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Haro sur Repsol et Iberdrola: la relation Espagne - Mexique, en pleine tourmente

drapeau mexicaindrapeau mexicain
Tim Mossholder
Écrit par Armelle Pape Van Dyck
Publié le 13 février 2022, mis à jour le 14 février 2022

Les relations diplomatiques entre les deux pays ont connu des temps meilleurs, en particulier depuis que M. Lopez Obrador est président du Mexique. Mais le plus grave est que les principales entreprises espagnoles sont au cœur de cette crise. Un coup dur pour l’Espagne qui perd de plus en plus de poids en Amérique Latine.

 

La semaine dernière, le président du Mexique, Andrés Manuel Lopez Obrador (AMLO), a lancé un nouveau pavé dans la mare déjà trouble des relations entre son pays et l’Espagne. Il a ainsi déclaré que les deux pays devaient "faire une pause" et que le gouvernement espagnol ne devait pas considérer le Mexique comme une "terre de conquête", et qu’ils ne pouvaient pas continuer de "spolier" le Mexique.

Depuis le début de sa législature, le dirigeant mexicain ne cesse d’alimenter la controverse. Il y a trois ans, il avait d’ailleurs exigé des excuses du roi d’Espagne pour les excès de la colonisation, ce qui avait alors entraîné des épisodes de tension diplomatique. 

 

pedro sanchez et lopez obrador
Visite de Pedro Sánchez au Mexique, le 30 janvier 2019. Aux côtés de Andrés Manuel Lopez Obrador / CC BY-NC-ND 2.0 La Moncloa - Gobierno de España

 

Espagne-Mexique : frères ennemis ?

Cette déclaration pour le moins ambiguë d’une "pause" a plus tard été nuancée par AMLO, qui a expliqué qu’il ne parlait pas de rupture, mais d'une "protestation fraternelle". Il faut dire que tout le monde est loin d’être d’accord avec les propos de Lopez Obrador, aussi bien dans son parti que dans l’opposition.

La principale raison est que ce discours alimente un climat de méfiance alors que, précisément, l'économie du Mexique a toujours besoin, pour se développer, des investissements extérieurs, qui génèrent de nombreux emplois. Et c’est là que le bât blesse. Car cette bataille dialectique et médiatique est loin d’être seulement diplomatique. Il s’agit en fait de pointer du doigt les entreprises espagnoles.


L'Espagne, 2e investisseur depuis 20 ans

Or, l'enjeu est de taille pour l'économie mexicaine : selon les données publiées par le ministère espagnol de l'Économie pour 2021, L'Espagne est, après les États-Unis, le pays étranger qui a le plus investi au Mexique au cours des 20 dernières années, avec 76 milliards de dollars (plus de 66 milliards d'euros) accumulés, ce qui représente environ 12% du total des investissements directs étrangers. 


6.900 entreprises espagnoles au Mexique

Près de 7.000 entreprises espagnoles emploient 300.000 Mexicains, notamment dans les secteurs de la banque, de l'énergie et du tourisme. Certaines des entreprises espagnoles les plus importantes sont BBVA, Santander, OHL, FCC, Iberdrola, Repsol, NH, Meliá, Abengoa, Movistar, Inditex et Naturgy.

Rien que dans le secteur du tourisme, les destinations phare de Cancún et de la Riviera Maya disposent d'une capacité hôtelière totale de 100.000 chambres, dont presque la moitié, 45.000, appartiennent à l'une des 16 chaînes espagnoles.

Quant au secteur financier, BBVA et Santander sont en tête du classement des plus grandes banques du pays, représentant à elles deux 37% du secteur. De leur côté, Repsol et Iberdrola totalisent 20% des investissements énergétiques réalisés dans le pays depuis 2000. 

 

iberdrola
CC BY-NC-ND 2.0 Mikel Agirregabiria


Haro sur Repsol et Iberdrola

D’ailleurs, dans sa bataille contre les entreprises espagnoles, accusées d'avoir "abusé" de son pays, Lopez Obrador a placé Repsol et Iberdrola en ligne de mire. Les raisons ? Une réforme énergétique, en cours d'examen au Parlement mexicain, qui vise à privilégier la production d'électricité par des entreprises publiques au détriment des entreprises privées. Cela touchera donc en premier lieu ces deux entreprises espagnoles. 

Mais sans nul doute, Iberdrola est l’entreprise espagnole la plus critiquée et dénoncée par AMLO. D’ailleurs, ses investissements au Mexique se sont réduits comme peau de chagrin au fur et à mesure que le président mexicain haussait le ton : en 2020, les actifs d’Iberdrola dans le pays aztèque représentaient 5,4% du total des investissements. Un an plus tard, ils ne sont plus que de 2,3% et tout porte à croire que l’entreprise espagnole cessera d'investir au Mexique, comme a prévenu son PDG, puisque le président mexicain "ne veut pas de nous".  

Soit dit en passant, Iberdrola semble désormais plus intéressée par le voisin du Nord, les États-Unis. L’entreprise espagnole est devenue l'une des trois plus grandes entreprises d'énergie renouvelable du pays, principalement grâce à ses nouveaux projets d'éoliennes en mer (comme c’est le cas en France). Et Iberdrola a d’ailleurs été la seule entreprise européenne à la table ronde sur l'énergie avec Joe Biden à Washington.

 

Les relations entre l'Amérique latine et l'Espagne s'affaiblissent depuis plusieurs années

Plus généralement, depuis son entrée dans la Communauté Européenne en 1986, l’Espagne n’a eu de cesse de revendiquer ses relations historiques privilégiées avec l’Amérique Latine, ainsi que sa position de trait d’union d’un côté et de l’autre de l’Atlantique. Pourtant, il faut souligner que les relations entre l'Amérique latine et l'Espagne s'affaiblissent depuis plusieurs années, souvent en raison justement, de ces liens historiques, comme c’est le cas du Mexique.

L’institut du commerce extérieur espagnol ICEX doit bien le reconnaître : "L'Espagne et l'Amérique latine sont encore loin d'avoir atteint leur potentiel commercial, puisque nos exportations vers l'ensemble de l'Amérique latine sont encore inférieures à nos exportations vers les États-Unis (notre 6e marché) et seulement devant les Pays-Bas". 


La France, mieux vue

Cette animosité croissante se reflète parfaitement dans la dernière enquête "Country RepTrack" du thinktank Real Instituto Elcano, dans laquelle il apparait par exemple que la France a une meilleure réputation internationale que l’Espagne en Amérique Latine. De ce fait, dans le classement sur le prestige du pays, l'Espagne ne se classe qu’au huitième rang des 18 pays évalués, juste au-dessus des États-Unis. Le Canada est en tête, suivi par la France, l'Allemagne et l'Italie.

En toute logique, certains pays européens en ont profité pour gagner du terrain. C’est le cas justement de la France dont les échanges commerciaux avec l’Amérique latine sont en constante progression. Elle figure parmi les premiers investisseurs étrangers dans de nombreux pays de la région. 

 

relation mexique espagne


La Chine domine l’échiquier commercial

Mais le principal motif de la perte de vitesse, non seulement de l’Espagne, mais aussi des États-Unis, provient de la montée en puissance de la Chine. En à peine deux décennies, le géant asiatique est devenu le premier partenaire d'investissement et de commerce de nombreux pays d'Amérique latine, acquérant ainsi un rôle prépondérant dans la sphère économique. Il est néanmoins curieux de constater que, toujours selon le dernier classement "Country RepTrack", le pays le moins apprécié en Amérique Latine est précisément la Chine !
 

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