Barcelone, Bilbao, Gavà, Las Palmas, Madrid, Murcie... Cette semaine, 6 établissements du réseau reviennent sur l'accueil des plus jeunes et les conditions d'intégration au système scolaire français, tant au niveau de l'apprentissage de la langue (ou des langues), que concernant la mise en place d'un projet éducatif. Lepetitjournal.com initie avec ce premier dossier transversal, une série thématique dédiée aux lycées français de la Péninsule et à leurs différentes réponses, concernant des problématiques communes
(Photos Lycée Français de Gavà - Bon Soleil)
A partir de quel âge accueillir les enfants ? Pour les établissements du réseau français en Espagne, la question se pose. Tous n'ont pas apporté la même réponse.
Mais d'abord : qu'est ce qui différencie l'accueil d'un enfant en bas âge dans un établissement scolaire français, à son intégration au sein d'une garderie espagnole ? Réponse claire et nette au Lycée Français de Madrid : "Le LFM est une école. Il n'a pas vocation à garder les enfants mais à les éduquer en leur faisant acquérir des compétences précises au fur et à mesure de leur évolution selon un programme établi par l'Education Nationale Française".
Alors, l'accueil à partir de 2 ans ou de 3 ans ?
Pierre Bouyssou, directeur de l'école primaire du Lycée français de Murcie pose les bases de la réflexion : "Notre école maternelle accueille les enfants dès l'âge de 2 ans. Cela suppose une connaissance réelle de ce qu'est un enfant de cet âge et de ce dont il a besoin quand il se sépare pour la première fois du milieu familial. L'école reçoit en effet un enfant attaché à sa mère qu'elle va séparer en imposant brusquement une distance entre deux êtres qui vivaient dans la proximité". Au Lycée Français de Madrid, où l'accueil ne se fait qu'à partir de 3 ans, on apporte un élément de réflexion supplémentaire : "Le système éducatif français est structuré autour d'un cycle de maternelle de 3 années (petite section, moyenne section et grande section) et plus rarement d'une 4e année qui se situe de 2 à 3 ans".
Des structures ad hoc
C'est un fait : pour accueillir les enfants si jeunes, issus d'univers hispanophones ou francophones, l'école doit mettre en place un accueil pédagogique, mais aussi des structures adaptées. Ainsi, Joëlle Emorine, directrice du Lycée Français de Barcelone explique : "Les conditions matérielles actuelles ne permettent pas d'accueillir dans de bonnes conditions des enfants en Très Petite Section (TPS). La classe des 2 ans demande une salle adaptée (structure de motricité, lieux de repos?) et un effectif réduit (idéalement 16 à 18 élèves)". Accueil à partir de 3 ans au LFB, donc.
Le Lycée français de Bilbao accueille les enfants de 2 ans (TPS) depuis septembre 2008. Sandrine Grasland, Directrice des Classes Primaires commente : "La salle de classe de TPS accueille 19 élèves. Elle est spacieuse, a des toilettes attenantes, un espace pour changer les enfants (douche, table à langer) et un jardin (espace de récréation exclusivement réservé aux tout-petits) auquel on accède par une porte-fenêtre de la classe".
Les aménagements ont également été pensés à Murcie : "Dans la classe, les enfants ont de la place pour circuler, pour aller d'un 'coin' à un autre, pour explorer, pour jouer réellement. Dans la salle de motricité, ils disposent de jouets que l'on pousse et que l'on tire, que l'on fait rouler au sol, de matériel qu'on empile, afin d'exercer leur motricité. Dans la cour vaste, partiellement aménagée d'éléments fixes, nous leur avons réservé de la place pour courir et jouer avec du gros matériel".
Un investissement pour l'avenir
Par manque de structures, ou pour des raisons d'effectifs, nombre d'établissements n'accueillent cependant les enfants qu'à partir de 3 ans, faisant généralement une exception pour les petits de 2 ans, dont l'anniversaire tombe entre la rentrée et la fin de l'année. Pourtant, pour les établissements français en Espagne, l'enjeu est de taille : on sait que plus on accueille un enfant tôt, au début de sa scolarité, plus on a de chance de le garder au sein du réseau tout le long de son cursus, jusqu'à la Terminale.
A Bilbao, Sandrine Grasland se félicite : "L'accueil des tout-petits a été un pari lancé par l'équipe de direction et un enseignant : de 11 élèves la première année, nous en sommes aujourd'hui à 25 élèves de 2 ans accueillis dans notre école maternelle. En pleine période d'inscription, nous pouvons présager d'une évolution croissante des effectifs et envisager 2 classes de TPS pour la prochaine rentrée".
