Édition internationale

L’ONU est à Bilbao et le « jefe » est un Français

Depuis maintenant plusieurs mois, le 6e étage des archives historiques d’Euskadi à Bilbao accueille le secrétariat de la coalition Local2030 des Nations Unies. Il est financé conjointement par l’Espagne, le Pays basque, Bilbao et la Fondation BBK. C’est Sébastien Vauzelle, un sympathique Français de 42 ans, qui le dirige. Rencontre avec cet Arlésien globe-trotteur et père de trois enfants, au service de l’ONU depuis presque 20 ans.

Sebastien VauzelleSebastien Vauzelle
Sebastien Vauzelle
Écrit par Elise Pons
Publié le 12 juin 2025, mis à jour le 17 juin 2025

 Ce qui me fait me lever le matin, c’est que je contribue avec mon travail, en même temps que des milliers d’autres, à changer le monde en transformant les systèmes qui régissent l’économie. 

Quel est votre parcours avant d’arriver à Bilbao ?

Je suis diplômé de SciencesPo Aix. J’ai toujours travaillé pour l’ONU, à l’étranger. J’ai commencé par un stage au Mexique et j’ai eu envie de répéter l’expérience. Alors j’ai vécu à Tanger, à Dakar, au Salvador, au Liban, à Bruxelles, en Algérie, au Cap Vert et à l’Île Maurice. Je suis installé à Bilbao depuis septembre 2024, avec ma famille. 

 

 

sebastien vauzelle en train de parler lors d'une réunion à l onu
Sebastien Vauzelle.

 

 

Pourquoi l’ONU est à Bilbao ?

La coalition Local2030 a été établie ici il y a quelques mois, parce qu’elle est financée par les autorités locales. Symboliquement, c’est intéressant. Bilbao est un exemple de développement local durable. Société civile, secteur privé, pouvoirs publics locaux de plusieurs niveaux – ville, province, région, pays : ils ont défini tous ensemble, il y a plusieurs années, le futur du Pays basque, pour le sortir de la crise et le transformer. C’est devenu un lieu de développement durable. Un lieu où il fait bon vivre, en somme. 

C’est exactement le genre de choses que la mission promeut : travailler ensemble pour faire avancer le développement durable dans les territoires. Alors que traditionnellement, les Nations Unies travaillent en lien avec les gouvernements nationaux, Local2030 tire son nom de sa méthode de travail collaborative avec les acteurs qui font la réalité du terrain. L’objectif : encourager l'innovation, partager des solutions et mettre en œuvre des stratégies pour aider les acteurs locaux à réaliser les objectifs du Programme de développement durable à l'horizon 2030.

L’Espagne, le Pays basque et Bilbao ont aussi été à l'avant-garde des efforts visant à accélérer la réalisation des objectifs mondiaux de développement durable (ODD). Ils sont un grand soutien du multilatéralisme et des Nations Unies. 

 

 

Quelle est la mission de la Coalition Local2030 ?

D’abord, avec mon équipe, j’ai une mission de coordination. Je m’assure que toutes les agences des Nations Unies [ndlr : l’UNICEF, l’ONU Femmes, les commissions économiques régionales…] travaillent de manière cohérente au service des acteurs du développement local. 

Ensuite, la raison d’être de la coalition Local2030, c’est de répondre à une demande organisée des acteurs du développement local : faire le bon match entre les institutions locales et d’autres acteurs : gouvernements nationaux, secteur privé local, société civile, universités…

 


 

sebastien vauzelle avec une femme intervante lors d'un forum organisé en espagne

 

 

 

Pour bien comprendre vos enjeux, pouvez-vous nous citer un exemple ?

Mindanao est une région des Philippines qui a un potentiel formidable. Avec le gouvernement national, elle a fait appel à mon équipe de Bilbao pour développer son système alimentaire global et donc être plus autonome. Dans cet exemple, notre mission consiste à travailler avec le ministère de l’économie philippin pour qu’il rende plus efficace le transfert d’argent et optimise l’accès aux finances, donc à la terre, des producteurs de denrées. 

