Trois Espagnols sur quatre estiment vivre dans un pays sûr. Et pourtant, le sentiment d’insécurité progresse chaque année. Cambriolages en hausse, occupations illégales, urgence climatique : les foyers s’équipent, les inquiétudes grandissent, et certaines régions résistent mieux que d’autres à cette montée diffuse de l’insécurité. Décryptage.


L’Espagne garde l’image d’un pays paisible. Et à première vue, cette réputation tient bon : selon le dernier Observatoire Securitas Direct sur la sécurité des foyers et des entreprises, 75,7 % des Espagnols se sentent en sécurité dans leur pays.
Mais à y regarder de plus près, le vernis se fissure. Plus de la moitié des sondés (56,3 %) estiment que l’Espagne est aujourd’hui moins sûre qu’il y a deux ans — soit 15 points de plus qu’en 2023. Un glissement progressif, mais révélateur.
Se protéger devient la norme en Espagne

Dans une société où l’incertitude s’invite jusque sur le pas de la porte, la sécurité s’impose comme une priorité partagée. Près d’un Espagnol sur deux la juge « très importante », un chiffre qui grimpe à 95,6 % chez les femmes lorsqu’on ajoute celles pour qui elle est simplement « importante ». Une prise de conscience qui ne reste pas lettre morte : elle se traduit en actes.
Plus de 85 % des foyers et des entreprises sont désormais dotés d’un dispositif de sécurité. Portes blindées (47,9 %), visiophones (32 %), barreaux aux fenêtres (25,4 %) : la maison se ferme, se surveille, se protège.
Et le numérique n’est pas en reste. Les serrures connectées s’installent peu à peu (8,6 %), pendant que les alarmes reliées à une centrale poursuivent leur percée dans le quotidien.
Les heures où il vaut mieux être vigilant : selon Securitas Direct, les intrusions dans les logements surviennent majoritairement en soirée, entre 18h et 23h, avec un pic le vendredi entre 20h et 21h. À l’inverse, la tranche 5h-8h du matin reste la plus calme. Dans les commerces, le risque existe de minuit à 4h du matin, avec une pointe le mercredi entre 2h et 3h. C’est pendant les heures de fermeture et d’absence de personnel que les attaques sont les plus fréquentes. Enfin, les jours fériés sont plus risqués que les jours ouvrables : le risque de cambriolage augmente de 16 %.
Où est-on le plus en sécurité en Espagne ?
Toutes les régions d’Espagne ne sont pas logées à la même enseigne. En croisant les données d’intrusions traitées par Securitas Direct et les chiffres du ministère de l’Intérieur, cinq communautés sortent du lot : Galice, Asturies, Canaries, Navarre et la communauté de Madrid. Moins d’intrusions par habitant, une criminalité en recul : ces territoires dessinent une autre carte de l’Espagne, où la vigilance ne rime pas toujours avec inquiétude.

Côté provinces, le trio de tête est formé par Teruel, Ciudad Real et Cáceres, suivies de Pontevedra et Las Palmas. Pontevedra, en particulier, incarne cette équation entre faible criminalité et fort sentiment de sécurité.
Dans cette province galicienne, 74 % des foyers sont équipés, notamment en visiophones (41 %) et portes blindées (38 %). Et 94 % des habitants considèrent la sécurité comme une priorité vitale.
Cambriolages, squats, incendies : cartographie des peurs espagnoles
Si les dispositifs se multiplient, c’est que derrière les verrous et les alarmes, il y a une angoisse : 94,7 % des Espagnols se disent préoccupés par la sécurité de leur domicile ou de leur entreprise.
Les cambriolages arrivent en tête, cités par plus de 70 % des sondés, suivis de près par les occupations illégales, qui poursuivent leur ascension (+8,6 points en un an).
Barcelone, 2e ville d'Europe avec le plus haut taux de cambriolage
Derrière ces menaces visibles, d’autres inquiétudes prennent forme : les urgences médicales à domicile (48,8 %), les incendies (41,3 %) ou encore les inondations (23,9 %). À peine 5,3 % des personnes interrogées déclarent ne ressentir aucune forme d’inquiétude.
Maisons, commerces, résidences secondaires : qui est le plus exposé ?
Les commerces sont les premières cibles des intrusions : près de quatre fois plus exposés que les logements, selon les données de Securitas Direct. Bars, pubs et restaurants figurent en tête, devant les bureaux et entrepôts.
Côté logements, ce sont les chalets et maisons mitoyennes qui attirent le plus les intrus : le risque y est deux fois plus élevé que dans les appartements.
Les résidences secondaires, souvent inhabitées, sont aussi vulnérables. Elles présentent 30 % de risque en plus par rapport aux résidences principales. Les occupations illégales y sont la première source d’inquiétude (29,4 %), devant les cambriolages (25,6 %).
Enfin, un glissement géographique s’observe : les intrusions se déplacent des centres urbains vers des zones plus isolées — routes, zones industrielles, propriétés rurales — où la surveillance est faible et les voies de fuite nombreuses.
Quelles sont les villes où il y a le plus et le moins de cambriolages en Espagne?
L’été, saison sous surveillance
L’étude pointe en particulier un moment critique dans l’année : l’été. Avec les départs en vacances, 54,5 % des Espagnols estiment que cette période est la plus risquée pour les cambriolages et les squats.
Alors on anticipe. On laisse les stores entrouverts, on confie la boîte aux lettres au voisin, on freine les publications sur Instagram... Les plus prévoyants passent à la vitesse supérieure : caméras connectées, capteurs de mouvement, et même alarmes intelligentes.
Quoi qu’il en soit, l’Espagne reste un pays sûr, même s’il est de moins en moins perçu comme tel. Entre dispositifs toujours plus sophistiqués et réflexes de précaution, la sécurité s’est imposée comme un enjeu quotidien où perception et réalité s'entrelacent.
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