors de la Mostra de Venise, la quadragénaire a présenté le film en concours intitulé 18 ius de Fred Kuwomu.

Le long métrage de ce ghanéen, né à Bologne, met en scène 18 jeunes qui comme lui se perdent dans les démarches administratives pour s'offrir la nationalité italienne. Un parcours du combattant qui n'aboutit pas toujours à l'objectif tant attendu par ces jeunes qui ne jurent que par l'Italie. Un pays qu'ils ont dans le sang depuis leur tendre enfance.

Sophie Lei (Lepetitjournal.com de Rome) - mardi 17 septembre 2013

Crédits photos :
- Cécile Kyenge (commons.wikimedia.org)
- Affiche I8 (www.fondazioneleonemoressa.org)
- Mario Balotelli (football.ua)

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Publié le 16 septembre 2013, mis à jour le 17 septembre 2013