Nous mobilisons aussi les banques et les investisseurs privés pour qu’ils facilitent l’investissement dans la production alimentaire afin que les fermiers créent plus de richesses. Et ces derniers sont accompagnés pour former des coopératives, investir dans des machines, imaginer des produits transformés… 

 

Donc vous contribuez à transformer le système en entier ?

Oui ! Pour répondre à ces besoins d’une manière qui dure dans le temps et qui transforme la vie des gens, il faut avoir une approche systémique. Pour qu’une montre fonctionne, il ne suffit pas de tourner son aiguille avec le doigt. Ce qu’il faut changer, c’est la machine derrière. 

Les autorités qui nous consultent demandent des décisions très complètes. Donc pour faire ça, on noue des partenariats avec des investisseurs à l’international, on incite les acteurs publics à changer les lois etc. 

 


 

sebastien vauzelle lors d'un talk en espagne

 

 

 

La deadline 2030 paraît irréalisable.

Adoptés en 2015 par 193 États membres, les 17 Objectifs de Développement Durable visent à résoudre les défis mondiaux d’ici 2030 : la pauvreté, la faim, les inégalités, le changement climatique et la dégradation de l'environnement. C’est une utopie réaliste : pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, tous les pays du monde souhaitent aller dans le même sens. C’est une vision commune de transformation du monde. Même si l’horizon de temps n’est pas réaliste, ce qui est intéressant, c’est que c’est le moteur d’un monde meilleur.

 

 

Justement, vous vous sentez utile de façon concrète ou vous avez des frustrations ?

Je n’ai que ça des frustrations ! Mais je vois qu’on fait la différence. Ce qui me fait me lever le matin, c’est que je contribue avec mon travail, en même temps que des milliers d’autres, à changer le monde en transformant les systèmes qui régissent l’économie. 

Comment on prend les décisions ? Comment allouer les ressources ? Comment donne-t-on autant de chances aux femmes qu’aux hommes ? Je peux passer des heures à donner des exemples concrets de transformation durable, dans la manière dont les politiques sont faites, dont les investissements sont décidés, grâce à l’appui qu’on donne.

 

Votre équipe est internationale ?

A Bilbao, je suis le seul Français. Les membres de l’équipe viennent du monde entier. C’est une originalité car habituellement à l’ONU, on recrute du personnel local. Sauf le directeur, pour éviter tout conflit d’intérêt. 

 

 

Le Pays basque est une région égalitaire, très tournée vers l’humain. Les droits des femmes, des groupes vulnérables, tout ce pour quoi on travaille aux Nations unies sont ici élevés à des standards d’excellence.

 

 

Quel est votre ressenti de Bilbao ?

Je me sens à la maison. Ce dont je parle tout le temps professionnellement, si ça devait être un lieu, ce serait ici.  C’est une région égalitaire, très tournée vers l’humain. Les droits des femmes, des groupes vulnérables, tout ce pour quoi on travaille aux Nations unies sont ici élevés à des standards d’excellence. Je vis dans un endroit où mon métier, qui est aussi ma vocation, me dicterait de vivre. Il y aurait peut-être les pays scandinaves, mais il y fait trop froid ! 

Et puis j’adore les basques. Ils sont sereins, tolérants, tranquilles, sympathiques. Le contact avec eux est profondément agréable. J’adore qu’ils aient des services publics de bonne qualité, des espaces verts. Il y a une qualité de vie incroyable à Bilbao. 

 

Alors justement, quels sont vos « must » ici ?

La mer, en métro ! J’adore aussi déjeuner chez Martxo pour son omelette de baccalao, ses pintxos et le txuleton. En famille, j’aime le parc d’Artxanda. Ça me rappelle Marseille. J’aime ce mélange de cultures, de couleurs.  Et la proposition culturelle de Bilbao est assez riche. Je recommande la programmation de la salle BBK, par exemple. 

 

 

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