Édition internationale

Macron attendu à Séville pour la IVᵉ Conférence de l’ONU sur le développement

À Séville, Emmanuel Macron participera à la IVᵉ Conférence des Nations Unies sur le financement du développement, une rencontre visant à repenser l’architecture financière mondiale. Dans un contexte marqué par le désengagement des États-Unis et des coupes budgétaires généralisées, le président français portera les principes défendus lors du sommet de Paris en 2023 : la transition écologique, la justice sociale et la souveraineté des trajectoires.

Emmanuel MacronEmmanuel Macron
Photo : Élysée – Présidence de la République française
Écrit par Paul Pierroux-Taranto
Publié le 29 juin 2025, mis à jour le 30 juin 2025

Quatre mille milliards de dollars. Voilà le montant du déficit annuel de financement que doivent affronter les pays en développement pour répondre à leurs besoins essentiels et espérer atteindre les Objectifs de développement durable. 

Un écart vertigineux, accentué par les crises à répétition, les inégalités structurelles et un système financier qui peine à évoluer. C’est ce fossé que la IVe Conférence internationale sur le financement du développement, organisée par l’ONU à Séville du 30 juin au 3 juillet, entend réduire.

 

 

 

À Séville, Macron veut lier développement, climat et justice financière

Emmanuel Macron fera le déplacement dans la capitale andalouse, aux côtés d’une soixantaine de chefs d’État et de gouvernement. L’événement, hébergé au Palais des congrès (FIBES), est le premier de ce type à se tenir en Europe. Il réunira quelque 150 délégations internationales, dont de nombreux représentants du Sud global, pour repenser un système qui, décennie après décennie, perpétue les déséquilibres.

Le chef de l’État français portera avec lui les trois grandes lignes de force du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial qu’il avait convoqué à Paris en 2023. Première idée : développement et action climatique ne peuvent plus être conçus séparément. « Les deux sont indissociables », rappelle l’Élysée, en soulignant les effets dévastateurs du réchauffement sur les économies les plus fragiles.

Deuxième principe : pas de transition durable sans ancrage local. À chacun sa feuille de route, selon ses moyens et ses priorités. Autrement dit, chaque pays doit rester maître de sa trajectoire vers les engagements de l’Accord de Paris.

Enfin, Macron plaidera pour une mobilisation de moyens sans précédent, mêlant fonds publics et capitaux privés, pour éviter que les ambitions ne restent lettre morte. Mais entre discours et ressources, l’écart se creuse. En France, l’effort était resté stable en 2023, mais la loi de finances 2024 a entériné une coupe sévère de 39 %. Autant dire que la marche reste haute.
 

Chiffres clés du financement du développement212,1 milliards $ : montant total de l’APD en 2024 selon l’OCDE (–7,1 % par rapport à 2023) ; 0,33 % : part moyenne du PNB consacrée à l’aide par les pays du CAD ; 15,43 milliards $ : APD française en 2023 (–0,02 %), soit 0,48 % du PNB ; –39 % : baisse prévue de l’APD française en 2024 ;  63 milliards $ : APD initialement prévue par les États-Unis en 2024, majoritairement annulée



 

 

Dans la salle, la chaise vide des États-Unis

Le sommet de Séville se déroule dans un contexte tendu. Car si la conférence de l’ONU sur le financement du développement veut remettre à plat les règles du jeu économique mondial, une chaise restera ostensiblement vide : celle des États-Unis. Washington a claqué la porte des négociations à la mi-juin, dénonçant un texte jugé intrusif, accusé de créer "de nouvelles structures faisant doublon" et de porter atteinte à la "souveraineté" des États. Résultat : aucune délégation américaine ne fera le déplacement à Séville.

Un vide qui pèse lourd. En 2023, les États-Unis représentaient encore 40 % de l’aide humanitaire mondiale. Leur retrait brutal a entraîné l’arrêt d’environ 6.000 programmes dans une quarantaine de pays. La conférence s’ouvrira donc dans un climat marqué par les tensions diplomatiques, les coupes budgétaires et les divergences stratégiques entre pays donateurs.

Face au désengagement américain, Paris tente d’occuper le terrain. Emmanuel Macron remettra sur la table l’idée de taxer les « flux de la mondialisation » — c’est-à-dire faire contribuer les secteurs à forte empreinte carbone. Exemple à suivre : l’Organisation maritime internationale, qui a adopté en début d’année une taxe minimale de 100 dollars par tonne de CO₂ émise par les grands navires. Une mesure qui pourrait générer entre 11 et 13 milliards de dollars par an, dont une partie serait dédiée aux pays du Sud.

Hôte du sommet, l’Espagne défendra quant à elle un mécanisme international de suspension de la dette pour les pays en développement frappés par des catastrophes climatiques. Une proposition saluée par l’Élysée comme « extrêmement intéressante ». 


 

Contexte : 20 ans de sommets pour le financement du développement

Année

Lieu

Avancée notable

2002

Monterrey

Consensus de Monterrey, base du FFD

2008

Doha

Première mention de la justice fiscale

2015

Addis-Abeba

Création de forums de suivi

2024

Séville

1re conférence en Europe

 

 

Des chefs d’État, des débats, des buffets… et peu de garanties

En parallèle des huit sessions plénières, six tables rondes thématiques réuniront chefs d’État, ONG, agences de développement, institutions financières et entreprises. Autour du secrétaire général de l’ONU, António Guterres, de Pedro Sánchez et d’Emmanuel Macron, sont notamment attendus le président sud-africain Cyril Ramaphosa, le président équatorien Daniel Noboa et le président de la Banque mondiale, Ajay Banga.

La ville andalouse accueillera aussi l’assemblée mondiale des gouvernements locaux et régionaux, tandis que fondations, chercheurs, acteurs privés et élus locaux investiront les forums parallèles. Un écosystème complet, censé esquisser une autre façon de penser le développement, en intégrant climat, justice sociale et refonte des circuits financiers.

Au bout du processus, un texte : le Compromis de Séville. Non contraignant, il devrait formaliser les intentions communes. Mais déjà, plusieurs ONG, dont La Coordinadora de Organizaciones para el Desarrollo, alertent sur un document jugé trop timide, déconnecté des urgences : crise climatique, explosion des inégalités, dette asphyxiante, insécurité alimentaire, atteintes aux droits fondamentaux.

Côté logistique, rien n’a été laissé au hasard. Plus de 7.700 agents mobilisés dans les rues, et un dîner d’apparat offert par les rois d’Espagne au Real Alcázar, le 29 juin au soir. Reste à savoir si derrière les ors de la réception, les lignes bougeront vraiment.
 

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