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LES MYSTÈRES DE MADRID- Le maudit monastère de l'Escorial

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Écrit par lepetitjournal.com Madrid
Publié le 4 février 2020, mis à jour le 4 février 2020

Entre fabulations populaires et débats scientifiques, découvrez un lieu chargé de mysticisme...


Les énigmes du monastère de l'Escorial sont intimement liées à la figure de Felipe II, roi monomaniaque qui régna sur l'Espagne de 1555 à 1598. Pourquoi avoir choisi la bourgade de l'Escurial, "égouttoir de rebus", pour y faire construire sa demeure en 1562 ?


Le monarque n'avait pas que des considérations géologiques ou topographiques. Orienté selon des coordonnées astrologiques très précises, le monastère fonctionne comme un temple du soleil, à l'image des temples précolombiens. La coutume veut qu'il ait fait construire ce lieu dévot, pour boucher la porte des enfers (1). D'ailleurs, Felipe II restera obsédé toute sa vie par le spectre d'un "chien noir", incarnation de Cerbère. Celui-ci aurait effrayé les ouvriers au début des travaux, avant d'être "aperçu" lors d'un clair de lune de 1557 par les moines. Il serait également "venu" plusieurs fois visiter le souverain (2) .

 

Fascinations morbides


Pour exorciser ses phobies, Felipe II s'entourait de reliques. Plus de 7.000 d'entre elles se trouvent encore conservées au monastère, dont la tête de San Hermenegildo. De quoi reconstituer intégralement 10 corps, 144 têtes, et 306 membres ! Plusieurs seraient miraculeuses, notamment la "Sainte Hostie" (3). La fameuse bibliothèque du monastère est quant à elle remplie d'ouvrages obscurantistes, de traités sur la magie et sur l'alchimie. Le monastère disposait même d'un des plus grands laboratoires d'alchimie d'Europe. Mais la véritable passion du roi était celle qu'il entretenait pour le peintre Jérôme Bosch, dont les tableaux cauchemardesques étaient accrochés jusque dans la couche royale (4).

 

Le mystère entretenu 


En 1845, le feuilleton Les mystères de l'Escorial de Gabino Leonor soufflait sur les braises des fantasmes populaires. La recette fonctionne encore aujourd'hui, aux vues du succès de l'ouvrage d'Iker Jimenez, Camposanto (5). Sorte de Da Vinci Code espagnol, il mêle habilement faits historiques et fiction, contribuant ainsi à entretenir la légende.


Caroline RODRIGUEZ

(1) Quelques siècles plus tard, Franco choisira, pour les mêmes "raisons", l'emplacement de la Valle de los Caidos. La croix monumentale du site est alignée sur le clocher de la Capilla Mayor du Monastère, et sur la cime du mont Abantos. Pour se justifier, le général avait déclaré "j'[ai] découvert une force d'énergie à l'extrême opposé de l'endroit où se trouvent les forces démoniaques". 

(2) D'après les écrits de Ricardo Sepúlveda (1888), on aurait aperçu le "chien noir" aux moments clés de la vie de Felipe II : à la mort de son fils, le prince Carlos, à la mort de la reine Isabelle de Valois, à la mort de Jean d'Autriche, et le jour de sa propre mort.
 
(3) La "Santa Forma" rentre au Monastère en 1597, après plusieurs années de tractations pour l'obtenir. Elle provient de l'église de Gorcum en Allemagne. Cette hostie aurait saigné après s'être faite écraser par la botte de l'un des soldats venu profaner le sanctuaire. Elle est visible deux fois par an au monastère, le 29 septembre et le 28 octobre.

(4) La plupart des peintures de Bosch qui appartenaient à Felipe II ont été déplacées de l'Escorial au Prado, après la Guerre Civile.

(5) JIMENEZ Iker ; Camposanto ; Edition Suma de Letras ; (mai 2005 ; 350 pages).