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LA FESSEE AUX ENFANTS - Qu'en disent les Espagnols ?

Écrit par lepetitjournal.com Madrid
Publié le 9 mars 2015, mis à jour le 10 mars 2015

La semaine dernière, le Conseil de l'Europe condamnait la France pour ne pas prononcer clairement dans ses lois l'interdiction de la fessée, des gifles et autres punitions corporelles appliquées aux enfants. La presse espagnole relayait ensuite l'information en montrant du doigt la réticence française face à la mise en place d'une législation. Qu'en est-il de l'opinion des Espagnols ?


Le Conseil de l'Europe considère que la France ne respecte pas l'article 17 de la Charte européenne de droit sociaux, qui demande aux pays membres de "protéger les enfants et les adolescents contre la négligence, la violence ou l'exploitation". 27 des 47 pays présents au Conseil de l'Europe (dont l'Espagne) interdisent pénalement les châtiments corporels infligés aux enfants, et on compte au total 44 pays dans le monde qui appliquent cette norme, selon l'association "End corporal punishment of Children". La France explique sanctionner fermement les mauvais traitements infligés aux mineurs, et que son code pénal protège les enfants. Cependant elle accorde un "droit de punition" aux parents, estimant que l'Etat n'a pas à intervenir dans la sphère familiale quant au choix de punitions physiques légères telle que la fessée pour l'éducation des enfants... Et le gouvernement français déclare déjà que la loi française ne sera pas modifiée.

Que pensez-vous de l'interdiction de donner une fessée à son enfant comme punition à un mauvais comportement ?
Natalia, 32 ans : "Ma fille a 2 ans et à cet âge là elle n'est pas consciente du danger et ne tient pas en place. J'ai lu de nombreux livres sur la pédagogie et l'éducation, et tous déconseillent la fessée sur les enfants à cet âge là. Et je vous jure que je fais tout pour l'éviter ! Mais quand du matin 7h jusqu'au soir 22h30 on arrête pas une minute, et que ma fille n'écoute rien, c'est soit hurler comme une folle, soit une tape sur les fesses? S'il y a une solution miracle je veux bien qu'on me la donne !"

Blanca, 29 ans : "Je considère que la fessée est une violence inutile. Je pense qu'il y a d'autres moyen de punir les enfants d'une bêtise commise, comme par exemple les priver de regarder un dessin-animé, ou ne pas leur acheter les bonbons".

Marta, 37 ans : "Ce n'est pas grave du tout de donner une fessée. Je ne parle pas de lever la main tous les jours ni de faire mal, mais quand il y a une raison plus que justifiée, on peut donner une fessée à son enfant, il ne sera pas pour autant traumatisé, et ne va pas non plus devenir un adulte violent".

Maria, 40 ans : "Eh bien ça dépend? Une fessée méritée de temps en temps ne fait pas forcement tant de mal qu'on le dit. Mais il faut essayer de privilégier le dialogue, d'expliquer à l'enfant pourquoi on est autant énervée après lui et pourquoi ce qu'il a fait est mal. Je dois dire que mon mari me rejoint là-dessus, ce qui nous permet d'obliger notre fils à s'asseoir avec nous pour écouter son sermon".

Les parents en Espagne
Il y a 10 ans, le même organe européen avait poussé l'Espagne à éliminer de son code civil le droit  des parents à corriger leurs enfants. Si la loi espagnole interdit donc aux parents de punir les enfants d'une fessée, qu'en est-il de la pratique ? Selon la dernière étude du "Centre de Investigaciones Sociologicas", 56% des parents pensent qu'il est parfois nécessaire de donner la fessée aux enfants. Mais ces parents espagnols s'exposent à des sanctions allant jusqu'à 1 an de prison. Et des sentences exemplaires ont déjà été données : en 2008, une habitante de la province de Jaen avait été condamnée à 45 jours de prison et à un ordre d'éloignement d'un an pour une grosse gifle donnée à son fils de 10 ans. Des décisions judiciaires jugées trop dure et disproportionnées par de nombreux Espagnols. On se rappellera par exemple le cas de ce père de famille de Zaragoza contre qui le procureur avait demandé 1 an d'emprisonnement. Le père avait giflé sa fille de 16 ans après la violente réaction de celle-ci, lorsqu'il avait refusé de lui payer la réparation de son téléphone portable.

Que disent les professionnels
Certains médias espagnols ont mis en avant le fait qu'en France la loi n'interdit pas les punitions corporelles faites aux enfants, mais punit celles infligées aux animaux? Oui, vu sous cet angle, nous passons pour d'affreux parents. Voilà pourquoi il est important de comprendre la différence profonde entre les mauvais traitements et la gifle ou la fessée qui peuvent échapper à des parents à bout de nerfs. C'est ce que confie à la presse espagnole Javier Urra, psychologue et directeur du programme "Recurra" à destination des parents et enfants en conflit : selon lui, même si une gifle ou une fessée est totalement inefficace et sans aucun résultat sur la pédagogie que l'on souhaite enseigner, on ne peut assimiler une gifle donnée à un enfant à de la maltraitance.  
Anne-Laure Gandara, maman française vivant en Espagne, est également coach spécialisée dans l'accompagnement émotionnel des enfants et des adolescents.  
Pour elle,  le père ou la mère doit être "un guide qui montre ce qu'il est possible de faire ou de ne pas faire, qui fixe des limites". Elle estime que lorsque l'enfant commet une faute, le parent doit marquer son autorité, expliquer et responsabiliser l'enfant en lui demandant d'assumer les conséquences de son acte (ramasser ce qu'il a fait tomber par exemple, ranger le désordre de sa chambre, etc..). Elle met en avant l'importance des explications données à l'enfant : "Une tape donnée en punition ne donne pas d'explication. Elle peut permettre d'obtenir de l'enfant qu'il obéisse dans l'immédiat, par peur ou volonté de ne plus avoir mal". Peu constructif donc, d'un point de vue pédagogique. La fessée donnée comme unique réaction à un manquement de l'enfant serait donc équivalente à donner l'exemple de la loi du plus fort. De ce fait, l'enfant pourrait stopper son comportement négatif dans l'immédiat, mais ne comprendrait pas sa faute, et la reproduirait sur le long terme. "Il ne s'agit pas de ne pas réagir face à une bêtise, mais de marquer les limites par une autre forme d'autorité plus responsabilisante et respectueuse", rajoute la professionnelle.

Perrine LAFFON (www.lepetitjournal.com - Espagne) Mardi 10 mars 2015
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Publié le 9 mars 2015, mis à jour le 10 mars 2015