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TRANSPORTS – Découvrez les "aéroports fantômes" espagnols… et les raisons de l’absence de passagers

Écrit par lepetitjournal.com Madrid
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 20 octobre 2015

L'Espagne compte une cinquantaine d'aéroports et, selon un rapport de la FEDEA (Fundación de Estudios de Economía Aplicada) datant de 2013, seulement huit d'entre eux seraient rentables. Le pays recense un nombre disproportionnés d'aéroports comparé à sa population, laissant beaucoup d'entre eux quasiment vides. Récemment, l'aéroport de Castellón, dans la communauté valencienne, a enregistré son tout premier vol régulier depuis son inauguration... en 2011.

(Vue de l'aéroport de Ciudad Real / Photo tirée du domaine public) Le terme est utilisé depuis plusieurs années dans les médias espagnols et des pays étrangers. L'Espagne est le pays des "aéroports fantômes". Pistes abandonnées, terminaux vides, silence de cathédrale dans les bâtiments... Symboles des dépenses astronomiques et de la fièvre constructrice de l'Etat espagnol juste avant que la crise économique de 2008, de nombreux aéroports sont désespérément vides. Selon un rapport de la FEDEA publié en 2013, seulement 8 des 48 aéroports espagnols du réseau AENA (Aéroports espagnols et navigation aérienne) seraient rentables après imposition. Il s'agit de ceux de Palma de Majorque, Barcelone-El Prat, Grande Canarie, Tenerife Sud, Ibiza, Lanzarote, Séville et Bilbao.

Premier vol régulier à Castellón depuis son inauguration
Mi-septembre, l'aéroport de Castellón-Costa Azahar, qui ne fait donc pas partie de la liste précédente, a été lieu d'un événement particulier. Il a accueilli son premier vol régulier depuis son inauguration... en mars 2011, juste avant les élections régionales. Construit alors que les gestionnaires n'avaient pas obtenu l'autorisation de faire décoller des avions, l'aéroport a officiellement ouvert en décembre 2014, ne servant jusqu'à maintenant que pour quelques vols privés, des équipes de football de Villarreal ou du FC Barcelone, entre autres. Avec un coût estimé à 150 millions d'euros, l'aéroport, situé à une petite centaine de kilomètres de celui de Valence, a donc été découvert par les 186 passagers du vol commercial Londres-Castellón en ce 15 septembre 2015. Les autorités de la province valencienne espéraient recevoir près de 1.500 passagers lors des deux premières semaines d'activités de l'infrastructure.

Madrid-Barajas, premier aéroport espagnol

La compétition a lieu à tous les niveaux entre Barcelone et Madrid, même entre les deux aéroports. Pour les neufs premiers mois de l'année 2015, c'est l'aéroport Madrid-Barajas qui arrive en tête et accroît son avance sur l'aéroport Barcelona-El Prat. Selon les chiffres de l'AENA, l'aéroport madrilène a accueilli près de 35,2 millions de passagers entre janvier et septembre 2015, soit 12% de plus que sur la même période l'an dernier. Barcelone, avec environ 30,7 millions de voyageurs, n'augmente que de 4,7% par rapport à 2014. C'est également à Madrid-Barajas qu'est enregistré le trafic de marchandise le plus important (277 millions de tonnes), loin devant Barcelone (85 millions) et Saragosse (62 millions). À noter néanmoins une meilleure évolution à Barcelone (+ 13,2%) qu'à Madrid (4,4%) comparé aux chiffres de l'an 2014.

Central-Ciudad Real, le symbole de la fièvre constructrice
L'Etat espagnol a, pendant les années fastes, gaspillé des millions d'euros en constructions. Autre exemple probant : celui de l'aéroport Central-Ciudad Real (Castille-La Manche). Bâti en 2008 pour devenir "l'aéroport du sud de Madrid" (pourtant situé à 200 kilomètres de la capitale), l'aéroport privé a déclaré faillite en 2010 et définitivement fermé en 2012. En quatre ans, seulement 100.000 passagers ont traversé le terminal d'une capacité de 5 millions de personnes. La construction de cette infrastructure avait coûté environ 450 millions d'euros. Après avoir servi de lieu de tournages publicitaires ou cinématographiques en attendant de trouver un acquéreur, il a été vendu aux enchères en juillet dernier pour la somme de? 10.000 euros (ce qui correspond à la piste d'atterrissage, les hangars, la tour de contrôle et une partie des terrains) à Tzaneen international, un groupe d'investisseurs chinois. Le tribunal avait donné jusqu'au 15 septembre aux possibles acheteurs pour présenter des contre-offres, qui ne peuvent cependant pas être inférieures à 70% de la valeur estimée de l'aéroport (28 millions). Il y en aurait eu au moins six, selon El País, sans que le juge ne rende encore son verdict.

Des aéroports trop proches
Les exemples de Castellón et de Ciudad Real montrent que le réseau aéroportuaire espagnol est disproportionné par rapport à la population ibérique. Une cinquantaine d'aéroports, dont 90% sous la gestion de l'AENA, pour un total d'environ 47 millions d'habitants. En Allemagne, où la population est presque deux fois plus nombreuse (80 millions d'habitants), seulement 39 aéroports sont recensés. Une incongruité qui prend encore plus de sens lorsqu'on remarque que plus de la moitié des aéroports espagnols sont situés à moins de 150 kilomètres d'un autre aéroport, à l'image de Gérone, Barcelone, Valladolid, Salamanque, Reus, Alicante, Murcie, Grenade et Malaga. En Galice, les passagers ont même le choix entre trois aéroports (Saint-Jacques de Compostelle, Vigo et La Corogne), reliés en moins d'une heure et demie par la route.

Des aéroports quasiment vides
Cette concentration d'infrastructures laisse forcément certains aéroports sous-utilisés par les passagers espagnols et étrangers. Les statistiques de l'AENA pour l'année 2014 le prouvent. Dix aéroports sous gestion de l'AENA ont accueilli moins de 10.000 passagers en 2014. La palme revient à l'aéroport de Huesca-Pirineos (Aragon) qui a vu passer 263 voyageurs sur toute l'année. Albacete (1.409) et Algeciras (1.570) sont également en bas d'un classement où Madrid-Barajas (environ 41,3 millions) et Barcelone-El Prat (presque 37,6 millions) sont logiquement les plus fréquentés.

L'Espagne dans le collimateur de l'UE
À ce sujet, l'Espagne, avec l'Estonie, la Grèce, l'Italie et la Pologne, a été pointée du doigt par la Cour des comptes européenne. En décembre 2014, un rapport révélait que les investissements de l'Union Européenne (UE) dans les aéroports se sont avérés peu rentables. "Nous avons observé que certains aéroports n'étaient pas rentables à long terme, tandis que d'autres étaient sous-utilisés ou n'étaient pas utilisés du tout", déclarait alors George Pufan, membre de la Cour des comptes européenne en charge du rapport. "Le trafic aérien dans l'Union européenne devrait doubler d'ici à 2030. Si l'Europe veut pouvoir satisfaire cette demande supplémentaire, la Commission et les États membres doivent améliorer la façon dont ils investissent dans nos aéroports en finançant uniquement ceux qui sont rentables et pour lesquels les besoins en matière d'investissements sont réels".

Baptiste LANGLOIS (www.lepetitjournal.com/espagne) Mardi 20 octobre 2015
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Publié le 19 octobre 2015, mis à jour le 20 octobre 2015
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