Édition internationale

"Sauvons l’Europe aujourd’hui, comme il y a 75 ans"

europeeurope
Tom Grimbert (@tomgrimbert) on Unsplash

Il pourrait être dangereux pour la démocratie et la construction européenne si une forte abstention et un vote égoïste le 26 mai prennent le dessus sur les valeurs européennes fondamentales.



Le 6 juin 1944 a été le D-Day du début de la libération de la France et de l’Europe tout entière de l’emprise du totalitarisme nazi et de son chef de file Adolph Hitler, populiste et populaire auprès de ceux qui voyaient dans le racisme, le sectarisme et la suprématie nationale, la sauvegarde de leur mode de vie et l’avenir glorieux d’un Reich qui devait durer mille ans. Il dura douze ans, entre 1933 et 1945. C’était sans compter avec les gens de bonne volonté, les citoyens simples et solides, les militaires dédiés et dévoués, les politiques honnêtes et intègres, les intellectuels lucides et clairvoyants, qui ont tous rejeté et vaincu la tyrannie et ensuite proposé la construction d’une Europe unie.


La "silent majority" ne doit pas être dépassée par la "loud minority"

L’Espagne est restée en marge de la Seconde Guerre Mondiale pour panser ses plaies de la Guerre Civile de 1936-39. Le reste de l’Europe, en revanche, a été sauvée il y a 75 ans mais elle est menacée à nouveau -Espagne comprise- par un manque d’enthousiasme, d’envie et de devoir pour aller voter le 26 mai. Une forte abstention risque de voir la "silent majority" dépassée par la "loud minority" dans la constitution du Parlement Européen. Cela pourrait menacer la construction européenne à venir, les valeurs de liberté et de communautarisme pour unir les peuples et nations, et même les fondations et la cohésion de l’Union Européenne.

Aujourd’hui, en Angleterre et en Europe, on assiste à la décomposition, la débandade et le déchirement entre partisans et opposants au Brexit, avec en prime chez nos voisins outre-Manche la démission de la "Prime Minister" Teresa May qui, indépendamment de ses qualités et défauts, a lutté bec et ongles pour trouver une solution au grave problème du Brexit. Les Eurosceptiques diront volontiers "Messieurs les Anglais, tirez-vous les premiers" par allusion à l’expression bien française attribuée à l’officier Joseph d’Auteroche (1710-1785) lors de la bataille de Fontenay, le 11 mai 1745. 

Toutefois, les Européens parmi nous ne peuvent que lamenter ce triste spectacle d’une nation riche en culture et histoire qui a, malgré une attitude et des exigences souvent insulaires, tant participé et apporté à la construction de l’Union Européenne dans laquelle nous vivons libres aujourd’hui. Il faut prendre pleinement conscience des vrais enjeux qui nous guettent, nous et surtout les générations à venir, lors des prochaines élections européennes.


Le 26 mai n’est pas une simple date du calendrier

Tous les experts, économistes, juristes et politiques sont d’accords aujourd’hui pour dire que le vote du Brexit le 23 juin 2016, avec seulement 51,9% des voix, a été le résultat d’un vote massif de la vieille génération, d’une forte abstention des jeunes, d’une mésinformation généralisée sur les menaces et d’un manque d’information sur les vraies conséquences du Brexit. Tous les pronostics et sondages aujourd’hui indiquent que si un nouveau vote avait lieu en Angleterre, le résultat serait contre le Brexit. Il est fort probable que Teresa May et les conservateurs britanniques soient tellement convaincus que les élections du 26 mai vont leur être défavorables, qu’ils préfèrent la démission du Premier Ministre avant les élections pour éviter la foudre des commentateurs et des "tabloids" post-élection.

Ceci souligne aussi pourquoi les dates en général et la date du 26 mai en particulier sont si importantes. L’Union Européenne existe sous ses divers noms et formes depuis la création de la Communauté Economique du Charbon et de l’Acier (CECA) le 23 juillet 1952, la Communauté Economique Européenne (CEE) le 25 mars 1957, la Communauté Européenne (CE) le 1er novembre 1993 et enfin l’Union Européenne depuis le 13 décembre 2007. Les dates sont importantes et il en va de même avec le 26 mai 2019. Certes, ce jour-là nous ne serons pas appelés à choisir un nouveau nom pour notre "nation européenne" mais l’enjeu est tout aussi grave et fondamental. En effet, le 26 mai nous devrons en tant qu’Européens décider si nous voulons élire un Parlement qui pourra construire une Europe fière, forte et féconde ou si nous laisserons passer un vote populiste, partagé et paupérisant. Il ne faut pas oublier que l'UE est là pour coordonner les actions de tous les pays membres de l'Europe afin d'assurer notre sécurité et notre prospérité. Il est assez intuitif que "seul on marche plus vite, mais ensemble on marche plus loin".


