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GUIGNOLS DE L'INFO – Faut-il faire des marionnettes une affaire d’Etat ?

Écrit par lepetitjournal.com Madrid
Publié le 13 février 2012, mis à jour le 15 novembre 2012

Deux nouveaux sketches, diffusés vendredi soir, et les réactions qu'ils ont suscité, auront suffi à faire basculer la polémique vers une véritable affaire d'Etat. Les politiciens espagnols de tous bords se sont exprimés à l'unanimité pour condamner les marionnettes. L'élan anti-français sur les réseaux sociaux et dans l'opinion publique, ne faiblit pas

Trois jours et trois sketches de marionnettes suffisent en 2012 à convertir une polémique démesurée en véritable affaire d'Etat entre deux pays européens frontaliers. Au point même de semer le malentendu dans leurs relations diplomatiques. L'humour satirique de Canal Plus ne fait rire personne en Espagne, c'est entendu. Mais depuis mardi, les Guignols de l'info sont devenus en quelques jours un relais de dépréciation : des Français, de leurs sportifs, du pays en général. Les marionnettes sont dorénavant considérées par certains comme les porte-paroles de leur chaîne et de leur nation toute entière. Un amalgame dangereux, actionné tel un levier par certains journalistes, sportifs et hommes politiques, enclins à faire ressurgir un sentiment anti-français toujours latent.

Quand la classe politique espagnole s'en mêle
Vendredi, au lendemain de la dernière provocation guignolesque de la semaine (voir vidéos ci-dessous), certains politiques ont également apporté leur pierre à l'édifice. Notamment le ministre de l'Education, de la Culture et des Sports, José Ignacio Wert, pour qui "ce sont des attaques xénophobes, intolérables, de ceux qui ne gagnent jamais... Avec autant d'années de frustration à leur actif, sans remporter ni leur Roland Garros, ni leur Tour de France, il fallait bien que les Français trouvent un bouc émissaire?". Un manque de recul que le leader de l'opposition socialiste, Alfredo Pérez-Rubalcaba, semblait partager, rappelant pour sa part que "les Français n'ont plus d'été depuis si longtemps... Alors qu'ici, nous savourons Roland Garros, le Tour et les succès de notre sélection de football durant cette période...". Une affaire qui préoccupait même jusqu'aux plus hautes sphères de l'Etat, en témoignent les propos de Soraya Sáenz de Santamaría, vice-présidente et porte-parole du gouvernement Rajoy : "Nous n'allons pas permettre la mise en cause de ceux qui représentent le mieux la 'marque Espagne'. Nous défendrons l'authenticité des victoires du sport espagnol".



Bruno Delaye, ambassadeur de France en Espagne, intervient

La polémique prenait ainsi en quelques heures des habits d'affaire d'Etat. Carlos Bastarreche, ambassadeur d'Espagne à Paris, via une lettre au directeur de Canal Plus France, réclamait "la fin de la calomnie et que soit rendue sa dignité au sport espagnol". Son homologue français à Madrid, Bruno Delaye, apparaissait en Une du quotidien sportif AS, dans une interview en double page centrale. Titre : "La polémique n'a pas lieu d'être, dans n'importe quel sport, actuellement, vous nous battriez". Chez Marca, on avait consacré la Une et huit pages à l'affaire. Bruno Delaye y tranchait : "Les Guignols sont une stupidité... Ils n'engagent qu'eux, pas l'opinion de tous les Français, qui admirent les sportifs espagnols". En début de soirée, les deux ambassadeurs, réunis sur les antennes de la radio Cope, tentaient de dédramatiser la situation.

"Depuis la nuit des temps, ils se sentent supérieurs"
Une partie de la presse n'hésitait pourtant pas à exacerber l'élan patriotique, dès le lendemain. "Broyer les champions sportifs espagnols qui triomphent dans le monde, par temps de crise en Espagne, c'est un véritable appel aux armes", menaçait Ernesto Sáenz de Buruaga, dans son éditorial pour El Mundo, samedi. "Il faut que les Français acceptent que le temps de la splendeur est terminé, que l'Europe ne s'arrête plus aux Pyrénées". "Les Français doivent arrêter de croire que l'Afrique commence dans les Pyrénées, comme soutenait Alexandre Dumas", s'indignait pour sa part samedi José Calvo Poyato, dans une chronique pour le quotidien conservateur ABC. "Depuis la nuit des temps, ils se sentent supérieurs. Leur chauvinisme ne supporte plus les humiliations répétées dans tous les sports, alors ils se consolent en regardant les Guignols, quand plus jeunes ils le faisaient en lisant Astérix et Obélix...".
Certains évoquaient même l'hypothèse d'une interdiction d'antenne des Guignols. La nostalgie de la censure, un sentiment forcément dangereux en Espagne. Vendredi, dans les rues de Madrid, un camion à écran géant circulait, affichant les messages reçus sur Twitter pour répondre à la question "Nous gagnons tout, parce que...". Il est resté une grande partie de la journée stationné devant l'ambassade de France.

"Un attentat? contre l'intelligence"
Hier, dans les colonnes d'El País, au lieu de s'inquiéter de la part de responsabilité indirecte des Guignols dans le contrôle anti-dopage surprise de Rafael Nadal, daté de samedi, Borja Hermono prenait le contre-pied de nombre de ses compatriotes. Extraits : "Les personnes qui disent que les Guignols salissent le sport espagnol couvrent de honte notre pays. Penser que les Guignols et leur satire mènent une campagne anti-espagnole, oui, c'est vraiment un attentat? contre l'intelligence. Les Guignols sont sains, brillants, indispensables. C'est le meilleur programme de télévision humoristique d'Europe depuis des années".
Ce soir, ils seront nombreux à attendre avec impatience le nouvel acte guignolesque. Sportifs dopés ou pas, une chose est certaine : depuis une semaine, l'Espagne est piquée... au vif.

Benjamin IDRAC (www.lepetitjournal.com ? Espagne) Lundi 13 février 2012

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