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Espagne et France, alliés de premier plan en matière militaire

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Gendarmerie Nationale
Écrit par Michel Yebenes
Publié le 2 août 2020, mis à jour le 3 août 2020

L’histoire des relations franco-espagnoles a été dominée par l’affrontement et la défiance depuis des siècles. La situation a radicalement changé à partir des années 1980. Nous sommes aujourd’hui des alliés de premier plan en matière militaire et de la sécurité.

 

Un commentaire sur un (excellent) article publié dans Le Petit Journal.com récemment, relatif à l’aventure espagnole de Napoléon, se réjouissait de voir la France et son voisin méridional ne plus se faire la guerre aujourd'hui. Il est vrai que l’entente cordiale n’a pas représenté l’aspect dominant des relations franco-espagnoles durant de très nombreuses décennies, voire durant plusieurs siècles. Des guerres opposant Charles Quint à François Ier puis leurs successeurs respectifs à la tension générée par la guerre civile espagnole et la dictature consécutive en passant notamment par la guerre d'indépendance contre Napoléon, la France et l'Espagne ont majoritairement eu des relations belliqueuses, d'affrontement, de méfiance et de distance diplomatique jusqu'au crépuscule des années 1970. La décennie suivante vit notamment se mettre en œuvre une coopération militaire et policière efficace qui n'a cessé de se renforcer. L’Espagne et la France sont aujourd'hui deux grands alliés, deux partenaires ayant des relations privilégiées dans les domaines précités à un degré souvent mésestimé.

 

Des alliés engagés côte à côte dans des conflits et des missions militaires


Les deux États peuvent être considérés réellement comme des alliés militaires depuis les années 1980 et l’intégration de l’Espagne à l’OTAN (même si des relations et des échanges limités existent depuis les années 1960). Les relations entre armées des deux pays se sont alors peu à peu renforcées sur les théâtres d’opérations communs. Citons comme exemples l’engagement de composantes des deux armées en ex-Yougoslavie dès le début des années 1990 sous l’égide de l’ONU (FORPRONU) et de l’OTAN (SFOR). Le déploiement de militaires français et espagnols en Afghanistan (dans notamment la Force Internationale d’Assistance et de Sécurité sous l’égide de l’OTAN durant les années 2000 - 2010) est un autre exemple majeur. La participation des deux armées dans la force navale européenne contre la piraterie maritime au large de la corne d'Afrique (Golfe d’Aden et côtes somaliennes) qui existe depuis 2008 illustre également cet engagement militaire commun. Dans cette logique, les armées françaises et espagnoles participent à de nombreuses manœuvres mixtes sur terre, air et mer. Le défilé le 14 juillet 2019 aux Champs Élysées d’une compagnie de fantassins espagnols engagés sous l’égide de l’union européenne aux côtés des soldats français au Mali symbolise la force de ces liens et ce respect mutuel au terme de près de 40 années de contact permanent et de missions communes.

 

Une coopération antiterroriste totale et exemplaire


Ce dernier exemple pourrait également illustrer un aspect de la coopération antiterroriste franco-espagnole. Pour lutter contre la menace des groupes djihadistes enracinés au Sahel, des militaires espagnols sont déployés avec les forces françaises dans le cadre de l’opération Barkhane. La garde civile est également engagée dans ce théâtre d’opération pour former des unités et ainsi améliorer la sécurité dans ces États aux côtés des gendarmeries européennes dont la française.
Dans ce domaine antiterroriste, la lutte commune contre l’E.T.A. occupe une place particulière et a donné des résultats exemplaires. La coopération entre forces de sécurité françaises et espagnoles contre cette entité terroriste, qui a tué près de 900 personnes et commis plus de 3 000 attentats de 1968 à 2011, a été totale à partir du milieu des années 1980 et constitue une des principales raisons de la fin d'E.T.A. Ceci a permis de réduire à néant la tactique fondamentale de l’E.T.A. consistant à frapper en Espagne et à disposer son organisation, ses bases opérationnelles et sa logistique en France. Privée du bénéfice du refuge français, harcelée par la justice et les forces de sécurité de part et d’autre de la frontière en contact permanent, cette organisation a entamé un lent déclin opérationnel. Sont ainsi « tombés » peu à peu, inexorablement, caches, dépôts logistiques, moyens de financements, centres d’entraînements, activistes, commandos, responsables d’appareils, chefs…
Le procès en Espagne actuellement d'une ex-dirigeante et membre de commandos d'E.T.A. (Maria Soledad Iparraguirre alias "Anboto") illustre parfaitement cette coopération. Cette figure terroriste fut arrêtée par la police nationale française en octobre 2004 à Salies-de-Béarn, dans les Pyrénées-Atlantiques.

 

Une approche commune contre la criminalité organisée internationale


Une bonne partie de la criminalité organisée sévissant en France agit également sur le territoire espagnol. L’exemple le plus connu porte sur les réseaux internationaux de trafic de stupéfiants important sur le territoire français la résine de cannabis marocaine, voire de la cocaïne latino-américaine, via l’Espagne. Ces bandes ne se limitent le plus généralement pas à cette activité criminelle et investissent dans le blanchiment et autres trafics comme celui des armes. Cet état de fait a conduit les forces de sécurité et de douane des deux États a coopérer dans ce domaine. De nombreuses opérations d’envergure contre les réseaux hexagonaux de trafic de drogue d’importance se font dans le cadre d’opérations communes franco-espagnoles, bien souvent avec l’appui d’Europol. Ce recours assez habituel aux partenaires espagnols se révèle très efficace pour les deux parties et contribue largement à la hausse du nombre de structures criminelles désarticulées et de saisies de produits ainsi que d’avoirs constatée ces dernières années de part et d’autre des Pyrénées.
Outre le narcotrafic, des développements prometteurs apparaissent dans le domaine de la lutte contre les atteintes criminelles à l'environnement, contre la délinquance économique internationale ainsi que contre les groupes criminels internationaux agissant en matière de vols en bande organisée. Un exemple d’opération commune dans ce dernier domaine, largement évoqué par la presse française, est particulièrement éloquent : il s’agit du démantèlement durant toute l’année 2019 par la gendarmerie nationale et la garde civile d’un colossal trafic de voitures volées entre la France et l’Espagne. Les véhicules étaient volés outre-Pyrénées, essentiellement dans la région de Madrid, et revendus en France par une organisation hiérarchisée, extrêmement rodée.

L’Espagne et la France sont aujourd’hui des alliés importants. En matière de sécurité notamment, l'Espagne est sans conteste le plus solide et efficace partenaire de la France (et réciproquement) depuis plusieurs années. Cette réalité, cette grande proximité, est également visible sur le plan purement diplomatique. Il est frappant de voir que cet aspect est relativement peu connu en dehors des milieux spécialisés. On retient en effet plus facilement les quelques rivalités et les contentieux souvent anecdotiques entre ces deux pays voisins entretenus par la tradition ainsi que par une partie des médias et de l’opinion, le plus souvent espagnols il faut bien le reconnaître. L’héritage de la guerre d’indépendance pèse peut-être encore à ce niveau...

michel yebenes
Publié le 2 août 2020, mis à jour le 3 août 2020

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