Véronique Rosso, Directrice du Primaire à Las Palmas, ajoute : "Notre établissement se caractérise par un très fort taux de scolarisation d'élèves hispanophones et peu d'élèves francophones. Pour cette raison, l'accueil d'enfants jeunes nous semble être un atout et une condition favorable pour leur réussite scolaire dans un contexte bilingue, voire trilingue".
La question de l'apprentissage et de l'enseignement de la langue
On l'a vu, les établissements français accueillent certes les enfants de nos compatriotes, mais pas que. Les Espagnols, les nationalités dites "tierces", constituent aussi une part importante des élèves scolarisés. Dans ce contexte, dans quelle langue s'effectue l'accueil des petits ? Comment gérer la transmission du français, de l'espagnol, voire du catalan ? De quelle façon peut on promouvoir au mieux la compréhension de ces différentes langues de la part des enfants, leur acceptation en parallèle et finalement leur acquisition, permettant de former des élèves bilingues ?
"Notre politique des Langues cherche à former des élèves bilingues, depuis nos débuts", confirme Mariona Picq, Directrice des classes Primaires au Lycée Français de Gavà-Bon Soleil, en Catalogne. Et d'ajouter : "Avant 2005, les enfants non francophones étaient en immersion totale dès la rentrée (...) A 3 ans, l'enfant est maintenant accueilli dans sa langue maternelle. Il est rassuré, il est compris par les adultes qui l'entourent (...) Petit à petit, il rentrera en contact avec les autres langues, mais jamais en détriment de l'apprentissage de sa langue maternelle". Même idée pour Pierre Bouyssou, à Murcie : "Notre école maternelle, qui accueille des élèves en majorité espagnols, offre à ces derniers la toute première occasion d'une immersion dans un univers francophone. Celle-ci, si elle est totale et parfois brutale, peut compromettre la scolarité du jeune élève. En effet, privé de sa langue maternelle et des repères sécurisants de son environnement culturel, l'enfant, plongé dans un monde linguistiquement étranger, peut être fortement déstabilisé et se retrouver en situation d'échec".
Les doublettes franco-espagnoles
Nombreux établissements ont mis en place des dispositifs de passerelle entre le français et l'espagnol. Confirmation à Madrid : "L'enseignement se fait dès le début de la scolarisation en français mais il existe aussi, pour tous les enfants, un enseignement en espagnol. Un dispositif de concertation entre les enseignants de français et d'espagnol est en place afin d'accompagner au mieux les enfants. Le LFM s'appuie toujours sur la langue maternelle pour construire les apprentissages dans la langue seconde. Au final, les enfants sont très rapidement bilingues".
Afin d'apporter un enseignement dans les deux langues, le système de la doublette semble particulièrement apprécié. Ainsi au Lycée Renée Verneau de Grande Canarie, "l'enseignante d'espagnol intervient 3h par semaine (4 périodes de 45'), dont un moment de doublette ; les 2 enseignantes mènent une même activité dans leurs langues respectives". Même philosophie à Bilbao : "Deux adultes sont responsables à temps plein de la classe : l'enseignant et l'ATSEM. L'enseignant étant le référent de langue française et l'ATSEM de langue espagnole. Trois heures par semaine sont consacrées à l'espagnol, dont une heure de doublette".
A Barcelone se pose aussi la question du catalan. Au LFB, il a fallu s'adapter : "Dans toutes les classes, les temps de doublette ont été formalisés et augmentés. L'enfant a ainsi en face de lui 2 adultes référents chacun de sa propre langue (sur des temps déterminés). Ces temps de doublettes sont rendus notamment possible par l'emploi d'un professeur de langue (espagnol / catalan) supplémentaire en maternelle depuis la rentrée 2011. L'objectif est effectivement d'asseoir la langue maternelle".
Le dernier mot à Mariona Picq, Directrice du primaire à Gavà : "Pour un enfant non francophone, l'immersion en elle-même est insuffisante. La pédagogie doit aller plus loin. Il s'agit de travailler le langage de communication, le langage d'évocation, la comparaison des langues, les interférences. Le travail des enseignants de Maternelle est délicat et difficile : il s'agit d'accompagner chaque enfant à l'accès au bilinguisme, donc, de personnaliser".
Vincent GARNIER (www.lepetitjournal.com - Espagne) Lundi 16 avril 2012
Écrit par lepetitjournal.com Madrid
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 5 janvier 2018
Publié le 16 avril 2012, mis à jour le 5 janvier 2018
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