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Fraude fiscale: les résidents à l’étranger en ligne de mire

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Emre Alırız on Unsplash
Écrit par Armelle Pape Van Dyck
Publié le 27 novembre 2019, mis à jour le 26 décembre 2019

Le Big Brother fiscal a pris un peu plus de muscle. Un article du Projet de Loi de Finances 2020 que les députés viennent de voter permettra au fisc de collecter pendant 3 ans toutes les données des réseaux sociaux et autres plateformes digitales pour combattre la fraude. 

 

On le savait déjà. Poster sur Instagram une photo de soi au volant de sa Porsche alors que l’on touche le RSA pouvait comporter des risques ! Lorsqu’il y a un contrôle, l’administration fiscale enquête sur la vie privée et, depuis quelques années, les réseaux sociaux sont devenus une source fantastique de renseignements. Mais cette fois, cela va beaucoup plus loin. L’article 57 du Projet de Loi de Finances 2020 voté en France le 13 novembre dernier autorise désormais l'administration fiscale à récolter en masse les données qui se trouvent sur les réseaux sociaux et autres plateformes digitales. Le fisc pourra ainsi exploiter cette masse de données à l’aide d’algorithmes qui lui permettront ainsi de détecter d'éventuels indices de fraude fiscale. 

Il s’agit donc d’une inversion du processus. Avant, lorsque le fisc avait des doutes sur un contribuable, il commençait à enquêter pour trouver les preuves de son infraction. Maintenant, les données collectées feront sonner les alarmes à Bercy et montrer du doigt les suspects. Le Big data au service de l’administration fiscale. 

Concrètement, l’article 57 stipule que "l'administration fiscale et l'administration des douanes et droits indirects peuvent [...] collecter et exploiter, au moyen de traitements informatisés et automatisés et n'utilisant aucun système de reconnaissance faciale, les contenus librement accessibles publiés sur Internet par les utilisateurs des opérateurs de plateforme en ligne". 

Il est bien sûr question des réseaux sociaux type Facebook, Twitter ou Instagram. Mais pas seulement. Les plateformes également visées sont celles qui permettent de mettre en relation ceux qui vendent, achètent ou échangent un bien ou service, autrement dit, les sites tels que Wallapop ou leboncoin. On peut penser par exemple à ces contribuables qui se livreraient sur Internet à un commerce non déclaré. 


En ligne de mire, les résidents à l’étranger

Mais tout porte à croire que la mesure viserait surtout les résidents fiscaux à l'étranger qui pourraient faire de fausses déclarations au fisc. En ayant accès à leurs réseaux sociaux, le fisc pourrait non seulement voir les photos sur les profils publics, mais surtout identifier à partir de l'adresse IP le pays depuis lequel ils ont posté ou consulté les sites, et ainsi pouvoir constater la véracité de leur déclaration à travers ces éléments. Alors, attention aux faux résidents fiscaux qui auraient déclaré au fisc qu’ils résident en France alors qu’ils passent la plupart du temps en Espagne, aux Etats-Unis ou en Suisse, et vice-versa. Sans parler des contribuables qui mettent en location via Internet un appartement qu’ils possèdent sur la Costa Brava et non déclaré au fisc français. Actuellement, la domiciliation fiscale frauduleuse à l’étranger fait l’objet de presque 200 contrôles fiscaux externes par an.

Les différents outils technologiques sont déjà largement utilisés par Bercy dans d’autres domaines. Ainsi, le recours au "datamining", ou exploration des données, ne représentait que 5% des contrôles de Bercy en 2017, alors qu’il atteignait déjà 25% en 2019, et l’objectif est d’arriver à 50% en 2021.

Même s’il s’agit d’une mesure expérimentale de trois ans, la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés -la CNIL- a  formulé plusieurs réserves afin de "préserver un strict équilibre entre l’objectif de lutte contre la fraude fiscale et le respect des droits et libertés des personnes concernées".