Voter n’est pas qu’un droit, c’est aussi un devoir

Il pourrait être dangereux pour la démocratie en général et la construction européenne en particulier si une forte abstention et un vote égoïste le 26 mai, similaires au désastre britannique lors du Brexit, prennent le dessus sur les valeurs européennes fondamentales de prospérité et bien-être. Ces valeurs prennent leur source dans les principes, si chers à la France, de liberté, égalité et fraternité pour les peuples, par les peuples et entre les peuples. Ces valeurs et principes sont forts en Espagne aussi depuis 40 ans de démocratie et monarchie parlementaire. Toutefois, ne sommes-nous pas nombreux à succomber à ce que l’on peut appeler le "syndrome de la démocratie", c’est-à-dire la complaisance dans le confort de notre vie paisible sans soucis majeurs que nous croyons acquise et solide ? En réalité, notre mode de vie d’aujourd’hui est gravement menacé par un extrémisme raciste et nombriliste travesti en populisme soi-disant patriotique et bien-pensant. On oublie souvent que le loup chasse pendant la nuit lorsque les proies dorment tranquillement.

Nous sommes libres aujourd’hui et nous avons le privilège, la chance mais aussi le devoir de voter et élire nos représentants. Nous oublions aussi trop vite à quel point il a été difficile et coûteux en vies et sacrifices de vivre libres et en paix au sein de notre Union Européenne. Il n’y a guère plus de 75 ans, les conflits directement et indirectement liés à la Seconde Guerre Mondiale ont fait entre 70 et 85 millions de morts dans le monde. En comparaison, lors de la bataille d’Austerlitz qui changea la face de l’Europe le 2 décembre 1805, il y eu 17.500 morts dont seulement 1.500 côté français. Lors de la bataille de Waterloo, le 18 juin 1815, qui changea à nouveau la face de l’Europe, il y eut près de 24.000 morts dont 11.500 côté français. Il y eut 540.000 morts durant la Guerre Civile espagnole. Si nous vivons libres aujourd’hui au sein de l’Union Européenne c’est en partie grâce au sacrifice de tous ces morts de l’Histoire. Ne les oublions pas.


L’exemple du Brexit doit nous pousser à éviter un "Eurexit"

La forte abstention lors du vote Brexit en Angleterre a montré les risques et les dangers d’une solution non représentative de la nation. Le 26 mai pourrait donner lieu à une situation similaire au niveau de l’Europe tout entière. Le Brexit gangrène le Royaume-Uni et l’Union Européenne depuis trois ans. Saisissons cette chance d’avoir à notre porte un exemple de comment le rejet du projet européen n’entraine que division, désaccord et désastre dans la nation. L’Angleterre se déchire de toute part entre partisans minoritaires, racistes et insulaires favorables au Brexit et la majorité unioniste et avide de liberté et partage entre les pays d’Europe.

Le souffle du racisme et de l’exclusion peut vite devenir un sirocco populiste et xénophobe comme ce fut le cas en Europe dans les années 1930 où la pauvreté languissante engendrée par la Grande Dépression de 1929, la peur et la terreur du Marxisme Soviétique venant de l’Est, et le désir de vengeance sans doute justifié par les horreurs de la Première Guerre Mondiale, avaient créé un climat extrêmement tendu et explosif qui n’attendait que le chant des sirènes. L’Histoire raciste, accusatrice et meurtrière du nazisme qui s’en suivit est connue de tous.


Les générations X, Y et Z sont l’Omega d’aujourd’hui mais l’Alpha de demain

La génération X de ceux nés entre 1960 et 1970, la génération Y connue aussi comme les "millennials" nés entre 1980 et 1990, et la génération Z de ceux nés à partir de 2000 sont l’Omega d’aujourd’hui en ce sens que ces générations n’ont pas connue de "grandes guerres" (n’oublions toutefois pas les souffrances récentes des peuples européens de Géorgie, Slovénie, Croatie, Bosnie, Kosovo, Moldavie, Tchétchénie). On peut donc espérer qu’elles seront des générations qui éviteront les conflits de grande envergure en Europe comme cela est le cas aux Etats-Unis d’Amérique où l’absence de conflits internes règne depuis 154 ans et la fin de la Civil War de 1861-65.

Ces générations et surtout la génération T, génération "tactile" ou "tech", qui regroupe tous ceux nés dans la Révolution Numérique avec un smartphone à la place du biberon, sont aussi l’Alpha de demain et ils devront vivre dans le cadre européen que les votants du 26 mai 2019 décideront. Lourde responsabilité pour nous tous des générations passées et présentes de décider ce que nous voulons léguer aux générations futures. Tel est l’enjeu des élections du 26 mai 2019.

 

Merci à Eric de Saint-Exupéry, co-auteur du texte.